Faire le chemin de Saint Jacques, c'est comme apprendre l'alphabet. Chaque jour, tu découvres une nouvelle lettre. Et quand tu auras fini, tu pourras commencer à construire des mots.
Je prends dans mes bras un arbre tout proche. En le serrant, je me mets à pleurer, sans raison apparente. je laisse couler, c'est agréable. Beaucoup d'émotions ressortent d'on ne sait où sur ce chemin. Le fait de se retrouver seul avec soi-même, avec son histoire, ss regrets et ses douleurs, en toute liberté, doit rouvrir en nous une soupape. L'élastique se détend, l'esprit soupire d'aise et peut s'ouvrir à autre chose.
Il y a deux types de marcheurs sur le chemin de St Jacques : les touristes et les pèlerins. Les premiers, il les appelle les écraseurs d'escargots. L'image parle d'elle même. Les seconds, dont, je pense, il fait partie, sont les marcheurs des sens, qui sont en éveil permanent pour s'ouvrir au vrai chemin. Hors du temps des hommes.
Ceux-là se mettent en marche quand ils se réveillent, mais ne se réveillent pas pour se mettre en marche. Ils se laissent volontiers doubler car ils préfèrent être les derniers. Ils se donnent à la nature et la nature s'offre à eux, leur dévoile ses merveilles et les protège.
De cette étape, je retiendrai un vent puissant, balai latéral qui casse l'allure et me fait pester sur ce grand chemin calcaire qui n'en finit pas de s'arrêter...mais je retiendrai aussi le parfum de cette branche de thym sauvage, cueillie par le béret et accrochée à mon sac. Douce présence olfactive.
Même si c'est bien moi qui soulève les paupières, c'est parfois un autre qui m'ouvre les yeux
je m'arrête, je respire, je touche, je caresse, je revis. Enfin. Je pense avoir soufflé la plupart des flammes qui font le feu de mes contraintes
Mais je suis seul,. Seul avec les arbres. Quel bonheur. Ma perception de toutes choses renaît depuis deux jours et c'est véritablement la découverte d'un autre chemin. Authentique. c'est celui-là pour lequel je suis venu
Ce que je déteste le plus dans les séparations, ce sont les dernières phrases, souvent sans intérêt, dont la seule utilité est de prolonger le temps jusqu'à l'inévitable