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Critique de EvlyneLeraut


Chef-d'oeuvre ! La pierre angulaire d'une littérature hors pair.
Touchant, lucide, un cri dans la nuit sombre. L' hymne pour eux les « riens » les « sans-dents », les exclus, volets fermés, paupières baissées. La flamme s'éteint dans l'orée des perditions. « Toute seule » est d'une rare clairvoyance. L'écriture de Clotilde Escalle est certifiée et emporte avec elle, un récit qui étreint et foudroie, élève et enclenche le plus bel hommage sociétal de tous les temps.
Un couple, lui cheminot à la retraite depuis longtemps déjà, peintre dans les heures d'un huis-clos, barrière descendue, contre-jour. Elle, beaucoup plus jeune, jadis fort belle et désirable, et pourtant si vieille, si effacée, si ridée, triste et fissurée. L'antre est à l'identique de ces deux égarés dans une humanité vacillante. Elle abrite ces deux êtres qui se dévorent à coup de mots, de douleurs, et d'assassines épreuves. Peu ou pas d'argent, elle vend les toiles du Lézard, se bat et affronte les hôtes d'un village où ils sont les mal-aimés, les rejetés. Si pauvres, chahutés par la vie, ils sont en guerre. Elle contre lui, et lui malade , démuni est une feuille emportée par le vent.
Plus rien que des magazines récupérés dans les poubelles, pour des images qu'il copiait de moins en moins bien. Jusqu'à ce qu'il ne veuille plus peindre et qu'elle lui prépare plus ses repas et qu'elle récupère trois chiens pour la garder- puisque tu ne sers plus à rien et que j'ai peur. Peur des gens du village. »
Le souffle de ce grand livre est l'hommage et la démonstration fulgurante des décadences du monde d'en bas.
Elle marche de long en large, mue par les mille et un baisers à récolter dans le vent et cette méticulosité d'être soi tout de même, qui que l'on tente pour se détruire, la méticulosité extrême de la respiration. »
Les larmes aux yeux, les cheveux gorgés de pluie, le coeur lourd, les pas dans la boue des ses jours, le Lézard parti à l'hospice, l'issue des « sans-dents ». Faut-il chercher la voie des égarés pour se retrouver enfin ?
Ce récit est d'une beauté inouïe. « La souffrance est d'abord la souffrance de quelqu'un » les chiens aux abois, les fenêtres où pas un seul rai de lumière signe le message des fiançailles avec la paix. Ce chant triste, sociétal est crucial, sans pathos, authentique, fraternel. « Si au moins tu avais continué d'écrire en bleu. »
Pourtant, elle perd son prénom. Refuse ses flétrissures, coquelicot qui meurt dès qu'on le cueille. Anonyme et pourtant si visible par les nantis, les tout. Puisqu'elle n'est qu'une rien comme on l'a entendu et refoulé. Les mots prononcés ne s'oublient jamais au fronton des Républiques du coeur. « Toute ma vie a tourné autour de la couleur. »
Lisez ce roman à voix haute, vous verrez alors les couleurs tournoyer et bien au-delà de la force intrinsèque de « Toute seule » : « tout se mélange, le ciel et la terre, le désir d'aller loin, de faire sauter la clôture du monde. »
Magistral. Une préface majuscule de Pierre Jourde. Publié par les majeures éditions Quidam éditeur.





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