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EAN : 9782070447572
384 pages
Gallimard (31/05/2012)
4.11/5   72 notes
Résumé :
Erwin Sommer, citoyen estimé de sa ville, mène une vie paisible, heureux propriétaire d'un florissant magasin de produits agricoles, marié depuis quinze ans à Magda. Une série d'échecs professionnels et de tensions grandissantes dans son couple l'entraîne à boire : il découvre la plénitude de l'ivresse, les joies de la débauche et de l'oubli. Lucide sur sa dépendance et sa lâcheté, Sommer continue malgré tout, toujours plus bas, toujours plus vite, à faire le choix ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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Erwin Sommer est-il un crétin ? Quelque part sûrement... un homme que le manque d'assurance, la soif de reconnaissance tant au niveau professionnel que personnel rend bête, tendance paranoïaque. Il le dit lui-même, il est mou, il l'a toujours été. Il s'en accommode de façon illusoire et finit par développer envers sa femme "active", "compétente" comme il dit, une aversion irraisonnée, un malaise et une souffrance que le premier verre de vin va apaiser de façon soudaine et inattendue. le piège s'est refermé. Soudain Erwin Sommer se sent invincible, brillant, sûr de lui, conquérant et.... niais. Il "s'évade", il "vit", il ne mesure plus la conséquence de ses actes, ou il s'en fiche. Il tombe amoureux d'une serveuse d'auberge qui n'a que mépris pour lui et qui le roule dans la farine. ll se laisse berner par un logeur filou qui le tient par l'alcool, il se fait voler, dépouiller, il cambriole sa propre maison. C'est drôle et pathétique. Derrière les "idioties" de Sommer se profile l'aliénation de la dépendance, l'illusion de l'alcool, la déchéance physique et morale, la souffrance psychique des drogués, le désespoir ténu de ceux qui se savent dépendants et qui tournent en rond dans leur cage de verre, se sentant prisonniers de leur "poison" le réclamant et le reniant. Après la case prison, c'est la case maison "de santé", asile plutôt. Sommer est interné pour "désintoxication", en fait il est jugé irresponsable, déchu de ses droits élémentaires, mis sous tutelle. "Sans autre forme de procès" comme dirait La Fontaine. Quand Hans Fallada aborde les pages de l'internement, le ton s'assombrit encore plus. Les pages sont magnifiques, cruelles et désespérées. Malgré sa "crétinerie" on espère de tout coeur qu'Erwin Sommer" s'en sortira. Mais comme il le dit, il est dans la maison des morts. Hans Fallada, dépendant lui aussi de l'alcool, dépendant de la drogue a connu l'internement sur une période assez courte, mais est-ce vraiment "assez court" ? La lucidité de Sommer est la sienne, la lucidité sur sa propre déchéance, sur sa situation présente et future, sur la nature humaine. Et toujours comme un leitmotiv blessant, revient sur la fin du récit, cette soif de reconnaissance et d'amour jamais assouvie et jamais concrétisée. Ce manque terrible qui a scié ses nerfs et sa raison et l'a précipité dans les paradis artificiels pour supporter la charge de son existence. J'aurai aimé savoir d'où venaient ce manque d'assurance et ce besoin impérieux d'approbation sociale et intime de Sommer. Que c'était-il passé avant pour qu'il développe ce désamour de lui-même et cette frénétique quête ? D'une belle écriture ample, simple et pourtant tourmentée, avec cette pointe d'acidité et de dérision qui caractérise la lucidité et la désespérance d'un être, Fallada nous brosse un portrait intimiste et universel d'homme blessé.
Pour tout dire, je voulais lire "Seul à Berlin" mais j'ai eu envie de commencer par un autre livre de Fallada, moins "emblématique". Je ne regrette nullement, c'est un livre superbe ou tout est dit et abordé dans cette histoire absurde d'un bourgeois en mal de reconnaissance qui décide un jour de plonger son nez dans un verre de schnaps...
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La déchéance blesse souvent moins celui qui en est affligé que ses proches. Comment en est-il arrivé là ? se demandent-ils en regardant le décrépi, pendant que lui savoure la transfiguration de ses plaies à même le corps :

« Quand à l'occasion je me regardais dans le miroir, je pouvais observer mon visage avec une volupté cruelle, couvert d'une vieille barbe de poils drus, qui semblait gonflé et pourtant décharné, oui, comme consumé. C'est ainsi que l'on s'autodétruit, me disais-je alors, jubilant. »

Comment en est-il arrivé là ? Avec une bonne petite femme, une jolie petite maison, un bon emploi et un bon salaire ? Certes, les affaires ne marchent plus très bien, et la petite femme commence à devenir un peu brise-burnes, mais est-ce une raison suffisante pour se mettre au schnaps ? Mais bien sûr ! et d'ailleurs, il n'y a vraiment pas besoin d'avoir une bonne raison.

