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Critique de Pecosa


Pecosa
05 décembre 2013
La flotte des galions de Carthagène s'apprête à faire escale dans le port de la Havane en cette année 1622. Deux hommes vont s'embarquer sur le San Juan de Gastelugache, Thomas Bird, aventurier anglais cherchant la bonne fortune, et Cristobal Mendieta, converso espagnol en quête d'une terre plus clémente. A bord du bateau, une belle passagère très convoitée, la mystérieuse Catalina, un capitaine plus préoccupé par sa délicieuse hôtesse que par le sort de son navire, un équipage disparate et ce qui arrive dans les romans d'aventures maritimes ne manque pas de se produire ici. Une mer déchaînée, des avaries, des pirates barbaresques, les chemins de nos imposteurs se séparent pour se retrouver sous d'autres cieux, en d'autres temps, sous d'autres noms.
Sur terre, il y a Pérez-Reverte, et son capitaine Alatriste, sur mer il y a Jose Manuel Fajardo qui met tour à tour le cap sur l'Amérique, l'Afrique et l'Europe, pour notre plus grand plaisir. L'auteur aime le Siglo de Oro, Defoe, Conrad, Stevenson, et nous régale dans une belle langue classique, de pastiches et d'hommages aux écrivains chers à son coeur (avec en bonus un personnage extraordinaire qui n'est autre qu'Alonso de Contreras, à qui l'on doit une des rares autobiographies de soldats espagnols de l'armée des Habsbourg).
Aux prodiges de l'aventure et aux caprices de la destinée qui font qu'un homme peut être juif, chrétien et musulman, aventurier, pirate, soldat et captif, se mêlent des réflexions sur l'amitié, la loyauté, la trahison ou l'envie. La complexité et la richesse de l'âme humaine permettent à Fajardo de nous narrer maintes anecdotes toujours fort à propos (le procès de Logroño sur les sorcières de Zugarramurdi, le destin des Morisques de Hornachos devenus pirates à Rabat après leur expulsion par Felipe III, la triste histoire de Susana la juive, les naufrageurs galiciens...) qui enrichissent le roman et réjouissent les lecteurs friands de clins d'oeil.
Dans cet ouvrage qui fait partie d'une trilogie consacrée aux cripto-judios, avec Lettre du bout du monde et Mon nom est Jamaïca, Fajardo fait entendre la voix des exclus, conversos et morisques. le monde est vaste, on le découvre et on s'y aventure mais les institutions le rétrécissent comme peau de chagrin -"Cruel paradoxe que l'exil, qui est de perdre une terre sans en gagner une autre."- et peuvent faire d'un homme un étranger au milieu des siens (beaux passages sur les juifs marranes considérés comme apostats, ou les morisques espagnols perçus comme des chrétiens). L'amitié des imposteurs, l'estime et la loyauté qui les lient à travers les années prouvent que l'entente est possible dans cette Europe déchirée par les guerres et par les dogmes. "Je ne reconnais d'autre loyauté que celle qui m'unit aux hommes qui aiment la liberté, d'autre patrie que celle de mon coeur, où il y a une place pour toi et pour ta générosité.", dira Cristobal Mendieta du fond de son cachot.
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