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George Eliot (Éditeur scientifique)Virginia Woolf (Préfacier, etc.)
EAN : 9782070403417
1152 pages
Gallimard (08/12/2005)
4.05/5   412 notes
Résumé :
À Middlemarch, petite ville de province à l’époque victorienne, les vies se croisent et se lient. Progrès scientifiques, industriels et sociaux s’apprêtent à bouleverser le quotidien. Dorothea Brooke, esprit jeune et libre, en quête d’émancipation, cherche son bonheur dans l’épanouissement intellectuel en épousant l’érudit Casaubon, qui cache mal un manque d’entrain. Tertius Lydgate, médecin idéaliste, s’engage dans une relation avec la vaniteuse Rosamond Vincy et m... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (89) Voir plus Ajouter une critique
4,05

sur 412 notes
Roman classique par excellence, sans doute le plus connu de l'auteur, et considéré par les Britanniques comme son plus grand succès, "Middlemarch" se définit d'abord comme un roman social. Sous-titré "Etude de la vie de province", le roman entremêle plusieurs trames de vies particulières, issues de l'aristocratie, de la bourgeoisie, de la "middle class" et de la plèbe, jusqu'à constituer une toile serrée, unie, résistante, imperméable, inusable, bref, une oeuvre de grande qualité.

A travers les parcours et relations de Dorothée et Will, de Célia et James, de Mary et Fred, et de Rosemonde et Tertius, c'est tout un pan de la société anglaise de la première moitié du XIXème siècle qui s'offre au lecteur, dans ses contrastes moraux et sociaux. C'est une période charnière dans la politique, les mentalités et les progrès et qui bouscule un schéma profondément ancré dans un sol où poussent néanmoins, irrésistibles, de jeunes et modernes aspirations, celles d'une génération mal à l'aise dans le terreau de ses aïeux.

George Eliot est une femme de lettres qui eut une vie peu commune ; tout d'abord elle se consacra à la presse et à l'écriture - domaines dans lesquels les femmes ont eu bien de la peine à se ménager une place à la force des coudes -, ensuite par ses choix privés - elle vécut notamment hors mariage avec un homme marié pendant de longues années -, enfin par la modernité de sa pensée. Ainsi, je vois dans "Middlemarch" une ode à la femme. Si pour moi Rosemonde est directement inspirée d'Emma Bovary, et Célia et Mary des soeurs Bennett, il n'en va pas de même de Dorothée, l'héroïne principale, dont la forte personnalité, les idées neuves, les projets d'entreprises, le libre-arbitre, les cas de conscience forcent véritablement l'admiration.

"Middlemarch" se veut également un hommage à toutes ces forces invisibles et individuelles qui, à un moment donné et sur des enjeux sans importance nationale, se sont positionnées à contre-courant et ont permis que "les choses bougent".

"Sa nature, débordante comme cette rivière dont Cyrus brisa la force, se répandit en canaux qui n'eurent pas de grands noms sur cette terre. Mais l'influence des vertus de son être agit profondément sur ceux qui l'entouraient : car le bien croissant de la terre dépend en partie d'actes non historiques ; et si les choses ne vont pas aussi mal pour vous et pour moi qu'elles eussent pu aller, remercions-en pour une grande part ceux qui vécurent fidèlement une vie cachée et qui reposent dans des tombes que personne ne visite plus."

Oui, "Middlemarch" est sans conteste un chef-d'oeuvre qu'il est permis à chaque lecteur de découvrir s'il parvient à franchir l'écueil des cent premières pages, particulièrement ardues et rédigées dans un style peu accessible mais qui heureusement s'allège par la suite. Pour cette raison, je comprends très bien les lecteurs qui abandonnent leur lecture - j'ai moi-même parfois renoncé à comprendre certaines phrases au sens desquelles je restais hermétique malgré plusieurs relectures. Mais mon conseil est de persévérer et de découvrir l'oeuvre de cet auteur qui n'a rien à envier à Jane Austen, à Charlotte Brontë et à Elizabeth Gaskell.

"Middlemarch" restera dans ma mémoire comme un grand roman foisonnant, une chronique riche en caractères et en personnalités ; enfin, magistralement construit, de telle sorte qu'on ne peut s'étonner de lui voir accoler l'étiquette d'archétype du roman classique.