Cette histoire est assez jubilatoire : on reconnaît immédiatement la mauvaise foi que suscite l'addiction à l'heure de prendre de bonnes résolutions. Ça sent le vécu et les connaisseurs apprécieront cette authenticité : « Donc, je veux à partir de maintenant être tout à fait honnête avec moi-même : je ne peux pas renoncer complètement à l'alcool tout de suite, mais à partir de maintenant je vais boire en toute modération, peut-être seulement une demi-bouteille par jour, ou peut-être même juste un tiers. Un tiers, je devrais pouvoir y arriver. Déjà maintenant, un seul tout petit trait de schnaps me rendrait heureux, un minuscule petit godet, à peine une gorgée me suffirait. »

Dans le fond, inutile de savoir pourquoi Erwin passe d'une sobriété respectable à l'alcoolisme. Comme dirait Jacquot : la forme du symptôme n'est pas signifiante, ça aurait très bien pu être n'importe quoi d'autre. On se saisit toujours de ce qui nous traîne sous la main. de ce qui nous fournit de l'inspiration. En amour, c'est un peu pareil d'ailleurs.

Ça commence par un petit schnaps à la brasserie pour se remonter le moral et pour faire comme un grand et quand Erwin rentre pour dîner avec sa femme, il se rend compte qu'en picolant, ça va tout de suite mieux. Un autre jour qu'il doit lui annoncer que les affaires vont mal, paf, un coup dans le pif, mais il s'endort comme un veau dans le canapé. Sa bonne femme découvre le pot au rose alors Erwin se barre chez un polack qui le loge et lui fournit du schnaps tous les jours – c'est curieux cette manie du schnaps venue du jour au lendemain. Je ne vous raconterai pas toutes les péripéties de cette trépidante histoire mais sachez que c'est vraiment drôle – car on s'y reconnaît – de voir qu'il suffit d'une petite pierre sur la voie ferrée pour que le train déraille. Quand même, un autre détail est assez marquant, c'est que lorsque Erwin finit dans une maison de santé pour se remettre d'aplomb, et bien à partir de ce moment-là, il ne pense plus du tout à l'alcool. le schnaps, ça lui est sorti de la tête. Vraiment, y avait pas de quoi en faire tout un fromage.

Voilà, Erwin est guéri. Maintenant il veut retourner dans la société, chérir sa petite femme, s'occuper de son petit jardin, faire fortune dans un autre domaine…il a plein de bonnes idées ! Vraiment, ce n'était pas vilain de faire un petit tour en enfer. Bien sûr, comme 97% des gens (environ), Erwin a toujours un petit temps de décalage avec la réalité. Et il se rend compte, mais un peu trop tard, que passé un certain point, quand tu es condamné, c'est pour la vie.

Allez, à plus.
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Que ce livre est terrible ! J'ai dû en interrompre par moment la lecture, prise d'un véritable vertige dans cette descente infernale, comme si l'auteur m'emportait sur un véhicule sans frein, pris de vitesse sur une pente verglacée...

L'écriture est maîtrisée, claire, si claire, et si sombre.
Quoi qu'il décrive - et avec quelle virtuosité - le trait est juste, le regard tolérant et presque tendre, même dans la pire bassesse (et là, il suffit d'un mot pour y basculer). Aucun mépris et beaucoup d'empathie envers ces pauvres hères, rebus de la société.

