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Critique de Dandine


Un livre qui a ete et reste un best-seller. De quoi demolir tous mes prejuges sur les best-sellers. Et je crois bien que je dois demander pardon a tous les lecteurs de best-sellers que dans mon for interieur je denigrais un peu sans jamais avoir le courage de le dire. Parce qu'il est d'une lecture ardue, ce livre. Comment un livre qui presente tant de difficultes, qui demande tant d'efforts, tant de perseverance, devient si populaire? The answer, my friend, is blowing in the wind. Moi, en tous cas, je renonce a en donner une quelconque explication, mais le fait est la, il a conquis enormement de lecteurs.

On peut le classer dans le genre du polar, parce qu'il y a un suspense tres bien mene. Il y a beaucoup de morts, mais qu'est-ce qui leur a donne la mort, et qui les tue, et pourquoi?

En dehors de cette enigme policiere, le lecteur (oui, oui, je parle de moi a la troisieme personne; on me le pardonnera) a droit a une lecon d'histoire des idees. La grande controverse qui eut lieu au Moyen Age sur la pauvrete du Christ. Les attaques menees par des ordres monastiques contre l'ostentation de richesse de la papaute et des prelats catholiques. Et une lecon d'histoire relle. Sur les papes d'Avignon. Sur leur combat, tres seculaire, contre le Saint-Empire romain germanique. Sur les mouvements populaires animes autant par un desespoir social que par une opposition a l'Eglise du temps, prechant une certaine dissidence. Sur l'inquisition recemment creee, ses methodes et son reel pouvoir. Des citations s'imposent a moi: "Et puis ce que je vis a l'abbaye m'a fait penser que souvent ce sont les inquisiteurs qui creent les heretiques. Non seulement pour les imaginer quand ils n'existent pas, mais parce qu'ils repriment avec une telle vehemence la verole heretique que nombreux sont ceux qui l'attrappent par haine des inquisiteurs. Vraiment, un cercle concu par le demon, que Dieu nous en garde." "Apprends, me dit-il, sous la torture, ou menace de torture, un homme dit non seulement ce qu'il a fait mais aussi ce qu'il aurait voulu faire, meme s'il ne le savait pas."

Et nous sommes (j'en suis arrive au pluriel: c'est moi et mes vices) immerges dans la vie de tous les jours de moines en une abbaye montagnarde, et dans la dure vie des paysans qui les entourent, en fait leurs serfs.

J'ai beaucoup apprecie tout cela (voila: je laisse le nous aux rois et aux presidents regnant). J'ai apprecie les pages decrivant l'art de l'epoque, que ce soit une porte sculptee ou les enluminures d'un parchemin. J'ai souri au rappel d'avancees techniques (ah! les verres ponces qui permettent au heros, o miracle, de lire, tout comme moi aujourd'hui). J'ai aime saisir les clins-d'oeil de l'auteur (tous? surement pas!), en direction de Conan Doyle (le heros se nomme de Baskerville, et son aide Adso, qui sonne a l'oreille tout comme le Watson de Sherlock Holmes), de Borges et de nombreux autres. Avec Borges il mene une longue affaire, d'amour et de desamour, lui empruntant ses contes sur les labyrinthes et les bibliotheques, pour les detruire tout en les elargissant. Il pousse jusqu'a le mettre en scene, en bibliothecaire aveugle aimant les livres et haissant les lecteurs.

Bref, j'ai beaucoup aime ce livre. Un bon polar. Une bonne incursion dans l'histoire moyennageuse de l'Occident. Un livre sur des livres. Un livre sur des livres qui racontent d'autres livres. Un livre sur des livres qui se souviennent d'autres livres (Borges, encore). Et les nombreux passages en latin ne m'ont meme pas gene. J'ai savoure ma relecture peut-etre plus que ma premiere lecture. Cette relecture m'a permis de decouvrir les "apostilles" de l'auteur, publiees plus tard, ou il reflechit et essaie d'expliquer ses choix d'ecriture. La, il dit, entre autres choses, que les grandes oeuvres sont celles qui pretendent creer ses propres lecteurs, pas celles qui se conforment d'avance aux hypothetiques gouts du public. Voila qui m'expliquerait comment ce livre est devenu un best-seller. Ou, dans les mots de Guillaume de Baskerville: "Le bien, pour un livre, c'est d'etre lu." Ce livre a donc recu beaucoup de bien. Il le rend au centuple.

Et le titre du livre, son nom? Qui s'en souvient? Mais essayons... allons voir... allons voir si la rose qui ce matin avoit desclose sa robe de pourpre au soleil, a point perdu cette vespree les plis de sa robe pourpree, et son teint... allons voir... encore une fois...
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