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Je suis gâtée en ce moment avec mes découvertes littéraires !! Je me suis encore une fois régalée avec Middlemarch de George Eliot, pavé de plus de 1000 pages, fantastique histoire d'un petit village d'Angleterre où les destins de plusieurs habitants vont se croiser et où, dès les premières pages, nous nous embarquons dans une formidable aventure !
Le roman se focalise entre autres sur plusieurs couples : celui de Dorothea Brooke et de M.Casaubon, ecclésiastique ennuyeux, puis celui de Dorothea et Will Ladislaw que l'on suit durant toute l'histoire ; le mariage malheureux de Tertius Lydgate, médecin ambitieux mais touchant, avec Rosamond Vincy, vulgaire jeune femme désirant susciter l'admiration de tous ses voisins ; enfin, le couple Fred Vincy / Mary Garth, que j'ai le plus apprécié...
En outre, les personnages sont tous plus intéressants les uns que les autres, offrant une diversité de caractères parmi les individus que le lecteur a la chance de rencontrer...Personnellement, j'ai préféré le personnage de Dorothea Brooke, tellement attachante à travers ses choix, les moments difficiles de son existence, sa générosité envers le médecin Lydgate par exemple, et enfin, l'accès au bonheur à la fin du roman...J'ai également beaucoup aimé l'ensemble des personnages masculins, notamment M.Lydgate, Will Ladislaw ou encore Fred Vincy.

Enfin, George Eliot nous dépeint la société de son époque jusque dans le moindre détail, ce qui nous permet de participer à certaines discussions animées, ou encore de prendre part aux scandales bouleversant le village et ses environs...

Ainsi, j'ai adoré ce merveilleux roman de George Eliot, qui, malgré quelques imperfections (cependant très rares) est bien évidemment l'un des plus grands de la littérature anglaise. J'aimerai conclure ma critique par une citation de Viriginia Woolf au sujet de l'auteure qui figure dans la préface du livre, simplement pour vous donner une avant-goût du talent de cette romancière d'exception : «L'issue fut triomphale pour elle, quel qu'ait pu être le destin de ses créatures ; et quand nous nous rappelons tout ce qu'elle a osé, tout ce qu'elle a accompli, la façon dont, malgré tous les obstacles qui jouaient contre elle (le sexe, la santé, les conventions), elle a cherché toujours plus de savoir, toujours plus de liberté jusqu'au jour où le corps, accablé par son double fardeau, s'effondra, épuisé, nous devons poser sur sa tombe toutes les brassées de lauriers et de roses que nous possédons.»

A lire absolument !!
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Middlemarch, c'est un roman victorien de 1100 pages, écrit assez petit avec des chapitres denses et de belles phrases bien travaillées, pleines de finesse, d'intelligence et d'ironie et surtout des mots qui ont nécessité plus d'une fois le recours au dictionnaire (vous connaissiez l'adjectif « étique » qui signifie « très maigre » ou la « morbidesse » qui désigne une personne gracieuse et molle à la fois ? bah moi, j'ai appris plein de mots nouveaux !).

Mais Middlemarch, c'est avant tout une description fouillée de la société anglaise du 19 ème siècle, avec ses codes, ses luttes de pouvoir au sein d'un village et ses histoires de coeur.

L'auteur décortique ses personnages minutieusement, elle nous parle de leurs rêves, de leurs espoirs, de leurs envies, de leurs choix de vie, et elle nous montre à quel point chacun s'illusionne au sujet de l'amour, de la vie conjugale et de sa place dans la société.
Nous allons ainsi suivre le quotidien de Dorothea Brook, une noble jeune femme qui aspire à se marier avec un homme qu'elle puisse admirer, quel que soit son âge ou son aspect physique… Cette demoiselle semble sincère mais elle se révèle en réalité assez fatigante avec ses prétentions et sa fausse modestie.
Il y a aussi le nouveau docteur, Tertius Lydgate, qui lui, va tomber amoureux d'une jeune beauté, qu'il trouve délicate, réservée, bref, la quintessence de la future épouse…mais que les hommes sont bêtes parfois !
Et puis, il y a aussi le maire, le banquier Bulstrode, le pasteur Farebrother, des parents désireux de trouver des époux pour leurs filles et toute une ribambelle d'hommes et de femmes honorables et plus ou moins bienveillants, honnêtes, avides de pouvoir, d'amour, de reconnaissance…

