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Critique de cedawmarina


Je suis très mitigée sur Andrea Dworkin. J'admire son érudition, je comprends la nécessité du pamphlet et du brûlot, et j'entends et partage sa colère, venue de ce foyer ardent commun à tant de femmes.

Il m'arrive aussi de la trouver absurde, manichéenne, parfois essentialiste à l'extrême. J'ai l'impression qu'elle force le trait pour faire passer un message que l'on a compris bien en amont, dans un style qui semble dire "si vous n'êtes pas d'accord avec moi c'est que vous êtes l'ennemi(e)". Venant de plumes aguerries, ce genre de rhétorique me parvient souvent comme un constat d'échec.

Ces réserves étant posées, je suis heureuse que "Les femmes de droite" ait fini par voir le jour en langue française. Ici la démarche est remarquable : Dworkin engage une réflexion frontale, profonde et provocatrice sur les inconvénients et les "avantages" pour une femme de se plier aux injonctions du patriarcat. Dworkin se place de l'autre côté du spectre pour une étude critique mais non dénuée d'empathie, le tout porté par un travail de recherche et d'analyse exemplaire et souvent très convaincant. Quelle que soit la place qu'occupent les femmes dans la société, elles doivent négocier avec la réalité et y laisser des plumes, et la démonstration faite dans ces pages est globalement éloquente.

Quelques remarques néanmoins. Au moment où j'écris ces lignes, soit plusieurs décennies après la parution de l'ouvrage, le sujet traité est plus pertinent que jamais, mais il a bien sûr suivi des développements particuliers. Il va de soi que la question de la "droite" américaine s'est redéfinie, depuis Bush Jr et évidemment plus encore depuis Trump. Très insidueusement, au moins depuis Reagan, cette droite a trouvé une façon de se rendre immédiatement attractive auprès de certaines femmes parfois éloignées des structure d'assujetissement au mari ou à la structure familiale. le temps n'a fait que renforcer cette tendance et il me paraît clair que beaucoup d'Américaines aujourd'hui sont proactivement conservatrices, pour des raisons plus subtiles qu'une stricte adhésion aux codes du patriarcat ou une peur de ce dernier.

De même, les données sociologiques, les théories contemporaines du genre et du féminisme ont largement évolué depuis l'époque d'Andrea Dworkin, avec des approches intersectionnelles qui tiennent compte d'autres formes complexes de discrimination et de privilèges.

Dernière réflexion personnelle à ce sujet, l'accent mis par Dworkin sur l'impératif sexuel masculin m'apparaît comme un aspect daté de son oeuvre. J'aurais tendance à trouver cela désormais réducteur et je pense qu'il y aurait plus à chercher du côté de la notion plus globale de pouvoir (qui inclut la sexualité, mais pas seulement, loin de là) pour observer les dérèglements qui nous entourent.
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