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Critique de Takalirsa


Quand un drame survenu dans votre jeunesse vous poursuit toute la vie.
Nous sommes en Géorgie, dans la petite ville d'Augusta Falls, à la fin des années 1930. Tandis que la guerre menace puis éclate en Europe, le comté est secoué par une série de meurtres sanglants de fillettes entre 7 et 12 ans. Plusieurs d'entre elles étaient en classe avec Joseph qui s'en trouve bouleversé. Avec un groupe de copains, il décide d'aider le shérif à surveiller la ville, à protéger les petites soeurs des uns et des autres : ils seront les Anges Gardiens. Mais que peut une poignée de garçons face à un tueur en série ? Joseph se sent impuissant, culpabilise de ne pouvoir rien faire. le récit est rétrospectif : devenu adulte, il se trouve dans une chambre d'hôtel à New York, deux coups de feu viennent d'être tirés, un corps gît à ses pieds. Est-ce le tueur ? Qui est-il ? Comment Joseph en est-il arrivé là ?

Au thriller se mêle une dimension historique et une autre plus introspective. L'auteur nous plonge dans l'Amérique profonde, celle des petites villes aux mentalités étriquées, où les générations s'installent sans jamais bouger, reproduisant les habitudes de leurs aînés. L'instruction est modeste, on vit de petits boulots. Joseph habite seul avec sa mère, la vie est dure, la pauvreté omniprésente. Leurs voisins, la famille Kruger, sont allemands, et en cette période de nazisme ravageur, le père, Gunther, fait un coupable idéal (« Ils veulent savoir qui est responsable, et lorsque des gens effrayés parlent ensemble, leur instinct naturel est de désigner celui qui est un peu différent, celui qui sort un peu de l'ordinaire »). Joseph aussi sort de l'ordinaire : il a un certain talent pour écrire. D'ailleurs c'est ce qu'il fait : il nous écrit le déroulé des événements depuis la toute première enfant retrouvée découpée.

Les meurtres sont atroces mais assez peu décrits : Joseph n'en sait que ce que l'on veut bien lui dire. On a ce sentiment tout au long du récit, d'être à la fois extérieurs à l'enquête, et immergés dedans du fait que le héros est « malgré toi un protagoniste de cette pièce ». Même s'il enquête plus ou moins (les moyens de l'époque n'ont rien à voir avec ceux d'aujourd'hui), c'est davantage un ressenti que des indices que Joseph nous communique. L'affaire le hante, toute sa vie tourne autour. Chaque fois qu'il pense approcher le bonheur, un nouveau drame survient (son existence en est jalonnée) ou bien un nouveau meurtre. Même lorsqu'il part à New York tenter sa chance en tant qu'écrivain, le passé, la mort le poursuivent.

Alors toujours Joseph revient à Augusta Falls, en esprit et physiquement, cherchant inlassablement des réponses (« Pourquoi moi ? Pourquoi cette vie m'avait-elle été réservée ? »), espérant « trouver un sens à tout ça ». C'est un être à fleur de peau, un « type à part, toujours à poser des questions sur des choses dont tout le monde se fichait. » Au fil du temps, tout le monde a enfoui le drame mais pas Joseph. Certes sa ténacité (question de survie mentale) sera payante mais il ne trouvera pas le repos pour autant comme en témoigne son ultime oeuvre. Car cet homme qu'il finira par démasquer, en le dépouillant de son enfance, lui a irrémédiablement souillé l'âme.
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