Je rassemble ma salive et parviens à expectorer un « Help me ! À l’aide ! », plutôt calamiteux. J’entends aussitôt un bruit derrière moi, quelqu’un vient d’entrer dans la cuisine. Je me retourne et me rends compte que je suis dévisagé avec méfiance par un type au visage angulaire, peu amène, armé d’un club de golf, visiblement l’arme qu’il a utilisée contre moi. J’ai l’impression d’être dans un film d’action de série B : je suis la victime capturée par le méchant, qui a sans doute l’intention de me torturer (ça fait mal, un club de golf !), pour me soutirer des informations.
Mais quelles informations ? Le code de l’interphone de mon immeuble parisien ???
En principe, c’est le moment où Matt Damon débarque avec fracas dans la pièce, transpirant dans un débardeur sale, et me délivre courageusement en balançant un uppercut au méchant. Et, juste après, le FBI arrive en renfort, toutes sirènes hurlantes. Mais rien ne se passe, pas de débardeur à l’horizon, et Monsieur Méchant me regarde toujours avec un air… méchant. Et il tient toujours ce maudit club de golf. Il se décide enfin à parler, dans ma langue, ce qui me surprend encore plus :
– Ainsi donc, mon voleur parle français…
– Voleur ? Moi ??? Vous vous trompez, je suis…
Et, d’un coup, je comprends. Comment n’ai-je pas saisi plus tôt ? Ces cheveux blonds, ces yeux bleus, cet air familier… et le français avec cet accent unique de la côte est ! Monsieur Méchant est forcément John Anderson, le deuxième frère, le protestant intégriste qui a pris ses distances avec la famille ! Il ne manquait plus que ça !