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Critique de Meps


Quand on m'indique qu'un auteur a été pressenti pour obtenir le Prix Nobel, mon intérêt est éveillé… quand il s'agit d'une auteure, l'intérêt s'intensifie… Mais quand c'est une auteure féministe et turque, là il n'y a aucun moyen que je résiste face à cette personne courageuse et brillante !


Je n'avais jamais entendu parlé avant de Leyla Erbil, et je dois sa découverte aux éditions Belleville qui se sont donnés pour mission de traduire des auteurs de langues plutôt mises de côté en France. le projet de départ est même pour les deux éditrices de voyager sur place et d'offrir un contenu enrichi par le biais de leur sites (musiques, vidéos, cartes)… malheureusement le site semble mort, ce qui est frustrant car l'index renvoyait à beaucoup de ressources qui semblaient bien riches, notamment dans les extraits musicaux des instruments évoqués… même si une recherche personnelle est toujours possible avec la richesse du Web d'aujourd'hui. Espérons juste que les éditions Belleville aient malgré tout survécu, je n'ai plus trouvé trace de site internet.
Passons au livre lui-même, portrait d'une jeune femme à la position originale dans la Turquie des années 50, qui se confronte aux hommes, ne se refuse pas à plaire mais aussi à refuser les avances, qui cherche à être libre face à la pression familiale, à incarner ses idées politiques. La narration est riche, s'intéressant d'abord à l'héroïne puis faisant le détour par le point de vue des parents avant de revenir à la jeune fille devenue femme. Cet élargissement des angles de vue permet d'obtenir un propos qui sort des clichés, évite le jugement trop catégorique d'une société turque qui cherche sa voie entre tradition, Histoire et modernité.


Les parties prenant le point de vue de l'héroïne se révèlent très intéressantes dans leurs différences entre la fougue de la jeunesse du début et le retour sur soi et ses luttes à la maturité, plus désabusé même si toujours combatif. du coté des parents, la partie du père est la plus complexe, lui qui éprouve beaucoup de craintes pour cette fille trop émancipée à son goût, qu'il préférerait plus sage, plus respectueuse de ce que la religion lui impose. Il se rappelle ses propres aventures sur les mers et semble perdu dans une époque actuelle qui l'effraie. La mère reste elle embourbée dans un rapport ambigu au regard des autres, famille ou voisins. oscillant entre le contrôle du comportement de sa fille et la défense de celle-ci aux yeux des autres.


Le ton m'a paru très moderne et en lisant le copyright de 2009 pour l'édition turque, je me disais que ce ton décalé par rapport aux années 50 venait surtout d'un regard s'éloignant de son époque… sauf que le roman date dans sa version originale des années 70 et qu'il était donc bien en avance sur son temps et que l'auteure a su instiller son esprit rebelle à une histoire qui semble bien la sienne. Elle maintient tout au long du récit un regard à la fois bienveillant et honnête sur le parcours, rempli de moments poétiques ou oniriques qui rendent le récit riche et enthousiasmant. Une voix originale qui mérite d'être mise en avant hors de son pays qui n'aura malheureusement pas évolué sous Erdogan dans le sens qu'espérait cette jeune femme éprise de liberté et d'émancipation. D'où la nécessité encore plus grande de relayer encore aujourd'hui le message de cette auteure décédée en 2013 sans avoir jamais cessé de se battre pour les droits des femmes et des plus défavorisés.
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