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Critique de Wazlib


On le sait: si choisir un livre est important, il est au moins aussi important de choisir le bon moment pour le lire. Et c'est un exercice difficile: il faut écouter les conseils du libraire, lire quelques critiques ou bien faire une confiance aveugle à la quatrième de couverture (pari risqué s'il en est). L'objectif est un peu de saisir le "potentiel" du livre, d'imaginer ce qu'il peut apporter et ainsi de matcher cela avec notre humeur pour catalyser les effets recherchés. C'est bien pour cela que j'ai toujours eu un peu plus de mal avec les très longs romans qui, contraint par les études à ne pas pouvoir lire tout le jour durant, s'éternisent sur ma table de chevet. Et qui parfois, finissent par être en contradiction avec l'humeur du moment. Bon, avouons-le, il y a aussi beaucoup de charme à l'idée d'avoir un livre-compagnon pendant un mois; et surtout, on aurait tort de négliger l'effet qu'a le livre sur notre humeur.

Enfin bon, reste que "Les Fondamentaux de l'aide à la personne revus et corrigés", que je nommerai simplement "ce livre" à partir de moment pour des raisons évidentes, tombait bien. Je n'étais pas d'humeur mélancolique, loin de là, mais autant dire qu'il y avait un grand besoin de relativiser certaines choses et de s'en pardonner d'autres. Et sachez-le, "ce livre" est génial pour cela.
Rajoutons le fait que les éditions Monsieur Toussaint Louverture font quasiment (j'écris quasiment car je n'ai évidemment pas tout lu) un sans faute dans leurs publications. Franchement, c'est LA maison d'édition à suivre de ces dernières années. Ils proposent un catalogue incroyable, truffé de chefs-d'oeuvre grandioses ("Et quelquefois j'ai comme une grande idée", "La maison dans laquelle"... Ce dernier est juste hallucinant). Très clairement, le livre d'Evison, s'il n'a peut-être pas la portée d'autres livres publiés par cette maison, est tout de même issu de la même exigence de qualité.

On se retrouve donc face à une histoire extrêmement touchante, avec des personnages touchants et une écriture touchante. Et c'est une alchimie extrêmement légère qui maintient le tout très cohérent et surtout évitant au livre de basculer dans un pathos malvenu.
Le personnage de Benjamin Benjamin remporte automatiquement l'adhésion du lecteur. Complètement paumé, brisé: c'est un véritable explorateur de la solitude. Il l'expérimente à-travers toutes ses variantes mais toujours avec une poésie et un aplomb notable. Et il rejoint ainsi toute cette catégorie de personnages que j'adore au-dessus de tout, adoubés par des auteurs comme Fante, Brautigan ou Bukowski: les losers magnifiques.
Le ton que donne Evison à son récit est formidable: honnête, joli (certains passages sont très, très réussis), sans concession. On évite ici tous les accrocs que ce genre d'histoire ramasse habituellement à coup sûr. ici, tout est léger et tout est touchant. On sourit beaucoup, même dans les pires moments, car c'est un bon reflet de ce qui se passe dans la vraie vie. Et évidemment, on relativise toutes nos fautes, toutes nos erreurs.

Je m'attendais, car j'avais vu le film qu'en avait tiré Netflix (et qui était franchement pas trop mal), à un roman - roadtrip tout du long. C'était une erreur: l'auteur prend le temps de bien installer ses personnages pendant la première moitié de roman. il décrit une situation de plus en plus oppressante, ce qui permet d'apprécier la libération du voyage encore mieux.
Tous les personnages secondaires sont formidables. C'est important de le noter, car ils ont une place très importante dans le récit. Ils seront le terreau qui permettra à Benjamin Benjamin de se réinventer, de se reconstruire au fur et à mesure des évènements.
J'aime l'idée de ce voyage où l'on explore toutes les anomalies, toutes les absurdités de ce monde. j'aime cette idée d'un minibus rempli d'écorchés qui ensemble, peut-être, s'en sortiront.

C'est pour moi une très belle réussite que ce livre. Franchement. La légèreté du propos se mêle bien souvent à la douleur plombée d'une réalité que nos personnages pourraient fuir. Mais ce n'est jamais le cas, et plutôt que de se déliter dans une solitude, ils font le choix d'affronter la vie, ensemble, et à-travers le prisme de l'absurdité et de la rationalisation.
Et pour cela, Evison livre ici un grand livre, tout en faux-semblant. On pourrait croire ici qu'on a affaire à un petit livre, à la prétention modérée. Et c'est bien en tournant la dernière page qu'on comprend que finalement, on était tout à fait à côté de la plaque.
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