Citations sur Le soleil sait (22)
Vendredi1er mai
Je prends le printemps avec précaution et je l'ouvre :
Me frappe une chaleur arachnéenne
un bleu qui embaume l'haleine du papillon
toutes les constellations de la marguerite mais aussi
beaucoup de reptiles ou volatiles
petites bêtes, serpents, lézards, chenilles et autres
monstres bigarrés aux antennes en fil de fer
écailles lamées or aux rouges paillettes
On dirait que tout ce monde est prêt à se rendre
au bal masqué d'Hadès.
Journal d'un avril invisible, 1984 p 99
PETITE MER VERTE
Petite mer verte qui vas sur tes treize ans
Je voudrais t'adopter
T'envoyer à l'école en Ionie
Pour que tu apprennes la mandarine et l'absinthe Petite mer verte qui vas sur tes treize ans
Sur le petite tour du phare en plein midi
Reverse le soleil et écoute
Comment le destin se défait et comment
De colline en colline se parlent
Toujours nos lointains parents
Ceux qui gardent le vent comme des statues
Petite mer verte qui vas sur tes treize ans
Avec ton col blanc et ton ruban
Entre à Smyrne par la fenêtre
Et recopie pour moi les reflets que font sur la voûte
Les Kyrie Eleison et les Gloria
Puis avec un peu de vent du nord un peu de vent d'est
Reviens, vague après vague
Petite mer verte qui vas sur tes treize ans
Pour que je dorme avec toi clandestinement
Et que je trouve ainsi au plus profond de ton étreinte
En éclats de pierre les paroles des dieux
En éclats de pierre les fragments d'Héraclite.
(extrait de "L'Arbre de lumière et la Quatorzième Beauté", 1971) - p.33
(...)
Loués soit la larme sans raison
montant avec lenteur dans la beauté des yeux des enfants
des enfants qui se tiennent par la main
des enfants qui se regardent sans se parler
Le balbutiement des amours sur les rochers
un phare qui se défoule du chagrin des siècles
une laine délaissée dans la bise
Axion Esti, 1959 (extraits)
LE CORPS DE L'ETE
Il y a longtemps que le dernière pluie s'est tue
Au dessus des fourmis et des lézards
A présent le ciel flambe immense
Les fruits maquillent leur bouche
Les pores de la terre s'ouvrent peu à peu
Et près de l'eau qui balbutie ses gouttes
Une plante gigantesque dévisage le soleil!
Le voici gisant
Extrait 3
Sous les cinq cèdres
Sans autres cierges
Il gît sur sa vareuse cramée ;
Le casque vide, le sang boueux
Près de lui le bras à moitié coupé
Et entre les sourcils
Un petit puits amer, empreinte du destin
Un petit puits amer rouge et noir
Un puits où la mémoire frissonne !
Oh ne regardez pas, ne regardez pas
D'où sa vie s'e est allée. Ne dites pas comment
Comment s'est échappée la noire fumée du rêve.
Ainsi donc en un instant Ainsi donc
Une minute lâche la suivante
Et le soleil sempiternel lâche aussitôt le monde !
/traduit du grec par Angélique Ionatos
Le monogramme
III //extrait 5
Puisque plus rien d’autre ne me reste
Entre les quatre murs, le plafond, le sol
Je crie par toi et ma voix me revient
J’exhale ton odeur à en effaroucher les hommes
Parce-que le non-éprouvé et ce qui vient d’ailleurs
Les humains ne peuvent l’endurer et il est trop tôt, m’entends-tu
Il est encore tôt dans ce monde mon amour
Pour parler de toi et de moi
/Traduit du grec par Angélique Ionatos
Le monogramme
III //extrait 3
Toujours toi la petite étoile et toujours moi le sombre navire
Toujours toi le havre et moi la lanterne de tribord
La berge mouillée et la lueur sur les rames
Tout là-haut la maison aux clématites
Les roses en gerbe, l’eau qui refroidit
Toujours toi la statue en pierre et moi l’ombre qui s’allonge
Toujours toi le volet mi-clos, et moi le vent qui l’ouvre
Car je t’aime et je t’aime
Toujours toi la médaille et moi l’adoration qui la monnaie :…
/Traduit du grec par Angélique Ionatos
Je parle avec la patience…
Je parle avec la patience de l’arbre qui monte
Devant la fenêtre aussi âgée que lui
Dont les volets sont rongés par la pluie et le vent
Qui la pousse sans cesse vers le large
Avec l’eau d’Hélène et les mots
Perdus dans les dictionnaires de l’Atlantide
Moi d’un côté — et de l’autre la Terre
Le côté de la destruction et de la mort.
L’arbre qui me connaît dit « tiens bon »
Il amasse les nuages et leur tient compagnie
Comme moi à la page blanche et au crayon
Les nuits qui jamais ne regardent leur montre
Que signifie « il ne faut pas », « il ne convient pas ».
Moi j’ai connu des vierges et j’ai ouvert
Leur coquillage duveteux pour y trouver
La part de la destruction et de la mort.
Le Petit Navigateur, 1985
/ traduit du grec par Angélique Ionatos
Le voici gisant
Extrait 2
Le voilà gisant sur sa vareuse cramée
Encerclé de siècles noirs
Qui hurlent parmi les carcasses de chiens dans l'effrayant
silence
Les heures redevenues colombes pétrifiées
Tendent l'oreille;
Pourtant le rire s'est consumé, pourtant la terre est devenue
sourde
Pourtant personne n'a entendu le cri ultime
Le monde entier s'est dépeuplé au cri ultime.
/traduit du grec par Angélique Ionatos
Je parle au nom de la lumière et de la transparence.