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Critique de sandrine57


‘'Elle raconte qu'ils ont eu une autre fille que moi et qu'elle est morte de la diphtérie à six ans, avant la guerre, à Lillebonne.''
‘'A la fin, elle dit de toi elle était plus gentille que celle-là
Celle-là, c'est moi.''
C'est par des mots échangés avec une cliente devant l'épicerie familiale, un jour de l'été 1950, que la petite Annie apprend, de la bouche de sa mère, qu'elle a eu une soeur. Une soeur morte avant sa naissance. Une sainte. Une fille parfaite et gentille.
D'elle, il ne sera plus jamais question. Ses parents n'en parlèrent jamais, croyant la préserver, l'enfermant dans un secret de famille et une concurrence déloyale. L'autre est la gentille, elle est la turbulente. L'autre est une sainte, elle est un démon. L'autre est morte pour qu'elle puisse vivre.

Présenté sous forme de lettre pour la collection ‘'Les Affranchis'', L'autre fille est un récit autobiographique où Annie Ernaux évoque ses dix ans, la révélation fortuite de l'existence d'une soeur, sa mise à distance et les réflexions que cela a engendré.
‘'Mais tu n'es pas ma soeur, tu ne l'as jamais été. Nous n'avons pas joué, mangé, dormi ensemble. Je ne t'ai jamais touchée, embrassée. Je ne connais pas la couleur de tes yeux. Je ne t'ai jamais vue. Tu es sans corps, sans voix, juste une image plate sur quelques photos en noir et blanc. Je n'ai pas de mémoire de toi. Tu étais déjà morte depuis deux ans et demi quand je suis née. Tu es l'enfant du ciel, la petite fille invisible dont on ne parlait jamais, l'absente de toutes les conversations. le secret.''
Annie comprend qu'elle vit parce que sa soeur est morte, qu'elle n'est qu'une remplaçante, un second choix.
A travers sa lettre à l'absente, elle analyse le deuil impossible de ses parents et dissèque l'impact du secret sur son enfance, sa place dans le monde, sa légitimité.
Si l'écriture d'Annie Ernaux peut paraître froide et distanciée, on sent la douleur insidieuse, l'impossibilité de questionner ses parents qui partiront sans jamais avoir ouvert leur coeur à leur fille. Autres temps, autres moeurs…L'autrice évoque une époque où les parents ne s'épanchaient pas, où les enfants devaient rester ‘'à leur place''…
Un texte troublant et fort, une belle entrée en matière dans l'oeuvre de la française nobélisée.
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