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Critique de hanyrhauz


Il y a des journaux que l'on garde. Parce que l'on sait que leur une va marquer l'histoire. La une de Libé pour annoncer le décès de Jacques Chirac est de celles-là. "Sans chichi". La blague potache. La tendresse aussi. Comme le parfait résumé de ce texte d'Elsa Escaffre. L'autrice, en résidence d'artiste en Normandie, se retrouve face à cette annonce, dont elle ne sait pas bien quoi faire. Et elle en fait quelque chose de grand et d'intime.

Chirac meurt, et c'est une époque qui tombe avec lui. Pour Elsa Escaffre, naît en 1988, c'est son enfance. La classe de CE2, les jojos', la Game Boy. C'est le moment où l'on comprend que l'on n'aura pas éternellement 7 ans, qu'il faudra bien un jour remplir des papiers administratifs, vider une maison, choisir des psaumes. Se prendre l'âge adulte en pleine face et ne pas se sentir assez grand. C'est certainement le livre le plus juste que j'ai pu lire sur le deuil d'un grand-père. J'aurais pu écrire chaque mot. Sans retouche. J'ai ressenti la même chose. Sans nuance.
Trier ses souvenirs d'enfance, faire corps avec les siens, garder la joie, comprendre l'absence. Ce moment où l'on ne peut pas croire qu'il est parti, et que l'esprit un peu troublé, on imagine qu'il est juste descendu chercher une bouteille à la cave. Comme avant. Et qu'il ne va pas tarder.

Elsa Escaffre est dans ce coin de Normandie où tout n'est que pluie (un microclimat) et elle écrit en phrases courtes, en collages, en slogans, à la manière du Beigbeder d'Un barrage contre l'Atlantique, l'impossibilité d'écrire le deuil. Les mots qui ne savent pas dire, ces verbes qui servent à tout et qui ne servent à rien, finalement. Perdre un proche comme on perd ses clés. Partir, sans que l'utilisation de revenir soit permis.

J'ai choisi ce livre pour l'évocation de la figure politique, je l'ai lu entre rires et larmes, et je l'ai refermé en me disant que j'avais découvert une autrice qui saurait écrire ma génération. Et je crois bien que c'est la première fois.
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