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Critique de lafilledepassage


La femme gelée ou comment les petites filles joviales, brillantes et confiantes dans l'avenir deviennent des jeunes femmes ternes et stressées …

Annie Ernaux nous parle une fois de plus de son histoire : elle a grandi dans une famille atypique, le père aux fourneaux à écraser la purée, la mère cheffe de sa petite entreprise, au verbe haut et « qui ne soupçonne pas que la poussière doit s'enlever tous les jours ». Malgré cet exemple, la jeune Annie tombera dans l'aliénation domestique et le désenchantement qui guettent chaque fillette vite assignée à résidence à se couper en quatre pour être aux petits soins avec monsieur et à torcher les fesses de sa descendance, au sacrifice de ses aspirations professionnelles. Combien de fillettes ne sont-elles pas tombées dans ce piège, à coup de petites phrases bien mordantes, de regards accusateurs et culpabilisants de la famille ou de la belle-famille ?

Annie Ernaux décrit très méthodiquement comment le piège se referme peu à peu sur les jeunes femmes, et ce quel que soit leur niveau d'éducation, avec son écriture qui sublime le quotidien. Les portraits des uns et des autres sont saisissants de réalisme et surtout criants d'honnêteté, notamment le passage sur ses sentiments au moment du début de la première grossesse. Elle ne fait pourtant que décrire les petites choses communes de la petite vie des femmes mais c'est fait avec une telle justesse qu'on en ressent une certaine jubilation.

Certains ont critiqué son prix Nobel de littérature eh bien je ne suis pas d'accord avec eux : ici encore Annie Ernaux prouve qu'elle sait écrire ! Ce qui indispose peut-être certains et certaines c'est que son propos apparemment inoffensif se révèle être un manifeste brûlant pour plus d'égalité entre les hommes et les femmes, depuis l'école jusqu'à la maternité dans le cas de ce récit en particulier. Oui à une école qui ne brise pas les ailes des rêves des petites filles et qui ne met pas sur un piédestal la maternité.

C'est une lecture qui peut s'avérer douloureuse, car il est facile de se reconnaitre – à des degrés divers - dans les mots de l'auteure, et cela nous fait prendre conscience de notre propre aliénation, de nos lâchetés, de nos petits arrangements avec la réalité pour faire taire nos rêves abandonnés et nos ambitions sacrifiées, à l'autel de la maternité et de la vie de couple.

Annie Ernaux, ou la possibilité d'un retour sur soi-même, sa vie et ses choix …
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