Un homme nanti, notable qui se repaît d'appartenir à la "bonne société" de sa petite ville va sombrer dans l'alcool.
Qu'a-t-il fait pour mériter cette vie facile ? Naître dans une "bonne famille", faire de "bonnes" études, et surtout épouser une femme compétente et discrète qui a hissé son entreprise à un stade florissant. La renvoyant dans ses foyers, lui, le mari qui essaie de la maintenir dans un état de soumission, il va, par son incompétence et son apathie, perdre un juteux marché. Par lâcheté, il n'osera l'avouer à sa femme et découvrira l'alcool. Commence alors sa dépendance et sa chute dans l'ignominie.

C'est un récit autobiographique, et l'auteur décrit l'alcool comme un magicien, qui illumine une vie ressentie un peu terne. Tout est possible grâce à l'alcool, et surtout, on peut se croire très malin, irrésistible de charme et d'intelligence. Sauf que…

Le roman s'articule en deux parties : si la première décrit la vie du héros Herr Sommer, et le processus par lequel il devient un ivrogne patenté, la seconde partie, le montre, plongé dans un monde dont il ne connaît rien : celui des prisons et des hôpitaux pénitentiaires.
A ce sujet, le choix du patronyme Herr Sommer (Eté) est complètement adapté à sa vie de notable. Mais, est-ce un hasard, si Herr Sommer rencontre un certain Herbst (Automne) dans l'hôpital psychiatrique ?

Ce qui frappe à la lecture, c'est l'inconséquence de cet homme, qui prend toujours les mauvaises décisions, qui est incapable de se contrôler, qui ignore avec suffisance et naïveté tous les conseils avertis. Il s'illusionne beaucoup plus sur lui-même que sur les autres.
Dans la description de ses codétenus, il est lucide, sans jugement sur les brigands, meurtriers, déséquilibrés qu'il rencontre. Sa lâcheté et son instinct de survie lui permettent de trouver sa place dans la hiérarchie sociale de ces lieux d'enfermement.
Et puis aussi, il apprécie de ne rien faire, de se laisser porter. Il découvrira, en prison, le bonheur et la sérénité qu'apporte la satisfaction de réaliser un travail humble et bien fait.
Les actions d'envergure, il n'est capable de les concevoir qu'en rêve ou sous l'emprise de l'alcool.

Malgré tout, le personnage est attachant : par sa faiblesse, sa naïveté et son immaturité. A la fois il comprend les mondes dans lesquels il évolue, il s'y adapte avec une certaine efficacité mais son autosuffisance le fait se complaire dans une irréalité. Il appartient aux rêves, aux illusions, et l'alcool consommé vite et à fortes doses est la clé d'accès à ces mondes.

Mais il est agité par une passion : sa femme.
Ou il la haït et construit dans sa tête les scénarios les plus fous, les plus échevelés pour s'en venger ou il se répand en tendresse et mots d'amour quand il a besoin d'elle.
A l'inverse, sa femme avec sa douceur, sa fermeté et son dynamisme saura réaliser sa vie, alors que lui la perdra au fond d'une cellule.
Incapable d'accepter, de reconnaître la vérité énoncée par le médecin « votre femme, dans votre couple, est celle qui mène et qui domine. Elle a été votre bonne étoile ; lorsque vous vous êtes détourné de votre femme, tout s'est retourné contre vous. Habituez-vous plutôt à l'idée que votre femme ne veut vraiment que le meilleur pour vous, soumettez-vous un peu à elle…». Je pense que cet aspect du roman est aussi important puisqu'écrit en 1944. A l'époque, on ne demandait aux femmes qu'être des ménagères, et, sauf erreur de ma part, ce devait être embarrassant pour un notable de reconnaître cette autre dépendance, celle aux compétences de gestionnaire de son épouse.
Cet assujettissement de fait à sa femme il s'y dérobera par son addiction, voluptueuse et sensuelle à l'alcool.

