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Critique de LightandSmell


Guy-Roger Duvert est l'une de mes valeurs sûres, cet auteur ayant la faculté de proposer des ouvrages rythmés et fortement visuels, qui, sous couvert de fiction, abordent des sujets variés, tout en soulevant des questions d'ordre éthique et moral ne manquant jamais de faire tourner à plein régime nos neurones.

Ce troisième tome de l'excellente saga Outsphere, dont le premier tome s'est qualifié parmi les 25 finalistes du PLIB 2022, ne déroge pas à la règle. Ma lecture du deuxième tome, le Réveil, remontant à plus d'un an, j'ai eu peur d'être complètement perdue et de ne pas réussir à m'immerger dans l'histoire. Mais que nenni ! D'une part, oubliez la galerie étendue de personnages des tomes précédents, la narration se concentrant ici sur un nombre de protagonistes bien plus restreint. D'autre part, l'auteur veille à faire de salutaires rappels, permettant aux lecteurs de se remémorer les points les plus importants, et d'être fins prêts à s'immerger dans une nouvelle aventure riche en péripéties !

Alors que le colonel Bowman se réveille de son dernier coma cryogénique, il doit faire face à l'évidence : la planète qu'il a laissée derrière lui en s'endormant a bien changé, le vert de la végétation ayant laissé sa place à l'aridité du désert. Mais il n'a pas le temps de se laisser déstabiliser par la situation, l'urgent étant de retrouver les deux autres endormis, dont Vanessa Fulton, cette scientifique brillante dont il est tombé amoureux. Il doit également chercher un remède contre ce poison mortel qui coule dans ses veines, petit souvenir d'une épique bataille.

Mais en se lançant sur la trace de ses anciens camarades, sans être certain de les retrouver vivants, c'est tout un nouveau monde qui s'ouvre à lui. Un monde qui semble avoir régressé technologiquement, mais dont il doit néanmoins saisir les codes s'il veut espérer survivre et mener à bien sa mission. Il pourra heureusement compter sur un duo étonnant, formé par une humaine et un homme-lézard, qui va lui donner, entre autres, un cours accéléré d'histoire sur ces siècles qui se sont écoulés entre son endormissement et son réveil… Un rattrapage qui nous permettra également de saisir les nouveaux enjeux auxquels va devoir faire face notre héros. Autre époque, autres moeurs, mais pas forcément autres problèmes, du moins, pas totalement…

Au cours de ma lecture, j'ai réalisé mon attachement à Bowman qui, depuis le premier tome, traverse sans sourciller des épreuves terribles, et des situations dont on doute jusqu'au bout de l'issue. Certes, il reste ce militaire avec une vision à long terme pour laquelle il est capable de prendre des décisions difficiles, mais il nous dévoile un côté plus humain, à travers notamment son envie de retrouver Fulton, parfois au risque de sa propre santé. Courageux et déterminé, c'est le genre de leader que l'on a envie de suivre et que l'on sent guidé par le sens du devoir et non par une quelconque envie de pouvoir. Ce qui, comme vous le verrez, le distingue fortement d'autres personnes…

Si j'ai retrouvé avec plaisir Bowman, j'ai surtout apprécié de découvrir l'évolution géographique, sociétale avec une étonnante cohabitation entre humains et reptiliens, politique, et religieuse d'Eden. L'auteur a, en effet, réalisé un fabuleux travail quant à l'évolution de cette planète, peaufinant chaque détail et rendant ainsi son exploration fascinante. J'ai aimé parcourir des zones et décors peu accueillants, découvrir des cités, mais aussi la manière dont chacune d'entre elles s'est organisée politiquement et religieusement, de grandes disparités existant en la matière. Au fil de l'aventure, on découvrira ainsi que, quand certaines cités soutiennent et défendent une religion dont les dérives ne seront pas sans rappeler celles des religions monothéistes de notre société, d'autres cités imposent une laïcité qui tourne à la dictature. Entre les deux, des reptiliens qui semblent finalement bien plus sages.

Devant ce tableau d'ensemble, on finirait presque par comprendre les motivations d'un individu qui, devant les erreurs répétées et systématiques des Hommes, ceux-ci ayant cette capacité à ne pas apprendre de leurs erreurs, a fini par prendre des mesures radicales. Et si pour sauver les Hommes d'eux-mêmes, la seule solution était de les garder sous contrôle, les privant de tout libre arbitre et donc de leur tendance à l'auto-destruction ? La question, si elle ne manquera pas de faire bondir, mérite d'être posée, la survie de la planète étant en jeu. En effet, suite à des conflits et des comportements inadaptés, Eden a régressé technologiquement au cours des siècles écoulés. Mais à force de régresser, l'humanité ne risque-t-elle pas de s'éteindre ?

Sans être pesante ni lourde, la question religieuse prend une certaine place dans le roman, d'autant que Guy-Roger Duvert la lie brillamment avec les tomes précédents, nous montrant la manière dont les croyances, mélange de fantasmes et de réalité, finissent par être détournées par les uns pour asservir les autres. Au cours des chapitres, l'auteur nous pousse également à nous interroger sur des sujets divers et variés, comme la survie, la mémoire du passé, le prix de la liberté et du libre arbitre, le pouvoir politique et la manière dont il tend à être détourné par et au profit d'une classe de privilégiés… Tout autant de thèmes que l'on peut transposer à notre propre société.

Religions peut également s'appuyer sur son rythme effréné pour séduire et embarquer les lecteurs comme le ferait un bon film. Ainsi, on alterne entre des scènes d'action pure, et des phases de découverte, d'infiltration, de planification et de stratégie, la situation nécessitant parfois de réfléchir comme un homme politique et pas seulement comme un militaire ou un homme d'action. Une capacité que seul Bowman semble posséder, rendant son action parfaitement complémentaire avec celle d'un autre personnage dont l'approche sera plus opérationnelle et pragmatique. Un personnage que j'ai pris plaisir à suivre, mais pour lequel je n'ai pas réussi à développer d'attachement. Il faut dire que profondément solitaire par nature, il ne fait pas dans les sentiments…

Quant à la plume de l'auteur, elle reste fidèle à elle-même : efficace, rythmée, percutante et visuelle. le fait d'avoir réduit drastiquement le nombre de protagonistes permet également à l'auteur de proposer un tome peut-être plus facile d'accès que les deux autres, mais tout aussi qualitatif et riche en événements. Pris dans le feu de l'action et de ce nouvel environnement à appréhender, on vit l'aventure intensément et presque en apnée, l'auteur ayant tendance à ne pas avoir peur de sacrifier certains pions !

La fin de Religions, si elle m'a semblé parfaite au regard du ton de la série, m'a quelque peu enserré le coeur. Je me suis d'ailleurs empressée de lire le prologue que l'auteur vous laisse découvrir à votre discrétion puisqu'il introduit un cliffhanger dont vous aurez la suite dans plusieurs années. Mais que vous lisiez le prologue ou non, votre esprit terminera le roman avec satisfaction et l'envie de poursuivre l'aventure Outsphere. Une aventure riche en péripéties, en dangers, et en réflexions autour d'une humanité qui, quels que soient le lieu et l'époque, semble incapable d'exister sans s'auto-saboter…

Je remercie Guy-Roger Duvert de m'avoir envoyé ce roman en échange de mon avis.
Lien : https://lightandsmell.wordpr..
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