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Critique de Ys


Ouh, qu'elle a fini par me devenir pénible, cette lecture ! Il y avait pourtant plein d'ingrédients pour me plaire : le siècle de Louis XIV, Saint-Malo, l'univers des corsaires et de la flibuste, des batailles navales, une grande amitié virile et même cette histoire d'amour destructrice qui possédait un certain potentiel. Hélas, impossible d'accrocher au potentiel tragique de toute l'affaire.
Impossible d'éprouver grand intérêt pour le destin de personnages qu'un travail psychologique plus poussé aurait pu rendre passionnants, mais qui ne dépassent guère le stéréotype sans profondeur : Thomas, qu'on tente de nous faire passer pour un brave garçon dévoyé mais qui ressemble surtout à une brute doublée d'un abruti ; Louis, d'un angélisme fade, incolore, inodore et sans saveur ; Juana, aussi fatale et vicieuse que se doit de l'être toute femme fatale digne du nom.
Bon. Tout ceci aurait encore pu passer si l'écriture avait su faire du stéréotype un symbole, pointer le nez vers la légende. L'intention de l'auteur est sans doute là, mais son style - irréprochable d'un point de vue académique - est trop classique, manque de nerf, de folie, de puissance, pour donner l'élan, la fougue, la démesure que cette histoire aurait mérité, sans compter que beaucoup de choix narratifs m'ont frustrée de ce que j'avais envie de voir raconté.
Mais le pire, c'est encore l'esprit du roman, l'esprit de l'auteur, terriblement daté - dans le genre morale catholique petitbourgeoise étriquée du début du XXe siècle. On a droit à tous les clichés : la bonne Bretagne pieuse, les bons fils d'autrefois comme n'en fait plus ce siècle tant il est corrompu, les femmes curieuses comme le sont toutes les femmes et dangereuses catins dès qu'elles suivent leurs sens, sans compter le sempiternel nègre ou indien qui finit par trahir son camp parce qu'il a les foies face à l'ennemi (l'espagnol, lui, bien sûr, meurt toujours fièrement). Ce n'est pas grand chose, d'abord, une petite remarque agaçante, un soupir, après tout, ça ne colle pas si mal avec l'esprit de l'époque évoquée, puis à la longue l'agacement l'emporte et n'aide guère à rester concentré.

Reste un tableau assez intéressant du monde de la flibuste, de ce moment charnière où la paix vient mettre un terme malencontreux à la grande heure des corsaires, et finit par lancer les plus aventureux d'entre eux sur les chemins de la piraterie pure et simple. Bien documenté, le roman est au moins assez instructif (quoique parfois un peu trop ouvertement pédagogue), et il faut lui reconnaitre des scènes réussies. Mais il gâche beaucoup de ses potentiels, et ne dépasse pas assez les modes de pensée de son temps pour atteindre à l'intemporel des vrais grands romans : à en juger par ce seul texte, l'injuste oubli dont est victime aujourd'hui l'auteur, académicien en 1935, ne me semble pas si injustifié !
Lien : http://ys-melmoth.livejourna..
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