Je renouvelle l'expérience, car dans «
le doigt », j'avais aimé le style mais pas la façon dont le thème était traité ; la curiosité ma pousse donc à lire «
Retrouver Fiona ».
Ce fait « divers », je suppose que tout le monde le connait ; c'est vrai qu'il est plus sensible pour les gens comme quoi qui ont arpenté le parc Montjuzet à une certaine époque et qui connaissent les lieux du drame…
Alors voilà : «
Retrouver Fiona », c'est d'abord le compte rendu, parfois détaillé, des jugements, audiences, procédures, une enquête quasi journalistique et vraiment intéressante.
Mais ce n'est pas que ça, bien sûr, et c'est là que je suis gênée, encore, pour les mêmes raisons que dans «
le doigt » : parce que Farah, rien à faire, elle n'arrive pas à se sortir d'elle-même, elle utilise l'écriture comme une thérapie pour partir à la recherche de son propre passé, et vraiment, j'ai du mal avec ça, parce que cet exorcisme me paraît trop intime pour être partagé, mais aussi et surtout parce que ça n'apporte absolument rien au roman, au contraire, je m'explique :
- le style s'affirme : il y a parfois de sacrées formules, des réflexions qui font corps, une fluidité étrange (car elle n'est ni tranquille ni reposante), des respirations maîtrisées, des accentuations rythmiques (riche idée d'avoir incorporé des mots arabes, des vers…)
- L'analyse humaine est parfaitement incroyable, d'une justesse et d'une profondeur qui élèvent le débat, si débat il doit y avoir, bien au-delà du procès. Cette aptitude à sonder l'âme, à s'interroger sur la violence (thème déjà bien bien présent dans «
le doigt »), sur la transmission de la violence, sur la répétition de la violence, sur l'enfance et la résilience ou l'absence de résilience d'ailleurs, sur le rôle fondamental de l'oubli, bref, toutes ces réflexions et cette grandeur d'âme si j'ose dire, on devine, on sait que c'est une âme blessée qui voit, qui regarde, qui observe, qui analyse, avec des questions et des éléments de réponse mais pas (ou si peu) de jugement. C'est cette âme blessée qui va pouvoir nous offrir son regard et ses mots, qui va transfigurer le réel pour nous offrir sa vision, littéraire et humaine.
- Alors pourquoi, oui pourquoi a-t-elle besoin de nous parler de son divorce, de sa culpabilité quand elle craque avec ses enfants, de son enfance et de ses placements à l'ASE, pourquoi ????
Voilà… J'attends toujours la
Dalie Farah qui fera abstraction d'elle-même, ou plutôt de son autobiographie, pour ne conserver que cette richesse venue de son parcours chaotique… Parce qu'elle en a des choses à dire, mais je suis juste une lectrice, pas une thérapeute, et lire un roman qui me met parfois mal à l'aise parce que j'ai l'impression d'avoir dérobé des pages de journal intime, ce n'est pas ce que j'en attends.
Il parait que c'est "Impasse
Verlaine", le meilleur, alors je vais tenter de le trouver ! ;-)