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Critique de colimasson


La déchéance blesse souvent moins celui qui en est affligé que ses proches. Comment en est-il arrivé là ? se demandent-ils en regardant le décrépi, pendant que lui savoure la transfiguration de ses plaies à même le corps :

« Quand à l'occasion je me regardais dans le miroir, je pouvais observer mon visage avec une volupté cruelle, couvert d'une vieille barbe de poils drus, qui semblait gonflé et pourtant décharné, oui, comme consumé. C'est ainsi que l'on s'autodétruit, me disais-je alors, jubilant. »

Comment en est-il arrivé là ? Avec une bonne petite femme, une jolie petite maison, un bon emploi et un bon salaire ? Certes, les affaires ne marchent plus très bien, et la petite femme commence à devenir un peu brise-burnes, mais est-ce une raison suffisante pour se mettre au schnaps ? Mais bien sûr ! et d'ailleurs, il n'y a vraiment pas besoin d'avoir une bonne raison.

Cette histoire est assez jubilatoire : on reconnaît immédiatement la mauvaise foi que suscite l'addiction à l'heure de prendre de bonnes résolutions. Ça sent le vécu et les connaisseurs apprécieront cette authenticité : « Donc, je veux à partir de maintenant être tout à fait honnête avec moi-même : je ne peux pas renoncer complètement à l'alcool tout de suite, mais à partir de maintenant je vais boire en toute modération, peut-être seulement une demi-bouteille par jour, ou peut-être même juste un tiers. Un tiers, je devrais pouvoir y arriver. Déjà maintenant, un seul tout petit trait de schnaps me rendrait heureux, un minuscule petit godet, à peine une gorgée me suffirait. »

Dans le fond, inutile de savoir pourquoi Erwin passe d'une sobriété respectable à l'alcoolisme. Comme dirait Jacquot : la forme du symptôme n'est pas signifiante, ça aurait très bien pu être n'importe quoi d'autre. On se saisit toujours de ce qui nous traîne sous la main. de ce qui nous fournit de l'inspiration. En amour, c'est un peu pareil d'ailleurs.

Ça commence par un petit schnaps à la brasserie pour se remonter le moral et pour faire comme un grand et quand Erwin rentre pour dîner avec sa femme, il se rend compte qu'en picolant, ça va tout de suite mieux. Un autre jour qu'il doit lui annoncer que les affaires vont mal, paf, un coup dans le pif, mais il s'endort comme un veau dans le canapé. Sa bonne femme découvre le pot au rose alors Erwin se barre chez un polack qui le loge et lui fournit du schnaps tous les jours – c'est curieux cette manie du schnaps venue du jour au lendemain. Je ne vous raconterai pas toutes les péripéties de cette trépidante histoire mais sachez que c'est vraiment drôle – car on s'y reconnaît – de voir qu'il suffit d'une petite pierre sur la voie ferrée pour que le train déraille. Quand même, un autre détail est assez marquant, c'est que lorsque Erwin finit dans une maison de santé pour se remettre d'aplomb, et bien à partir de ce moment-là, il ne pense plus du tout à l'alcool. le schnaps, ça lui est sorti de la tête. Vraiment, y avait pas de quoi en faire tout un fromage.

Voilà, Erwin est guéri. Maintenant il veut retourner dans la société, chérir sa petite femme, s'occuper de son petit jardin, faire fortune dans un autre domaine…il a plein de bonnes idées ! Vraiment, ce n'était pas vilain de faire un petit tour en enfer. Bien sûr, comme 97% des gens (environ), Erwin a toujours un petit temps de décalage avec la réalité. Et il se rend compte, mais un peu trop tard, que passé un certain point, quand tu es condamné, c'est pour la vie.

Allez, à plus.
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