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Critique de PtitVincent


Le 17 octobre 1961 au soir, des milliers d'algériens convergent vers le centre de Paris, les Champs-Elysées, Le Quartier latin et Opéra. Ils manifestent de façon pacifique, en famille parfois, pour critiquer le couvre-feu qui ne concerne qu'eux, les algériens (et tous les basanés par la même occasion). Une manifestation organisée par le FLN, encourageant voire obligeant le plus grand monde à y aller, et qui loin d'être naïf, sait bien que la police risque de riposter brutalement. Mais ses dirigeants n'imaginaient pas le degré de violence de la police parisienne, ce soir-là.

Car les policiers se déchainèrent, organisant une véritable ratonnade, avec le soutien du préfet de l'époque, un certain Maurice Papon. Celui-ci ira jusqu'à réquisitionner des bus pour envoyer les manifestants dans des centres de rétention improvisés, ce qui ne s'était plus fait depuis le Veld'hiv en 1942. On est très loin du bilan officiel de 3 morts (dont un par crise cardiaque !). Et cela dans une indifférence quasi générale des médias et de la population française (quand ce n'est pas une approbation bruyante).

Jean-Luc Einaudi retrace avec précision cette page noire de la République française : les prémices (meurtres de policiers et “noyés” algériens retrouvés dans la Seine), une police noyautée par l'OAS, un milieu politique au lourd passé (Papon n'est pas le seul à avoir un parcours trouble), une atmosphère pesante. Et puis heure par heure, l'auteur décrit les événements, avec minutie, des exactions à n'en plus finir (âmes sensibles s'abstenir). Enfin il retrace les jours qui ont suivi, les centres de rétention où les hommes sont abandonnés, blessés ou torturés et la chape de plomb qui très rapidement va s'abattre sur ces faits très graves.

Aujourd'hui, les historiens estiment qu'il y a eu, ce soir-là, entre 150 et 200 morts. Mais au-delà des chiffres, c'est surtout le respect de la vie humaine et de la justice, que les autorités censées les défendre, ont allègrement violé avec une totale impunité. Les archives de ces jours sombres viennent seulement d'être ouvertes aux historiens (2021) et nul doute que d'autres révélations risquent d'apparaître au grand jour. Non pour noircir la République, mais au contraire, pour la défendre contre elle-même et éviter que cela se reproduise avant longtemps. Un livre indispensable sur cette période historique.
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