Et c'est un hymne au pouvoir de l'alcool qui termine le roman.
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Hans Fallada est le pseudonyme de l'écrivain allemand Rudolf Ditzen (1893-1947). Rudolf Ditzen naît dans une famille aisée mais a des relations conflictuelles avec elle. En 1911 suite à une sombre affaire de suicide d'un de ses amis, maquillé en duel dans lequel il est gravement blessé, Fallada est inculpé de meurtre et interné dans une clinique psychiatrique à Iéna pour une courte durée. Il abandonne ses études secondaires sans diplôme et fait un apprentissage agricole. de 1913 à 1928, il occupe des emplois divers dans ce secteur, sans être requis plus de quelques jours pendant la Première Guerre mondiale. de 1917 à 1919, il suit plusieurs cures de désintoxication (alcool et morphine) et par la suite il est à plusieurs reprises mis en prison. En 1929, il se marie et aura trois enfants, époque à partir de laquelle il travaille dans les secteurs de l'édition et du journalisme, jusqu'à ce qu'il puisse vivre de ses droits d'auteur. Hospitalisé en raison de ses problèmes d'addiction, Hans Fallada meurt d'un arrêt cardiaque le 5 février 1947.
Si le Buveur est un roman, il est aussi grandement autobiographique. En 1944 Hans Fallada divorce, mais un épisode violent en août contre son ex-épouse entraîne son incarcération pour trois mois, où il rédige en secret une "confrontation intensive avec les humiliations et les crises personnelles des années passées". le roman qui ne sera finalement publié qu'en 1950, après la mort de Fallada, est une partie de ce manuscrit.
Le narrateur, Erwin Sommer, la quarantaine, est propriétaire d'un magasin de produits agricoles qui marche bien, dans une petite ville de province. Il est marié avec Magda depuis une quinzaine d'années mais le couple n'est plus ce qu'il avait été. Une négligence professionnelle puis un court voyage à Hambourg pour rattraper le coup lui font découvrir l'alcool, et lui qui ne buvait jamais tombe dans ce piège addictif. le roman va s'attacher à transcrire la descente aux enfers d'Erwin Sommer.
Pour le lecteur, le bouquin est en deux parties, même si elles ne sont pas concrètement signifiées. Il y a l'avant et l'après incarcération. Personnellement, j'ai préféré l'avant. le ton est enjoué, on s'amuse à suivre cet Erwin, pas très futé et naïf, pas vraiment bosseur, faible de caractère mais ces traits de sa personnalité se lisent en creux car le narrateur ne se voit évidemment pas comme tel, ou bien lors de rares moments de lucidité qui ne durent pas. Puis l'alcool devient drogue dont il ne peut se passer, l'argent du ménage et l'argenterie, tout va partir en bouteilles de schnaps. L'engrenage fatidique est en marche, les mauvaises rencontres, l'entreprise qui périclite, la lutte d'influence avec Magda qui s'avère très « compétente » et selon les mots, plus tard, d'un médecin, « votre femme, dans votre couple, est celle qui mène et qui domine. » Erwin devient paranoïaque, aveugle à la situation, se croyant plus malin que tout le monde. Il va connaître la prison pour tentative d'assassinat sur sa femme, puis l'incarcération en maison de santé. le bouquin est alors extrêmement plaisant à lire, plein d'humour, voire comique (en exagérant un peu, limite Laurel & Hardy dans certaines situations !)
La seconde partie est beaucoup plus classique – du moins à le lire aujourd'hui ( ?) – la vie en prison, les combines, les vexations, la dureté de la vie, on connait nous avons déjà lu cela. Par ailleurs le sevrage semble passé sous silence ou du moins se dérouler naturellement, sans que l'auteur, bizarrement, s'y attarde… C'est moins drôle évidemment, mais on ne tombe jamais dans l'horreur, je l'ai dit le ton de l'ouvrage est léger et même en prison, l'humour (forcé) subsiste, « nous sommes nourris de bonne eau bien chaude… »
La dernière page du roman est très belle, même si elle est très symbolique du caractère définitivement déraisonnable de ce pauvre Erwin Sommer. Un personnage qui ne nous restera, grosso modo, jamais vraiment antipathique… mais comme c'est aussi lui qui a écrit le bouquin… Un fort bon roman au demeurant.
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J'ai été ému. Toute littérature confondue, c'est le meilleur livre que j'ai ouvert sur l'alcoolisme jusqu'à maintenant. le processus de plongée en abyme est très tragique.

Avant même de me renseigner sur la vie de Hans Fallada, j'ai compris qu'il s'était ouvert les veines pour écrire “Le buveur” ; les descriptions sont teintées d'un réalisme qui ne s'invente pas.

