AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de berni_29


Je ne connaissais pas l'écrivaine anglaise George Eliot avant d'en entendre parler par Mona Ozouf, historienne et philosophe, à l'occasion d'une émission sur France Culture cet été.
Celle-ci en a reparlé lors de sa venue à la médiathèque de ma commune il y a quelques mois. Elle m'a définitivement convaincu de me jeter dans les pages de cet énorme roman, Middlemarch, 1152 pages avec les notes.
George Eliot, oui c'est une femme, tout comme George Sand. J'ai découvert que c'était une manière pour elle d'exister dans ce milieu culturel très masculin de la société victorienne. Tout comme George Sand, George Eliot avait en effet pris un pseudonyme masculin pour échapper à la condescendance avec laquelle on traitait à l'époque les ouvrages d'auteurs féminins.
J'ai adoré ce roman, je l'ai trouvé prodigieux, ample forcément par le nombre de pages, mais surtout par l'intelligence qui s'en dégage, traversant les personnages, leurs sentiments, leurs chemins...
Middlemarch est une ville anglaise, inventée par l'auteure, mais qui se situerait dans les Midlands, le récit se déroule de 1829 à 1832, avec pour toile de fond la société anglaise de cette de la première moitié du dix-neuvième siècle, de l'aristocratie aux classes les plus populaires en passant par la bourgeoisie et la classe moyenne. C'est une fresque complète qui nous donne à voir l'ensemble des pans de cette société victorienne.
Ce sont plusieurs histoires qui se croisent, en particulier les intrigues sentimentales tourmentées autour de trois couples... Le décor social et moral tient compte de l'époque, y compris dans l'expression de ces contrastes : la religion, la politique, l'argent, la médecine et puis le mariage...
Middlemarch, c'est un texte habité par l'ambiance conventionnelle de l'époque, et pourtant il s'en dégage quelque chose de moderne qui m'a séduit tout au long de ce récit.
Le mariage et la vie conjugale sont visités par le statut des femmes.
Mais surtout c'est un roman que ne cesse de parler d'amour, avec beaucoup de mélancolie.
J'ai adoré ce foisonnement de personnages à la fois merveilleux et tourmentés, tiraillés par leurs destins. Chaque personnage porte sa singularité.
Parmi ceux-ci, nous découvrons l'héroïne de ce roman, Dorothea Brooke, magnifique personnage féminin empli d'idéalisme et de générosité. Très jeune femme épris de lettres, elle va se marier avec un pasteur bien plus âgé qu'elle, Edward Casaubon, elle est éblouie par son érudition. le mariage sera un désastre. Elle s'éprend alors d'amitié pour un jeune homme qui lui apporte un rayon de soleil dans la grisaille de sa vie, Will Ladislaw. Or, Edward Casaubon en est jaloux et va inscrire un codicille infamant dans son testament, prévoyant que sa femme héritera bien de sa fortune sauf si elle décide d'épouser Will Ladislaw...
J'ai aimé cette manière de l'auteure de tenter, par la voie romanesque, de revisiter le thème de l'amour, ses zones insoupçonnées, au travers de l'étroitesse des vies des personnages, de leurs tourments, de leurs soucis. J'ai aimé sa manière de nous inviter avec délicatesse à entrer dans l'intériorité des personnages de son roman, faire entendre leur coeur battre, tenter de leur apporter un peu de cette lumière nécessaire à éclairer leurs questions, leurs attentes, parfois leurs désillusions.
La vie conjugale est un enfermement, nous dit George Eliot. Son écriture tente de délivrer les héros de leurs tourments, de leurs soucis. Elle y réussit si l'on accepte de penser qu'une vie sans éclat peut cependant être éprise d'essentiel. Parfois, des vies qui ne font pas de bruit, presque invisibles, ignorées aux yeux des autres, peuvent être fécondes... C'est la petite musique de Middlemarch.
Cette fresque est marquée du sceau de la beauté, beauté intellectuelle, beauté morale, beauté esthétique aussi. Ici, les personnages principaux sont beaux, touchés par des destins singuliers, mais ils ne restent jamais enfermés dans leurs points de départs. Cette beauté morale est mise en relief face au caractère vil de certains être croisés. Il y a des conversions, de belles métamorphoses et parfois Dorothea y contribue. C'est un livre qui parle aussi d'amitié, d'empathie et de paroles bienfaisantes, même si parfois l'ironie et la cruauté s'invitent dans les pages... Ce qui est beau ici, c'est la générosité contagieuse de Dorothea.
C'est aussi un livre profondément féministe.
Je referme ce livre ample, ou plutôt cette odyssée dans l'âme humaine, à la façon anglaise, à la manière de George Eliot, à la manière qu'a Dorothea d'aimer les autres avec confiance et humilité. Ah, j'oubliais de vous signaler la très belle préface de Virginia Woolf, c'est déjà le signe d'une magnifique invitation...
Commenter  J’apprécie          538



Ont apprécié cette critique (50)voir plus




{* *}