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Critique de PhilippeCastellain


Je retrouve aujourd'hui le cher, le merveilleux, l'unique Eça de Queiroz, l'Oscar Wilde de l'Alentejo, le Zola du bord du Duro… Et quel livre pour ces retrouvailles ! Une petite merveille d'ironie, de sarcasme et de perfidie, peuplée de quelques portraits au vitriol et d'un gros zeste d'humour, bref le pudding à l'arsenic de la littérature !

Z. Zagalo, ex-secrétaire particulier de son excellence le comte Alipio Abranhos, raconte la jeunesse et l'ascension sociale de son défunt maitre en en dressant un panégyrique qui, il l'espère, devrait lui attirer les bonnes grâce de sa veuve éplorée. Fils d'un tailleur d'une petite ville de province, petit-fils d'une dame de bonne famille s'étant mésallié, le futur comte est tiré de la pauvreté par une riche tante sans enfant, qui décide de l'adopter et de lui donner une bonne éducation. Devenu un jeune avocat prometteur, il réussit à faire un bon mariage, qui lui ouvre les portes de la haute société et du monde de la politique. Une magnifique carrière ponctuée de trahisons en tout genre s'ouvrira à lui…

Il n'y pas de mots pour décrire la mauvaise foi absolue avec laquelle le secrétaire particulier justifie toutes les fourberies, toutes les bassesses et tous les coups bas de son maitre. Il y en a tellement qu'on ne saurait laquelle choisir au milieu de ce fantastique bouquet de malignité. Que ce soit sa fréquentation des prostitués, ses diplômes obtenus grâce à la délation de ses camarades, ses flagorneries pour se faire bien voir de ses futurs beaux-parents, ses trahisons politiques, son mépris absolu pour ses administrés, tout est magnifiquement justifié comme l'accomplissement de la fierté, de la bienséance et du devoir, toutes qualité que le prince ne peut que personnifier.

La cible d'Eça de Queiroz n'est donc pas vraiment le comte, vieille canaille rouée et hypocrite, mais lucide sur son propre compte et doté d'un véritable flair. Ce sont les profiteurs, les flagorneurs, les gagne-petit qui tourbillonnent en grappes autours des puissants, essayent de récupérer quelques miettes de biens mal acquis à coup de bassesses et de flagorneries.

Je suis à chaque fois confondu par le talent littéraire de ce grand écrivain trop peu connu en France. Son défaut, si l'on peut dire, est son incapacité à se plonger dans le tragique du fait de son goût beaucoup trop prononcé pour l'ironie et de sa capacité à tout tourner en ridicule. Ici, dans ce petit bijou de fiel, il atteint de véritables sommets.
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