Cependant, il n'y a qu'une raison qui m'empêche de lui mettre la note maximale : c'est le ventre mou de la deuxième partie de l'histoire ; essentiellement concentré dans la description de l'univers carcéral, plus que sur l'alcoolisme en lui-même.
Je trouve cela dommage, car c'était l'occasion d'injecter une nouvelle dose de tragédie - en parlant du sevrage. Et au lieu de ça, Fallada a préféré faire de son incarcération un simulacre biographique ; et à partir de son internement en maison de santé, le récit devient essentiellement descriptif, on perd de vue le protagoniste principal pendant une centaine de pages.

Je conclurais donc que : ce roman mérite tous les hommages du point de vue description de l'alcoolisme, et de la plongée dans l'addiction ; mais subit, par moments, les faiblesses de l'autobiographie.
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critiques presse (1)
Liberation
16 juillet 2012
Aucune dénonciation, aucun pathos, évidemment. Tout le récit n’est qu’un effort pour tomber plus bas et le comique surgit à chaque obstacle matériel ou social qui sépare Sommer (Eté) de sa bouteille de schnaps.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (28) Voir plus Ajouter une citation
Mais au milieu de la nuit, peu après une heure, je me trouvai à nouveau dans le cellier, pieds nus et en pyjama, en train de vider à toute vitesse ce qui restait des trois bouteilles. Et alors que la dernière bouteille était encore à ma bouche, je pris conscience avec une certitude effroyable que j’étais perdu, qu’il n’y avait plus rien pour me sauver, que j’appartenais corps et âme à l’alcool. Il était désormais indifférent que j’arrive à maintenir encore pour quelques jours ou quelques semaines un semblant de respectabilité et de bienséance – c’en était fini. Elle n’avait qu’à venir, la Magda, et me regarder boire. Je lui dirais en pleine face que j’étais devenu un vrai buveur, un ivrogne, et que c’était elle qui avait fait ça de moi, elle, avec sa compétence infernale ! Mais elle ne vint pas. Si bien que je laissai les trois bouteilles vides sur la table, leurs bouchons posés à côté ; qu’ils le sachent, que tout le monde le sache, Magda, Else, qui encore : je m’en fichais pas mal !
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Quelqu'un qui venait tout juste de perdre une belle valise en vachette avec ses plus belles affaires dedans et toute son argenterie, quelqu'un qui venait juste d'être délesté de quatre mille marks sur cinq n'aurait jamais pu se faire ne serait-ce que la plus petite idée du bonheur que ressentait l'homme qui était assis, un quart d'heure plus tard, dans un wagon de deuxième classe [...] Dieu seul sait comment cela fonctionnait en moi, mais je m'imaginais vraiment que je m'étais tiré à bon compte des griffes du misérable Polawski, et que je ne pouvais pas remercier suffisamment le ciel d'avoir réussi en plus à sauver mille marks de ce désastre. Je ne dois bien évidemment pas oublier de mentionner que ce sentiment de bonheur était essentiellement dû au fait que j'avais retrouvé la bouteille de schnaps...
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Donc, je veux à partir de maintenant être tout à fait honnête avec moi-même : je ne peux pas renoncer complètement à l’alcool tout de suite, mais à partir de maintenant je vais boire en toute modération, peut-être seulement une demi-bouteille par jour, ou peut-être même juste un tiers. Un tiers, je devrais pouvoir y arriver. Déjà maintenant, un seul tout petit trait de schnaps me rendrait heureux, un minuscule petit godet, à peine une gorgée me suffirait.
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Et alors que la dernière bouteille était encore à ma bouche, je pris conscience avec une certitude effroyable que j'étais perdu, qu'il n'y avait plus rien pour me sauver, que j'appartenais corps et âme à l'alcool. Il était désormais indifférent que j'arrive à maintenir encore pour quelques jours ou quelques semaines un semblant de respectabilité et de bienséance - c'en était fini.
