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Critique de Dossier-de-l-Art


L'exposition « Mary Cassatt », qui se tient actuellement au musée
Jacquemart-André à Paris, a suscité la parution de plusieurs publications. L'une d'entre elles, assez modeste pour sa présentation au regard du luxueux catalogue de l'exposition, est une biographie de l'artiste. Écrite par Isabelle Enaud-Lechien, universitaire spécialiste de la peinture anglo-saxonne du XIXe siècle et du début du XXe siècle, elle détonne dans le panorama de l'édition d'art. Contrairement aux livres actuellement publiés sur cette période, elle ne contient aucune reproduction, excepté celle de la couverture, le fameux Dans la loge de 1879, conservé au musée de Philadelphie. Seule une liste des oeuvres citées est placée en fin d'ouvrage, entre la bibliographie et l'index.

À dire vrai, on est assez surpris au premier abord de cette sobriété – on pourrait même dire de cet ascétisme – en des temps où l'image envahit tout notre univers. Les travaux centrés sur un artiste, tels que les biographies ou les essais monographiques, sont souvent abondamment illustrés. On se prend alors à penser que l'éditeur a rogné sur les coûts de fabrication en supprimant toute reproduction de tableau. Mais en avançant dans les chapitres, l'on éprouve sans conteste une étrange délectation à n'y trouver que de l'écrit, sans autre distraction que celle de la narration. La vie de Mary Cassatt est exposée selon les grandes périodes de son évolution : la formation à Philadelphie, les voyages en Europe et le premier séjour à Paris où elle se confronte aux réalistes et à certains représentants de l'École de Barbizon. Puis, après un bref retour aux États-Unis, l'installation définitive en France : elle devient proche de Degas et se présente comme l'un des membres éminents de la nébuleuse impressionniste. Elle mourra dans son pays d'adoption en 1926. le découpage chronologique permet d'insister sur la question de l'émigration des Américains fortunés à Paris au temps de l'impressionnisme et sur celle de la constitution d'une identité artistique féminine, dans un exil planifié et parfaitement assumé.

Mais l'essentiel est dans la méthode d'écriture : dans ce récit, nulle anecdote qui ne serve à l'étude de l'oeuvre, analysée de manière parfaite. de nombreuses descriptions de peintures, de pastels ou de gravures émaillent les pages. Or elles s'apparentent à l'ekphrasis antique, dont le modèle le plus célèbre est l'évocation détaillée du bouclier d'Achille par Homère. Dans l'Iliade, cette description précise donne corps à un objet imaginaire, que personne ne verra jamais. Pour Mary Cassatt, tout un chacun peut évidemment « voir » ses oeuvres reproduites dans des livres, sur le site Internet qui est consacré à son catalogue raisonné ou bien encore aller les admirer au musée. Mais c'est le texte seul qui les rend limpides pour l'esprit. C'est encore le texte qui permet de comprendre les particularités de l'art du peintre et qui explique le choix d'une couleur ou d'une composition. Et en un sens, c'est la seule magie du verbe qui donne l'envie de regarder autrement les toiles de Mary Cassatt.

Par Christine Gouzi, critique parue dans L'Objet d'Art 545, mai 2018
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