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Critique de Merik



Il s'agit bel et bien d'un roman comme indiqué sur la couverture. Pourtant les bases sont celles du fait-divers, et il faudra peu de temps pour se remémorer l'affaire Fiona sous la verve de Dalie Farah.
Rappelez-vous. Été 2013, la France plonge dans la compassion d'une mère éplorée face caméras et se met à rechercher les beaux yeux de Fiona, 5 ans, disparue dans un parc de Clermont-Ferrand le temps d'un assoupissement de sa mère sur un banc. La narratrice-autrice ouvre le dossier papillon en pensant à sa mère berbère et à un épisode des Simpson – « On ne soupçonne pas les papillons » dixit Bart, la société quant à elle s'exprime via les réseaux sociaux, organise une marche non pas blanche mais de soutien, car « Fiona n'est pas morte », du moins pas encore. Quatre mois plus tard, Cécile Bourgeon avoue que Fiona est enterrée près d'un lac, morte sous les coups de son compagnon. C'est l'indignation qui s'exprime désormais, avec les questions sur la mère : « Comment ont-ils pu laisser quelque part le corps d'une gamine morte ? Comment une mère peut-elle oublier où est le corps de sa fille ? ».
Retrouver Fiona ne sera dès lors plus l'affaire de la société, mais passera dans les mains d'une police et d'une justice, pour retrouver le corps de Fiona. Dix ans et quatre procès, d'appel en pourvoi, de report en renvoi, l'affaire Fiona bégaie dans les couloirs de la justice, se noie dans les aveux troubles d'une mère et d'un beau-père drogués. Une mère qui se verra condamnée bien différemment au fil des procès, un beau-père inculpé. Les différents procès se heurteront ainsi de plein front à la difficulté d'une condamnation sans corps : « La mort de Fiona semble une abstraction, quelque chose qui n'a pas eu lieu, un truc dont on parle, une énigme à résoudre, coincée entre les mots d'hier et ceux d'aujourd'hui ».
Mais l'affaire Fiona se transcende sous la plume vivifiante de Dalie Farah, sa narratrice à proximité immédiate du fait divers, inquiète le soir de la disparition du bruit des rotors de l'hélicoptère aux alentours du parc Montjuzet, aux « notes graves et aiguës et qui s'engouffrant dans les tympans». Elle suivra l'affaire et les procès dix ans durant dans un « tournis des coïncidences communes ». Retrouver Fiona devient dès lors la symbolique d'une quête impossible, noyée dans la mémoire embrumée, le déni de violence. C'est par l'entremise du fait-divers et par l'écriture documentaire qu'elle creusera les sillons vers son inconscient traumatique – « mon je se confond avec une légion infinie de gamins signés du sceau de l'insignifiance », et c'est vers sa propre histoire que se tournera l'autrice, avec ses secrets enfouis.
Voilà en tout cas un roman à l'écriture alerte et nerveuse qui scanne avec pudeur et sensibilité, sans pathos ni rancoeur, les stigmates enfouis de la narratrice-autrice sur sa propre enfance violentée. Mais « Retrouver Fiona » devient aussi par l'entremise de sa quête personnelle un profond et émouvant texte aux accents thérapeutiques, avec son parcours de réflexions sur la violence, sa reproduction, la maternité ou le filicide, entre autres.

« J'ai 48 ans, et je continue de déterrer l'archéologie de ma vie, mon puzzle intime se reforme à chaque livre »
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