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Critique de elisecorbani


Attention lecture choc !! Découverte de Dworkin pour moi, j'ai été attirée par le titre déjà très cash, cherchant des réponses à mes interrogations personnelles. Les femmes de droite, essai écrit en 1983, apporte effectivement des éléments pour réfléchir à la question du féminisme et de l'antiféminisme comme objet de clivage politique, toujours brûlante.

Il s'agit d'un texte difficile à lire, pour plusieurs raisons. D'abord parce qu'il nous plonge dans un contexte très étranger : la culture politique américaine - amérikaine comme le singe l'autrice, la période des années 70 80. Grand nombre de références citées ne sont pas familières aux lecteur.ices français.es.

Ensuite parce que le style de Dworkin est violent, cru, comme porté irrésistiblement par l'intention de partager sa colère, de choquer et faire bouger le lecteur. Dworkin rapporte également de nombreux témoignages issus de son expérience personnelle. le registre est plus celui d'une conférence, d'une forme de prédication féministe, que de l'essai argumenté.

Enfin pour une raison pratique : ce texte traduit et diffusé par une maison d'édition canadienne m'a semblé mis en page de façon très compacte, rendant la lecture fatigante (trop de texte dense sur la page).

Les écrits d'Andrea Dworkin ont fait l'objet de traductions et rééditions en France ces dernières années et j'aimerais en lire plus tant cette lecture m'a marquée, intellectuellement, mais aussi intimement. Son aspect outrancier m'a semblé désespérément juste. L'analyse des mécanismes de protection qui poussent certaines femmes à la haine du féminisme n'est pas un sujet souvent abordé. L'hypocrisie de la "révolution sexuelle" des années 70, non plus.

Le caractère central de la domination sexuelle, alimenté par l'objectivation de la femme, son injonction à la disponibilité sexuelle, à la baise et à la procréation, ne peut que faire réfléchir. Dans un des développements, où l'autrice imagine un futur cauchemardesque, on retrouve l'univers du roman dystopique à succès Handmaid's tale, la servante écarlate, publié quelques années plus tard, en 1985.

Ce n'est pas en tout cas une lecture à conseiller à quelqu'un qui serait vierge de toute culture et conviction féministe. Mieux vaut être déjà très sensibilisé à la question des violences faites aux femmes notamment à l'emprise de la sexualité dans les rapports de pouvoir imposés aux femmes. C'est sûrement une lecture très difficile pour un homme.

Le propos d'Andrea Dworkin est très clairvoyant quoique vieux de 40 ans, pour prendre du recul sur ce qui se joue toujours dans les années 2020. Pornographie devenue une quasi norme, clivages entre wokisme et identitarisme, sous cache sexe religieux, le féminisme post me too est une nouvelle doxa progressiste portée par la gauche et combattue par la droite. Après la lecture des Femmes de droite on comprend un peu mieux certaines racines du phénomène actuel.

Je mets à jour cette critique en février 2024 après avoir écouté plusieurs émissions sur le mouvement des tradwives. La lecture de ce livre de Dworkin, qui évoque directement les positions de Phyllis Shlafly, militante antiféministe de l'époque, permet de comprendre l'archéologie de ce mouvement qui prend une nouvelle ampleur grâce aux réseaux sociaux.
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