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Elle commença à me parler des petites annonces et des journaux dans lesquels on pourrait insérer des avis pour vendre notre miel. Mais j’avais quant à moi à peine la force de l’écouter. Je n’étais pas vraiment fatigué, mais j’étais fatigué de toutes ces choses, de cet affairement incessant et infatigable – tout ça pour rien du tout. Car qu’est-ce que c’est après tout que vendre du miel par correspondance ? Ce n’est rien du tout, les gens le mangent, et puis c’est déjà fini, comme des bulles de savon, du néant chatoyant, rempli avec un peu d’air et inondé de lumière. La bulle éclate et il ne reste rien, tout ça n’est qu’illusion et magie noire ! Ah mais va-t’en donc ! Vas-tu t’arrêter de parler, ne cause donc pas tant que ça ! Laisse-moi en paix ! Pourquoi tu te fatigues ? […] Oui, si maintenant j’avais un schnaps, alors je pourrais à nouveau t’écouter avec attention. […] C’est parce que tu t’es installée dans ma vie que je ne peux pas faire ce qui me plaît dans la mienne. Non, non, bien sûr, c’est pas ce que je voulais dire, je l’aime bien quand même, la Magda, mais ce serait drôlement chic de sa part si elle pouvait pour un temps mettre les voiles et sortir complètement de ma vie – Oh la vache, quel ennui, quelle perpétuelle jacasseuse !
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Videos de Hans Fallada (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Hans Fallada
L'émission “Une vie, une oeuvre”, produite par Matthieu Garrigou-Lagrange et diffusée sur France Culture, était consacrée le 26 janvier 2013 à la figure de l'écrivain allemand, Rudolf Ditzen (ou Hans Fallada de son nom de plume). Par Laurence Courtois. Réalisation : Charlotte Roux. Avec Hans Fallada il s’agit d’une vie intimement mêlée à l'histoire de l'Allemagne du début du 20e siècle, vue de l’intérieur puisque Fallada décida de rester en Allemagne sous le IIIe Reich et pendant la guerre. Hans Fallada est un auteur allemand né en 1893 dans le Nord de l’Allemagne. Il est de la même génération que Johannes R. Becher, Bertolt Brecht, Kurt Tucholsky ou Walter Benjamin, ces auteurs qui sont nés dans l'empire allemand sur son déclin, qui ont connu, au début de leur âge adulte, la chute de l'empire avec la première guerre mondiale, et qui vivront seulement 14 années de démocratie parlementaire avant que le nazisme ne prenne le pouvoir et que n’éclate la seconde guerre mondiale. Il meurt en 1947 à Berlin, laissant une vingtaine de romans devenus pour certains des classiques lus à l’école. Hans Fallada est un personnage qui connut plusieurs vies, de l’adolescent dépressif à l’administrateur de domaines agricoles, du morphinomane au mari infidèle, du père attendrissant au conteur extraordinaire. Il sut transposer ses aspirations contradictoires, ses expériences riches et traumatisantes dans des romans qui dressent un portrait tendre et féroce d’une société. L’armée des petites gens de Fallada – car ses personnages sont les gens de tous les jours – se débat avec le quotidien de ces années-là, reflet lointain de notre monde contemporain, sous la menace de la crise, de l’inflation, du chômage, alternant toujours entre lâcheté et pureté. On le redécouvre aujourd’hui en France avec “Seul dans Berlin”, “Quoi de neuf petit homme ?”, et “Le Buveur”, tous publiés par les éditions Denoël et en format de poche chez Folio.
Un second documentaire consacré à Hans Fallada et au destin si particulier de son oeuvre et de son roman “Seul dans Berlin” après sa mort sera diffusé le 29 janvier 2013 à 9h dans la Fabrique de l’Histoire. http://www.franceculture.fr/emission-... Avec les voix de : Clément Bondu, Aurélia Petit, Franck Lilin, Antoine Lachand. Interprète sur place : Andrea Weber Merci à Patrick Charbonneau et Marc Cluet.
Invités : Georges-Arthur Goldschmidt, professeur d'allemand, écrivain, essayiste et traducteur. Stefan Knüppel, directeur du musée Hans Fallada à Carwitz Manfred Kuhnke, ancien directeur du musée Hans Fallada Anne Lagny, professeur des universités à l'ENS Lyon et historienne des idées Michelle Le Bars, maître de conférence à l'université de Rennes 2 Werner Liersch, biographe de Hans Fallada Alain Muzelle, professeur des universités à Nancy René Strien, directeur éditorial des éditions Aufbau
Thèmes : Arts & Spectacles| 20e siècle| Europe| Grands Classiques| Littérature Etrangère| Allemagne| Nazisme| Hans Fallada
Source : France Culture
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