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Critique de Melisende


Estelle Faye et Les Moutons électriques. Deux bonnes raisons pour craquer pour ce roman qui me faisait de l'oeil depuis plusieurs années. Après mon coup de coeur pour sa trilogie La Voie des Oracles et après l'avoir écoutée lors de certaines conférences aux Imaginales de cette année, je voulais continuer ma découverte de l'oeuvre d'Estelle Faye.
J'ai très très très longuement hésité entre Porcelaine – une réécriture d'un conte chinois – et Un Éclat de givre – de la SF dans un Paris post-apocalyptique – et c'est finalement ce dernier qui l'a emporté, notamment grâce à sa magnifique illustration de couverture signée Aurélien Police (je suis définitivement fan de son travail).
Encore une fois, j'ai été conquise par la plume de l'auteure et par l'atmosphère qu'elle arrive à insuffler à son histoire ; j'ai également été séduite par son héros, un jeune homme assez surprenant… mais j'ai par contre trouvé quelques faiblesses à l'intrigue que j'ai trouvée assez légère et qui finalement, ne me laisse quasiment aucun souvenir aujourd'hui, un mois après ma lecture.

Le scénario, parlons-en tout de suite justement. Il débute assez classiquement sur une mission offerte au personnage principal, mission qui dégénère rapidement et se révèle finalement d'une bien plus grande ampleur qu'imaginée initialement. D'un quartier à l'autre de Paris, Chet – le héros – court après les indices, recherche un fugitif, et fuit les ennuis.
Peu de temps morts dans cette histoire donc on ne s'ennuie pas, mais finalement un fil rouge qui ne m'aura pas passionnée plus que ça… la preuve, un mois après avoir refermé le livre je suis complètement incapable de vous en faire un résumé détaillé et construit.

Mais l'intrigue, finalement, ce n'est pas ce que l'on retient d'Un Éclat de givre. Ce roman, c'est celui de Chet, un héros inattendu et original. Jeune homme de 23 ans, le personnage principal est ouvertement bisexuel et se travestit chaque soir pour reprendre les grands standards féminins du jazz. Ambigu mais sans complexe, Chet vit sa vie au jour le jour, comme il l'entend, sans recevoir aucun jugement du monde qui l'entoure. Je crois que c'est la première fois que je suis un personnage aussi libéré (sexuellement notamment) ; en 2016, il était temps.
Chet n'est, malgré tout, pas si libre que ça. Il essaye de se convaincre qu'il est sans attache, passant d'une conquête à l'autre ; mais son coeur appartient à Tess, une jeune fille avec qui il a grandi et pour laquelle ses sentiments ont dépassé le stade fraternel. Mais Tess est parti au loin, suivant son destin et Chet n'a pas réussi à se déclarer avant son départ. Depuis il survit, entre deux morceaux de jazz, entre deux amants, entre deux boulots louches.
Chet est un héros émouvant et donc attachant. J'ai aimé le suivre dans son quotidien, sa détermination, sa force physique mais aussi ses faiblesses émotionnelles. C'est un personnage riche d'une personnalité complexe qui porte le roman quasiment à lui seul. Et comme le texte est rédigé à la première personne du singulier, on profite d'autant plus de ses pensées – souvent agrémentées d'un trait d'humour et d'autodérision – et l'on se sent d'autant plus proche de lui.

Chet ne porte pas le roman à lui tout seul, j'exagère. le deuxième personnage principal d'Un Eclat de givre et celui que je retiens finalement le plus, c'est Paris… la ville post-apocalyptique est une figure à part entière.
J'ai adoré redécouvrir la capitale que l'on reconnaît grâce à certains points stratégiques : la butte Montmartre, les catacombes… et qui pourtant, se révèle légèrement différente, transformée par une apocalypse. Les survivants, trop nombreux pour la ville, vivent les uns sur les autres, dans des appartements exigus et vétustes, sous un soleil de plomb. Ce Paris futuriste sent presque la Nouvelle Orléans : la moiteur, la sueur, la saleté. Plusieurs décennies après la destruction, la nature a commencé à reprendre ses droits et donne presque l'impression, parfois, de traverser une partie de la forêt Amazonienne. Il n'y ferait pas bon vivre du tout, et pourtant j'ai adoré m'y promener en compagnie de Chet !

Et j'en viens au point le plus positif de cette histoire à mon goût : la plume d'Estelle Faye. J'avais déjà pu l'apprécier dans sa trilogie pour la jeunesse (La Voie des Oracles), je l'ai ici savourée dans ce roman plus adulte.
Les décors et paysages défilent clairement sous nos yeux ; toutes les scènes apparaissent distinctement. Certains passages restent en tête, le bassin des sirènes par exemple et d'autres, comme la rencontre avec les enfants médiums, laissent une impression diffuse. En tournant la dernière page, on a comme l'impression de sortir de la projection d'un film.
Je suis définitivement conquise par la patte et l'imaginaire de cette jeune auteure qui, c'est de plus en plus évident, possède une accointance certaine pour la mythologie (il n'est donc pas étonnant de trouver des sirènes ici et de rencontrer un personnage baptisé Galaad), les contes, l'Histoire avec un grand -H et le cinéma.

Plus qu'un récit d'aventures, Un Éclat de givre est un roman d'atmosphère dans lequel on redécouvre les lieux les plus connus de Paris, modifiés à cause de l'Apocalypse survenu quelques décennies plus tôt. Véritable personnage à part entière, la capitale prend même le pas sur Chet, le jeune héros de 23 ans qui surprend par sa façon de vivre et dont les pensées émeuvent. le tout est servi par la plume imagée et maîtrisée d'Estelle Faye… voilà qui compense largement une intrigue un peu en retrait à mon goût !
Vite, il me faut découvrir Porcelaine, l'autre roman de l'auteure publié aux Moutons électriques !
Lien : http://bazardelalitterature...
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