L'auteur s'amuse visiblement beaucoup à l'idée de voir ses personnages tomber de haut, se perdre, se rendre compte de leurs erreurs et s'en mordre les doigts et même le bras tout entier pour certains.
J'ai adoré l'écriture de George Eliot, mais il faut du temps et beaucoup de concentration pour lire ce roman social et psychologique qui ne se laisse pas apprivoiser facilement.
Mais franchement, ça valait le coup !
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Middlemarch a beau n'être qu'une petite ville de province, elle devient le monde entier sous la plume de George Eliott. En effet, il y a tout dans ce livre : amour sincère et illusion d'amour; honneur et orgueil; ambitions, soucis d'argent et compromissions; secrets de famille et petits arrangements qu'on fait avec sa conscience; mariages heureux et malheureux; grandes âmes un peu ridicules à force d'intransigeance, mais aussi benêts se donnant de grands airs, coquettes superficielles, bigots hypocrites, et heureusement quelques personnages juste sympathiques ! Tout cela sans grande histoire hors du commun, juste le récit de vies quotidiennes, mais avec une finesse dans l'analyse psychologique des caractères et des motivations et une ironie mordante, joyeuse et remarquablement moderne qui rendent la lecture incroyablement plaisante.

Certes, c'est très long, parfois abscons tant il y a de destins entremêlés et de personnages secondaires, et écrit dans un style un peu ampoulé. Donc on peut, comme moi, passer 4 mois à cette lecture, pauses et reprises comprises, et encore 3 semaines pour la critique. Mais franchement c'est très bon ! Ça vaut donc le coup de s'accrocher, ne serait-ce que pour reconnaître ensuite toutes les Rosamond, Casaubon et autres ... qu'on a autour de nous, ainsi heureusement que les Celia, les Garth et les Farebrother. En fait, George Eliott réussit à fustiger les travers humains, petits ou grands, sans verser dans le pessimisme ou le cynisme. Ainsi sa façon d'égratigner les relations de couple, des raisons parfois aberrantes du choix d'un compagnon jusqu'à la grande facilité pour un mari de rendre sa femme malheureuse, et réciproquement, avec lucidité, mais surtout humour et tendresse.

