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Critique de Bookycooky


Le pieux général Ahmed Alouani, suite à sa prière du matin à la mosquée, son petit déjeuner et sa petite sauterie licite avec sa femme de cent vingt kilos, se rend à ses bureaux de l'Organisation. de routine, il y assiste à l'interrogation d'un prisonnier politique , auquel après lui avoir fait envoyer une bagatelle de décharge électrique aux testicules, vocifère, « Nous avons amené ta femme Maroua et je te jure, fils de pute, que si tu ne parles pas je laisserai les policiers la sauter sous tes yeux. ».....Voici pour le portrait de l'irréprochable musulman, le mari parfait, l'homme intègre, qu' Aswany nous présente en guise d'apéro, dans son dernier roman. Un premier goût d'une galerie de personnages très divers qui vont suivre et dont les destins vont se croiser du début à la fin des événements de 2011 de la Place Tahrir. Une autopsie en directe, terrifiante, d'un pays sous la dictature, d'un pays corrompu jusqu'à la moelle, l'Egypte.

A travers un large éventail de personnages, représentatifs de la société égyptienne, du pieux militaire musulman tortionnaire à l'acteur copte spécialisé dans les seconds rôles, de l'enseignante idéaliste non voilée au cheikh charlatan, l'auteur nous fait prendre le pouls d'un pays nauséabond où complices et victimes se résignent à la servitude comme un destin fatal. Ceux qui n'ont pas encore perdu ce qui leur reste d'éthique, ont peur ou ne peuvent pas agir. Reste, une poignée de courageux qui vont se sacrifier. D'où la révolution avortée de 2011, dont on connaît d'or et déjà l' issue tragique.

El Aswany use de la langue de l'ironie à l'extrême, pour nous faire sentir l'absurdité de ce contexte de déchéance où manipulations, corruptions, escroqueries et mensonges sont à l'honneur face à un troupeau de moutons. "La chasteté, la droiture et la foi en Dieu sont les traits les plus authentiques de la personnalité du cheikh Chamel." dit-il parlant d'un charlatan, d'un escroc qui abuse de la religion pour s'en remplir plein les poches et assouvir ses désirs sexuels, sans scrupules. Il suffit de "deux fois le pèlerinage à La Mecque et avoir visité cinq fois les lieux saints" pour avoir le permis divin pour accomplir tout acte vil, jusqu'à la fin de ses jours, sans péril pour l'au-delà. "L'injustice est la règle" et tout ce qui est illicite au nom de la religion ou des moeurs , peut sans problème devenir licite, grâce "aux conditions atténuantes " inventées, selon les besoins et les convenances. Une société gangrenée, où presque personne ne veut voir, entendre ou parler. Et une énième fois la même question, les policiers et les militaires ne sont-ils pas des êtres humains ? Si oui, dans ces régimes comment deviennent-ils des monstres?
Malheureusement ces systèmes dictatoriaux corrompus sont des copies collées, tellement on les retrouve aux détails près dans divers pays et même à divers époques. On dirait qu'ils suivent un manuel d'instruction à la lettre. L'enfer, sur terre.

Encore un excellent roman choral d'El Aswany, absolument à ne pas passer à côté. Une plume de militant à l'ironie magistrale vu la triste vérité, que je recommande à tout ceux ou celles qui s'intéressent à ce sujet, plus que jamais actuel dans un autre pays aux portes de l'Europe. Un livre qui démonte aussi les aprioris sur une religion faussement interprétée selon leurs convenances, par les wahhabites et tous les fanatiques comme les Frères Musulmans, "Le cheikh Chamel et ceux qui lui ressemblent reçoivent des millions pour diffuser la pensée wahhabite et pour soutenir le pouvoir. Franchement, je ne les considère pas comme des hommes de religion. Ce sont des hommes d'affaires." de la religion malheureusement ils ont en fait un chiffon pour nettoyer toutes leurs immondices......Longtemps après avoir fermé ce livre, flottera dans ma tête, les images d'Asma, Mazen, Khaled, Dania et Achraf.......
Ce roman est interdit de publication en Egypte, et El Asnawy, depuis 2014
est interdit de télévision et de toute collaboration dans la presse égyptienne.

"J'ai couru vers le Nil. Les grenades lacrymogènes remplissaient l'atmosphère et moi je pleurais,......En revenant j'ai vu de mes propres yeux un grand nombre de morceaux humains laissés par le tank : des intestins, des cerveaux, des jambes, des moitiés de corps........Tout en Égypte est “comme si” ......Notre grande révolution était un sursaut, une belle fleur née toute seule dans un marécage.”
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