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Critique de jamiK


Jean Dytar nous raconte la tentative de colonisation des Huguenots en Floride en 1642. Il prend le parti de raconter cette expédition comme un récit qu'on découvre plus de 10 ans plus tard, après le massacre de la Saint Barthélémy (1572). Jacques le Moyne, un des rares rescapés, est réfugié en Angleterre, c'est un huguenot, dessinateur et cartographe qui depuis son retour, se contente de dessiner des fleurs décoratives. le récit de l'expédition elle-même ne va de la page 80 à 160 sur 260 pages donc moins du tiers du roman graphique.

À travers la déprime du cartographe, on découvre les enjeux politiques du moment, en parallèle avec sa vie de famille. Sa femme ne comprend pas sa réticence à parler de son expérience, et les anglais voudraient obtenir des renseignement pour tenter à leur tour de coloniser cette région du monde, et surtout pour contrecarrer les Espagnols, bien implantés au sud de cette région (Cuba, Mexique).

Le dessin est travaillé au pinceau, dans les tons ocres pour les récits du présent, le trait est léger, les traits sont aussi réalisés au pinceau, donnant vivacité et spontanéité. Pour le passé, les flashbacks, pas de noir, tout est en lavis bleutés, plus brumeux, vaporeux comme les souvenirs.

L'auteur a choisi un faux rythme pour nous raconter cette histoire, en mettant un personnage secondaire, la femme de Jacques, au centre du récit. Jacques le Moyne étant déjà un personnage secondaire de l'expédition, la valeur du témoignage officiel s'en trouve amoindrie, Jean Dytar se permet de prendre un certain recul qui dynamise le récit et le renforce par la psychologie des personnages imaginée de façon contemporaine.

Vers la fin de la bande dessinée, des pages du livre publié à l'époque, “Brevis narratio eorum quae in Florida Americae provincia Gallis acciderunt” (1591) font le parallèle avec le récit que raconte Jacques le Moyne à sa femme, apportant une théorie intéressante et assez piquante sur les auteurs présumés de ce livre et sur comment L Histoire est arrangée à des fins de propagande.

Mais la bande dessinée n'oublie pas de raconter les dangers, les risques de ce type d'expédition, les horreurs, et la violence, la préparation très hasardeuse, et aussi les contacts avec les indigènes et l'hypocrisie de la colonisation…

Jean Dytar n'a pas choisi l'option de l'aventure épique, pleine d'héroïsme mais au contraire, c'est un récit tout en retenue, en pudeur, plus sincère et au final plus réaliste, centré sur la psychologie de son personnage, un point de vue contemporain qui donne au final, un récit passionnant, troublant et édifiant, avec une véritable force romanesque.
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