Étant données la pléthore de personnages et les analyses en apparté du narrateur, le lecteur est plus dans l'observation que dans l'émotion. Mais quelle jubilation nait de cette observation, tantôt amusée, tantôt intéressée ou admirative ! Middlemarch m'a donné l'impression que George Eliott était quelqu'un d'étonnant, impression confirmée à la lecture du dossier qui raconte sa vie mouvementée avec un homme marié ou explique son choix de ne pas présenter les couples les mieux assortis par souci de ressemblance avec la vraie vie... Je pourrais écrire une critique enthousiaste presque aussi longue que le livre (1100 pages, tout de même) mais vais m'arrêter en disant simplement que je suis prête à retourner à Middlemarch quand vous voulez.
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Je ne connaissais pas l'écrivaine anglaise George Eliot avant d'en entendre parler par Mona Ozouf, historienne et philosophe, à l'occasion d'une émission sur France Culture cet été.
Celle-ci en a reparlé lors de sa venue à la médiathèque de ma commune il y a quelques mois. Elle m'a définitivement convaincu de me jeter dans les pages de cet énorme roman, Middlemarch, 1152 pages avec les notes.
George Eliot, oui c'est une femme, tout comme George Sand. J'ai découvert que c'était une manière pour elle d'exister dans ce milieu culturel très masculin de la société victorienne. Tout comme George Sand, George Eliot avait en effet pris un pseudonyme masculin pour échapper à la condescendance avec laquelle on traitait à l'époque les ouvrages d'auteurs féminins.
J'ai adoré ce roman, je l'ai trouvé prodigieux, ample forcément par le nombre de pages, mais surtout par l'intelligence qui s'en dégage, traversant les personnages, leurs sentiments, leurs chemins...
Middlemarch est une ville anglaise, inventée par l'auteure, mais qui se situerait dans les Midlands, le récit se déroule de 1829 à 1832, avec pour toile de fond la société anglaise de cette de la première moitié du dix-neuvième siècle, de l'aristocratie aux classes les plus populaires en passant par la bourgeoisie et la classe moyenne. C'est une fresque complète qui nous donne à voir l'ensemble des pans de cette société victorienne.
Ce sont plusieurs histoires qui se croisent, en particulier les intrigues sentimentales tourmentées autour de trois couples... Le décor social et moral tient compte de l'époque, y compris dans l'expression de ces contrastes : la religion, la politique, l'argent, la médecine et puis le mariage...
Middlemarch, c'est un texte habité par l'ambiance conventionnelle de l'époque, et pourtant il s'en dégage quelque chose de moderne qui m'a séduit tout au long de ce récit.
Le mariage et la vie conjugale sont visités par le statut des femmes.
Mais surtout c'est un roman que ne cesse de parler d'amour, avec beaucoup de mélancolie.
J'ai adoré ce foisonnement de personnages à la fois merveilleux et tourmentés, tiraillés par leurs destins. Chaque personnage porte sa singularité.
Parmi ceux-ci, nous découvrons l'héroïne de ce roman, Dorothea Brooke, magnifique personnage féminin empli d'idéalisme et de générosité. Très jeune femme épris de lettres, elle va se marier avec un pasteur bien plus âgé qu'elle, Edward Casaubon, elle est éblouie par son érudition. le mariage sera un désastre. Elle s'éprend alors d'amitié pour un jeune homme qui lui apporte un rayon de soleil dans la grisaille de sa vie, Will Ladislaw. Or, Edward Casaubon en est jaloux et va inscrire un codicille infamant dans son testament, prévoyant que sa femme héritera bien de sa fortune sauf si elle décide d'épouser Will Ladislaw...
J'ai aimé cette manière de l'auteure de tenter, par la voie romanesque, de revisiter le thème de l'amour, ses zones insoupçonnées, au travers de l'étroitesse des vies des personnages, de leurs tourments, de leurs soucis. J'ai aimé sa manière de nous inviter avec délicatesse à entrer dans l'intériorité des personnages de son roman, faire entendre leur coeur battre, tenter de leur apporter un peu de cette lumière nécessaire à éclairer leurs questions, leurs attentes, parfois leurs désillusions.
La vie conjugale est un enfermement, nous dit George Eliot. Son écriture tente de délivrer les héros de leurs tourments, de leurs soucis. Elle y réussit si l'on accepte de penser qu'une vie sans éclat peut cependant être éprise d'essentiel. Parfois, des vies qui ne font pas de bruit, presque invisibles, ignorées aux yeux des autres, peuvent être fécondes... C'est la petite musique de Middlemarch.
Cette fresque est marquée du sceau de la beauté, beauté intellectuelle, beauté morale, beauté esthétique aussi. Ici, les personnages principaux sont beaux, touchés par des destins singuliers, mais ils ne restent jamais enfermés dans leurs points de départs. Cette beauté morale est mise en relief face au caractère vil de certains être croisés. Il y a des conversions, de belles métamorphoses et parfois Dorothea y contribue. C'est un livre qui parle aussi d'amitié, d'empathie et de paroles bienfaisantes, même si parfois l'ironie et la cruauté s'invitent dans les pages... Ce qui est beau ici, c'est la générosité contagieuse de Dorothea.
C'est aussi un livre profondément féministe.
Je referme ce livre ample, ou plutôt cette odyssée dans l'âme humaine, à la façon anglaise, à la manière de George Eliot, à la manière qu'a Dorothea d'aimer les autres avec confiance et humilité. Ah, j'oubliais de vous signaler la très belle préface de Virginia Woolf, c'est déjà le signe d'une magnifique invitation...
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C’était une excellente pâte d’homme que sir James, et il avait le rare mérite de n’être nullement infatué de sa valeur ni de croire que son influence put jamais mettre le feu au plus petit coin de la province ; aussi était-il heureux à la pensée d’avoir une femme qu’il pourrait consulter à propos de tout, une femme capable en toute circonstance de tirer son mari d’embarras avec de bonnes raisons. Quant à la piété exagérée qu’on reprochait à miss Brooke, il ne savait que très imparfaitement en quoi elle consistait, et il pensait qu’elle disparaîtrait avec le mariage. En un mot, il trouvait Dorothée tout à fait charmante, il sentait son amour bien placé et était tout disposé à se laisser dominer, puisqu’après tout un homme, quand il lui plaît, peut toujours s’affranchir de cette domination-là. Sir James n’avait pas l’idée qu’il pût être jamais las du joug de cette belle jeune fille dont l’esprit le ravissait. Pourquoi l’eût-il pensé ? L’esprit d’un homme, quel qu’il soit, a toujours cet avantage sur celui d’une femme qu’il est du genre masculin, comme le plus petit bouleau est d’une espèce supérieure au palmier le plus élevé, et son ignorance même est de plus haute qualité.


