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Critique de BazaR


Je pense qu'il est fondamentalement très difficile d'exceller à la fois dans les deux attributs des polars historiques. Les auteurs privilégient l'un ou l'autre. Ma faible expérience dans le domaine – je peux donc me tromper – m'incite à penser qu'en majorité la qualité du cadre historique prime sur celle de l'enquête. Si j'ai raison, le roman de Jean-Luc Fabre appartient clairement à cette majorité.

L'enquête est en effet linéaire à souhait. Les petits cailloux sont semés sur le chemin et les enquêteurs n'ont qu'à les ramasser l'un après l'autre pour tomber sur les indices décisifs. le nombre de protagonistes et surtout de suspects éventuels et très réduit, ce qui empêche l'établissement de fausses pistes plausibles. L'assassin est évidemment parmi les personnages qu'on nous a présentés – ce serait frustrant qu'on vienne nous dire que les meurtres ont été commis par un pékin lambda – et du coup l'embarras n'est pas dans le choix. de plus on n'a pas affaire à un serial killer surdoué qui a vingt-cinq coups d'avance sur les enquêteurs. Notre ami est plutôt un amateur qui laisse beaucoup trop de traces de son lien avec le milieu du meurtre.
D'autres défauts agaçants concernent le style. le changement de point de vue en cours de paragraphe par exemple ; je déteste ça. Je ne suis guère amateur du point de vue omniscient qui pénètre dans toutes les têtes avec autant de facilité. L'exagération des réactions et émotions des interlocuteurs aussi : les personnages sont impressionnés, émus, choqués, effrayés à la moindre phrase. Ils surjouent l'émotion. Cela a tendance à me sortir de ma lecture par les yeux.

Mais la description historique compense largement en intérêt les manques de l'enquête policière. Quel plaisir de voir sous ses yeux vivre une Montpellier plus petite mais dans laquelle je n'ai pas manqué de reconnaître les rues et les places que j'arpente si souvent : l'arc de triomphe, la promenade du Peyrou, la citadelle qui abrite aujourd'hui le lycée Joffre, le Jardin des Plantes et l'église des Pénitents Blancs du titre, bien sûr. L'auteur, amoureux de Montpellier lui aussi, pense toujours à indiquer en bas de page le nom moderne des lieux qui en ont changé depuis le 18ème siècle.
Jean-Luc Fabre place son intrigue quelques années avant la mort du Roi Soleil, en plein hiver 1709 qui apparemment fut l'un des plus froids de tous les temps. Cela nous plonge dans une Montpellier inhabituellement frigorifiée et enneigée que je n'ai pas vue souvent. L'auteur fait mener l'action par une jeune fille, Espérance, mais surtout par deux personnages célèbres : Pierre Magnol, botaniste qui s'apprêtait alors à rejoindre Paris pour intégrer l'Académie des Sciences à la demande du roi, et François de Lapeyronie, chirurgien qui a laissé son nom à un hôpital à Montpellier. Lapeyronie était membre de la confrérie des Pénitents Blancs (une confrérie laïque). Il intègrera plus tard lui aussi l'Académie des Sciences et deviendra le chirurgien et le confident de Louis XV. Un autre personnage important a un rôle fondamental dans le roman : Nicolas de Lamoignon de Basville, l'intendant du roi, qui est probablement le personnage le plus intéressant, le plus politique et le moins manichéen ici. La scène de torture qu'il dirige est particulièrement effroyable.
L'occasion nous est donnée d'en apprendre un peu plus sur Montpellier l'huguenote et la guerre des Camisards et sur la reprise en main de la ville par le roi à l'aube du siècle des Lumières. On a aussi une vue en creux de la Venise de l'époque, perdant des points en économie mais présentant déjà l'aspect libertin sous le masque de carnaval symbolisé par Casanova.

Pour la dimension historique, je ne regrette pas d'avoir lu ce roman qui m'en a appris beaucoup sur Montpellier. Dans un entretien au Midi Libre, l'auteur a annoncé que son prochain roman montpelliérain serait également historique. Je l'attends au tournant.
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