Dans le webinaire trimestriel de notre revue Prostitution et Société, Harmony Devillard nous parle du premier livre de la féministe radicale états-unienne Andrea Dworkin : Woman Hating, de la misogynie. Harmony a co-traduit avec Camille Chaplain cet ouvrage magistral écrit en 1974. Où l'on apprend qu'en ce qui concerne les femmes, contes de fées et pornographie racontent la même histoire : une femme bonne, c'est une femme morte...
Je rêve qu'un amour sans tyrannie puisse exister.
Il existe deux modèles qui décrivent essentiellement la façon dont les femmes sont socialement contrôlées et sexuellement utilisées : le modèle du bordel et celui de la ferme.
Le modèle du bordel est lié à la prostitution, au sens strict, des femmes rassemblées aux fins d’être utilisées pour le sexe par des hommes, des femmes dont la fonction est explicitement non reproductive, presque anti-reproductive ; des animaux sexuels en rut ou qui feignent de l’être, s’affichant pour le sexe, qui se pavanent et posent pour le sexe.
Le modèle de la ferme est lié à la maternité, aux femmes en tant que classe ensemencées par le mâle et moissonnées ; des femmes utilisées pour les fruits qu’elles portent, comme des arbres ; des femmes allant de la vache primée à la chienne pelée, de la jument pur-sang à la triste bête de somme.
La religion est fondamentaliste, orthodoxe, essentielle au programme politique de la droite. L’ordre moral et l’ordre social se reflètent par définition : l’autorité, la hiérarchie et la propriété sont des valeurs de droit divin, à ne pas laisser compromettre par des humanistes laïques, des athées ou des libéraux, férus d’idées perverses en matière d’égalité. Aux États-Unis, la religion constitue une branche politique de la nouvelle droite. Le travail d’organisation anti-avortement se fait dans les églises. Les lois sur les droits des gais se heurtent à des leaders religieux qui mobilisent les gens contre le péché. Les projets de loi sur l’égalité des droits des femmes sont défaits par des arguments théologiques. On compare le mari au Christ et on dépose des projets de loi au Congrès pour faire de cette analogie une politique d’État. Les femmes battues sont qualifiées d’« épouses en fuite » quand elles arrivent à partir et on les dénonce comme étant insuffisamment soumises : s’échapper est immoral. Les femmes victimes de harcèlement sexuel se font reprocher de ne pas être « vertueuses ». Les représentations d’hommes et de femmes dans les manuels scolaires doivent demeurer conformes aux édits fondamentalistes au sujet des hommes et des femmes : l’épouse doit y figurer dans la pleine splendeur de sa domesticité. La famille doit jouer le rôle d’unité féodale dans ce Jeu de la passion politique, et la religion constitue un outil aussi fondamental qu’efficace dans ce programme de répression domestique et de contrôle social.
Nous devons détruire la structure même de la culture telle que nous la connaissons, ses arts, ses églises, ses lois ; il nous faut éradiquer de la conscience et de la mémoire toutes les images, les institutions et les mentalités structurelles qui transforment les hommes en violeurs par définition et les femmes en victimes par définition. Tant que nous ne l'auront pas fait, le viol restera notre modèle sexuel primordial et les hommes violeront les femmes.
La vérité est plus difficile à supporter que l'ignorance, et donc l'ignorance est plus valorisée, entre autres parce que le statu quo en dépend.
La tristement célèbre Nuit de Cristal – lorsque les nazis allemands ont incendié, vandalisé et fracassé les vitres de magasins et de maisons juives dans toute l’Allemagne – la Nuit de Cristal, qui tire son nom des éclats de verre qui recouvraient l’Allemagne quand cette nuit s’est terminée – la Nuit de Cristal, quand les nazis ont tabassé ou tué tous les Juifs qu’ils ont pu trouver, tous les Juifs qui ne s’étaient pas suffisamment barricadés – la Nuit de Cristal qui préfigura le massacre à venir – est la nuit par excellence.
Je voulais comprendre ce qui m’était arrivé pendant mon mariage et dans les mille et une occasions de la vie quotidienne où il me semblait avoir été traitée en sous-humaine. Je sentais que j’étais profondément masochiste, mais que mon masochisme n’avait rien d’individuel – toutes les femmes que je connaissais vivaient dans un masochisme profond.
le féminisme, au titre de mouvement de libération des femmes, propose un critère unique et absolu de dignité humaine, qui ne soit pas divisé selon la classe de sexe. En ce sens, le féminisme propose en effet – comme l’en accusent les antiféministes – que les hommes et les femmes soient traités de la même façon. Le féminisme est une prise de position radicale contre le deux poids deux mesures en ce qui a trait aux droits et responsabilités, et le féminisme est un plaidoyer révolutionnaire en faveur d’un critère unique de liberté humaine
La loi remet une femme mariée à son mari pour être baisée à volonté, sa volonté à lui, et la loi forçait les femmes à porter tout enfant qui pouvait en résulter. L’avortement illégal était une façon désespérée, dangereuse, ultime, secrète, terrible de dire non. Il n’est pas étonnant qu’autant de femmes respectables, mariées, craignant Dieu haïssent l’avortement
L’art masculiniste, l’art de siècles d’hommes, n'est pas universel, ni l'explication ultime de ce que signifie être au monde. Ce n'est finalement que la description d'un monde dans lequel les femmes sont assujetties, asservies, réduites en esclavage, dépossédées de leur plein accomplissement, différenciées par leur seule présence corporelle, rabaissées.