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Dans la foule des hommes d’âge mûr qui, au cours de la vie quotidienne, remplissent leur vocation à peu près comme ils font le nœud de leur cravate, il n’en manque pas dont la jeunesse avait rêvé de plus nobles efforts, et, qui sait, de changer le monde peut-être. L’histoire de ce rêve et de la manière dont le plus souvent il arrive à prendre corps, cette histoire est bien rarement menée à terme ; à peine même si elle existe jamais clairement dans l’esprit de ces hommes ! Peut-être leur ardeur pour un travail généreux et désintéressé s’est-elle peu à peu, imperceptiblement, refroidie, comme l’ardeur de toutes les autres passions de jeunesse, jusqu’au jour où la première nature revient, comme un fantôme, visiter son ancienne demeure et jeter sur tout ce qui l’a meublée depuis, comme une lueur spectrale. Il n’y a rien dans le monde de plus subtil que l’histoire de ce changement graduel dans le cœur des hommes.
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[...] ... Nous n'avons jamais peur de raconter à mainte et mainte reprise comment un homme en vient à tomber amoureux d'une femme et à l'épouser, ou au contraire à se trouver fatalement éloigné d'elle. Est-ce par excès de poésie ou de stupidité que nous ne nous lassons jamais de décrire ce que le roi James appelait "l'allure et joliesse" d'une femme, ni d'écouter vibrer les cordes des vieux troubadours, alors que nous nous intéressons relativement peu à cette autre sorte d'"allure et joliesse" que l'on doit courtiser à force de réflexion zélée et de patiente renonciation aux menus plaisirs ? Dans l'histoire de cette passion, les développements varient, eux aussi : parfois, c'est le mariage resplendissant, parfois la frustration et la séparation définitive. Il n'est pas rare que la catastrophe soit liée à cette autre passion que chantent les troubadours. Car, parmi la multitude des hommes d'âge mûr qui exercent leur vocation suivant un parcours quotidien déterminé pour eux à peu près de la même manière que leur noeud de cravate, il en est toujours bon nombre qui eurent jadis l'intention de façonner leurs propres actes et de changer un peu le monde. L'histoire de leur réduction à une forme moyenne qui les rend propres à être empaquetés par centaines n'est presque jamais racontée, fût-ce dans leur conscience ; peut-être en effet leur ardeur à accomplir un labeur généreux et non rémunéré a-t-elle tiédi aussi imperceptiblement que celle d'autres amours juvéniles, si bien qu'un jour leur moi d'antan a hanté comme un fantôme sa demeure ancienne et fait paraître horrible le mobilier nouveau. Rien au monde ne saurait être plus subtil que le processus de leur transformation progressive ! Ils ont commencé par l'inhaler sans s'en rendre compte : une bouffée de souffle émanée de vous et de moi a pu contribuer à les contaminer, quand nous avons émis nos conformistes mensonges ou tiré nos stupides conclusions ; ou peut-être le mal est-il venu des vibrations émises par le regard d'
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Certes, de telles comparaisons risquent d'être trompeuses,car nul homme n'était plus incapable de brillante affectation que M. Casaubon ; il avait un caractère aussi authentique que n'importe quel ruminant, et il n'avait pas contribué à faire naître des illusions sur son propre compte. Comment se faisait-il qu'au cours des semaines écoulées depuis son mariage Dorothea eût, non pas discerné clairement, mais senti avec un abattement étouffant, que les vastes perspectives et l'abondance d'air frais qu'elle avait rêvé de trouver dans l'esprit de son mari eussent été remplacées par des antichambres et des couloirs tortueux qui ne menaient nulle part ? Je suppose que c'est parce que pendant les fiançailles tout est considéré comme provisoire et préliminaire, et que le plus modeste échantillon de vertu ou de talent est censé garantir l'existence de précieuses réserves que feront découvrir les amples loisirs du mariage.Mais une fois franchi le seuil du mariage,l'attente se concentre sur le présent. Quand on est embarqué pour le voyage conjugal, il est difficile de ne pas se rendre compte qu'on avance pas et que la mer n'est pas en vue - bref, qu'on est en train d'explorer un bassin fermé.
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Et puis il y avait aussi l'amour de la vérité — vaste formule, mais qui dans ce contexte désignait une vive répugnance à voir une épouse paraître plus heureuse que ne le justifiait la réputation de son mari; ou se montrer trop satisfait de son sort : la pauvre, il convenait de lui donner à entendre que si elle savait la vérité elle considérerait avec moins de complaisance son chapeau, ou les hors-d’œuvres servis à ses soupers. Le mobile le plus puissant était le souci du progrès moral chez une amie, de ce qu'on appelait parfois son âme : elle avait toute chance de tirer profit d'observations de nature sinistre, prononcées avec des regards pensifs fixés sur les meubles et de façon à faire comprendre que l'oratrice ne voulait pas dire ce qu'elle avait sur l'esprit, par égard pour les sentiments de son auditrice. Dans l'ensemble, on pourrait dire qu'une ardente charité opérait et poussait l'esprit vertueux à rendre une voisine malheureuse pour son bien.
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« Middlemarch » de George Eliot, c'est à lire en Pléiade ou en poche chez Folio.
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