Si, quelquefois, vous avez voyagé par une nuit sans lune, vous avez dû voir quelles apparences fantastiques prennent les objets et combien d'illusions se jouent de l'imagination fascinée par la mystérieuse influence du calme et de l'obscurité : le chêne dépouillé paraît un noir géant levant les bras au ciel, le brouillard qui rampe sur le flanc d'un rocher ou d'une muraille en ruine, semble un blanc fantôme traînant après lui les longs plis de son linceul, le nuage noir qui s'allonge sous le sombre azur du ciel prend l'aspect d'un énorme dragon, l'écho de vos pas, le bruit du feuillage, vous inquiètent et vous effraient... mais que le ciel blanchisse à l'Orient, qu'un rayon de soleil parte de l'horizon, et toute cette fantasmagorie disparaîtra comme les chimères d'un vain songe. Ainsi, tous ces fantômes vénérés, toutes ces superstitions redoutables, qu'engendraient les ténèbres de l'esprit humain, s'évanouirent à la pure lumière de la science et de la raison.
Nous avons supprimé, dit Mélino, toutes les maisons de jeu et, en première ligne, la Bourse, la plus dangereuse, et selon moi la plus digne de réprobation. Dans les autres, en effet, les chances étaient égales pour tous, le hasard seul présidait au destin de la partie et réparait souvent le lendemain le désastre de la veille. À la Bourse, au contraire, il y avait le camp des dupes et le camp des fripons.
Ce qui, dans tous les pays, a le plus nui à la religion, c'est l'âpre tendance à l'exploiter qu'ont eue longtemps ceux qui se disaient ses ministres. Dès les premiers âges, l'homme, contemplant les merveilles de l'univers et de son propre organisme, a senti le besoin de rendre à la divinité un légitime hommage d'admiration, de reconnaissance et d'amour. Malheureusement, quelques uns s'attachèrent à faire de ce beau sentiment un levier à leur ambition, et, dans ce but, ils en détournèrent l'expansion sur de vaines idoles et de puériles superstitions.