AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Alzie


Trois exemplaires jaunis des Chants de Maldoror laissés dans une chambre louée – par un sulfureux prédécesseur – ont fini par enflammer la cervelle d'un feuilletoniste de gazette en mal d'inspiration qui y a jeté ses pénates. C'est le prélude à cette aventure fantastico-littéraire, à incidence policière très opportune et au graphisme séduisant. Têtes coupées et musique de l'au-delà pour ambiance générale. L'histoire commence au lendemain de la Commune de Paris au milieu des provocations des « vilains bonhommes » et des « zutistes » en butte aux « Zaca » (démistes). L'imagination scénaristique de ce roman graphique qui compte quelques hôtes de marque parmi tous ses protagonistes est débordante. Isidore Ducasse ( Lautréamont) y croise Rimbaud, fraîchement débarqué de Charleville et passablement énervé. Il y a aussi l'inventeur Charles Cros. A cela s'ajoute le parti d'égarer le lecteur dans un dispositif délibérément mystificateur et facétieux plutôt bien réussi. Les auteurs n'ont pas lésiné (Edith & Corcal) : dites-vous que vous tournez les pages de la version intégrale et restaurée du premier ouvrage graphique autobiographique publié en 1874 et signé du feuilletoniste obscur à la Gazette de Paris sus-mentionné, Auguste Bretagne. C'est lui qui raconte ici son histoire tandis que son frère l'inspecteur et mélomane Maxime Bretagne tourne autour du piano de Lautréamont ; les deux poètes maudits n'étant en somme que les faire-valoir dont il espère tirer réputation. Ce vieux livre dessiné aïeul de la BD où notre auteur est assisté on le verra à la lecture d'un audacieux dessinateur, Eugène de T. S., prend la tournure d'une «figuration poético-narrative » et serait née dans les hallucinations d'un cactus américain qu'Auguste a consommé avec Arthur ! Retrouvé par hasard cent quarante ans après sa création au fond d'une vielle caisse de vinyles revenue d'Australie. Foi de bédéphile que tout cela est alambiqué ! La préface retrace la folle Odyssée de ce vieux bouquin jadis censuré et aujourd'hui délabré. Si elle ne suffisait pas à vous convaincre, la lecture de ces pages hallucinées aux harmonies verdâtres dignes d'un fond d'aquarium mal lavé et le dossier final (qu'on s'amuse bien à décortiquer) réussiront peut-être à vous duper... Mais ne perdez pas de vue que l'Auguste Bretagne de ces pages n'a rien a voir avec l'homonyme qu'Arthur a pu connaître et qu'atteste sa biographie ! Si le Bretagne qui se raconte ici se met en scène avec Rimbaud et nous déroule la genèse hypothétique et les péripéties enfumées d'une invention dont il s'attribue la paternité les auteurs de l'album, eux, nous font aussi rigoler. Sachant que chimères et étrangetés pèsent autant sur la réalité que des vérités plus attestées, acceptons tout simplement avec Bretagne de « bretonner ».
Commenter  J’apprécie          110



Ont apprécié cette critique (10)voir plus




{* *}