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Critique de Cellardoorfr


Dans ce roman, David Ebershoff a réussi à parler d'un sujet délicat et complexe avec justesse et pudeur. Sans voyeurisme aucun, sans sensationnalisme, il nous présente le parcours d'un homme qui réalise sa dualité. C'est son épouse, lors d'une séance de pose innocente (elle a besoin d'un modèle pour terminer son tableau et demande à son mari de mettre des bas) qui va lui permettre de faire naître Lili, cette femme qui sommeille en lui et qui remontera de plus en plus souvent à la surface jusqu'à occuper complètement le devant de la scène.

D'emblée, je peux vous dire que ce roman est vraiment bien écrit, avec beaucoup de descriptions qui permettent d'imaginer chaque scène, chaque lieu, chaque robe de Lili. C'est parfois très lent. Danish Girl est un roman d'ambiance, un roman coupé en quatre parties qui nous permet de passer du Danemark à la France puis à l'Allemagne dans des milieux et des contextes très différents les uns des autres.

Greta est certainement le personnage qui m'a le plus touchée (et d'ailleurs, c'est aussi elle qui m'avait le plus interpelée dans le film). Pourquoi ? Et bien tout simplement pour sa gentillesse, pour sa tolérance et aussi pour l'amour profond qu'elle éprouve pour Einar, un amour qui lui permet de passer au-delà de tout le reste. Ce qu'elle fait pour lui… C'est quand même fort. Et en retour j'ai souvent trouvé Einar/Lili égoïste et injuste. Comme s'il/si elle ne prenait pas la juste mesure du dévouement dont fait preuve Greta.

Dans le film, j'avais été frustrée d'en savoir peu sur elle et l'auteur a réussi à combler mes frustrations (même s'il a fait de Greta, un personnage un peu différent de la vraie Gerda Wegener (oui parce qu'il a aussi légèrement modifié son prénom). Il en a fait une femme pleine de caractère et surtout, terriblement en avance sur son temps. Une vraie pionnière, un vrai esprit libre qui entend bien se libérer de tous les carcans imposés par la société, par sa famille… Une femme moderne dans les années 30 qui accepte de perdre celui qu'elle aime pour qu'il puisse enfin accéder au bonheur. Autant d'informations sur un personnage qui nous permettent de mieux comprendre ses démarches et la liberté et l'abnégation dont elle fait preuve en toutes circonstances.

J'ai bien aimé ma lecture, vraiment et j'en garderai un bon souvenir mais j'ai fermé le livre avec beaucoup de tristesse et surtout, en étant terriblement mal à l'aise. Non pas à cause du sujet (bien que cela soit forcément lié) mais surtout à cause du personnage d'Einar/Lili.

La question de la transsexualité m'a toujours beaucoup intéressée. Non pas que je considère ces hommes et ces femmes comme des phénomènes de foire à étudier comme des cobayes, loin de là, mais j'ai toujours été fascinée par ces parcours chaotiques et si compliqués tout en me disant que ce devait sans doute être l'une des choses les plus traumatisantes par lesquelles on puisse passer. Se sentir homme dans le corps d'une femme ou inversement est quelque chose que je ne peux évidemment pas comprendre, j'en suis parfaitement consciente, mais je me suis toujours dit que je pouvais l'imaginer. Oui, j'ai cette prétention. Je conçois qu'on puisse se sentir en décalage avec le sexe que la nature nous a attribué. Mais il faut croire qu'en réalité, je ne suis pas aussi compréhensive que je le pensais…
Car le personnage d'Einar a fini par me perdre.

Tout au long du roman, j'ai essayé de le comprendre. J'ai compris son besoin de s'habiller en femme, j'ai compris son besoin de s'affirmer en tant que telle. J'ai même compris sa première opération, mais moins son acharnement à multiplier les interventions pour obtenir tout l'attirail de l'appareil reproducteur féminin. A bien des reprises, j'avais juste envie de lui dire « Ma petite Lili, tout se passe bien pour toi, ta femme t'as soutenue dans ta volonté de changer de sexe (ce qui n'aurait pas été donné à tout le monde, crois moi), tu bénéficies d'un cercle d'amis qui te soutient sans te juger, tu as changé tes papiers, tu es reconnue comme femme à part entière alors pourquoi vouloir faire une greffe d'utérus ? On est en 1931 bordel ! Tu vas te faire charcuter ! ». L'opération m'a semblé d'autant plus folle qu'au moment de sa greffe d'utérus, la vraie Lili (qui, comme le personnage d'Ebershoff, voulait apparemment avoir des enfants), avait déjà… 49 ans ! C'était pas un peu tard pour ça, sérieux ?

Il n'y a rien de plus beau que de voir des personnages en souffrance atteindre enfin le bonheur et obtenir ce qu'il leur manque. Malheureusement, je n'ai pas été heureuse pour Lili car j'ai trouvé que sa quête la poussait toujours plus loin en avant alors qu'elle aurait dû se contenter de ce qu'elle avait et savourer ses premières victoires que je trouve déjà stupéfiantes, surtout pour l'époque. Et c'est là où je me rends compte que mon empathie et ma compréhension du sujet a ses limites. J'imagine que Lili, malgré ses premiers changements, considérait qu'elle était encore incomplète. Et que ce qui prend des airs d'acharnement à mes yeux (repartir pour une opération alors qu'elle souffre tellement des séquelles des précédentes, c'est de la folie), n'était en réalité qu'une suite logique pour elle. N'empêche qu'à cause de la distance qui s'est peu à peu établie entre Lili et moi, je n'ai pas pu voir son parcours comme une quête de liberté mais comme une course vers la mort. Mais évidemment, ce sentiment étrange tient certainement au fait que je savais que Lili Elbe était morte d'une infection suite à sa dernière opération. Dans les derniers chapitres, je la voyais donc partir pour la mort quand elle partait juste pour clore le chapitre de son ancienne vie… et commencer une nouvelle.

Je ne sais pas si je me fais bien comprendre mais la dernière partie, pour moi, est ceinte d'une auréole morbide et triste, avec les scènes à l'hôpital, ce qui m'a plongée dans un état désagréable.
Lien : http://cellardoor.fr/critiqu..
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