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Critique de Rodin_Marcel


[Exposition. Paris, Grand Palais, 2 octobre 2013 – 20 janvier 2014] – "Félix Vallotton : le feu sous la glace" sous la direction scientifique de Guy Cogeval, Isabelle Cahn, Marina Ducrey, Katia Poletti – Réunion des musées nationaux-Grand Palais, 2013 (ISBN 978-2-7118-6054-8) et Musée d'Orsay Paris (ISBN 978-2-35433-129-0) – relié, format 30x26cm, 288p. – abondamment illustré

Ce catalogue d'exposition comprend :
- une introduction "L'Helvète underground" (pp. 14-21)
- une contribution "Glacé Vallotton ?" signée Marianne Ducrey (pp. 24-33)
- une contribution "Mes racines sont à Paris – la reconnaissance parisienne 1892-1899 ?" signée Katia Poletti (pp. 34-43)
- une contribution "L'automne à Paris : Vallotton et le Salon d'automne, 1903-1925 ?" signée Isabelle Cahn (pp. 44-53)
La partie "L'oeuvre" couvre les pages 55 à 238 ; elle est découpée en dix sous-parties, chacune introduite par une page signée de son auteur. Par ailleurs, quelques oeuvres sont commentées par un certain Claude Arnaud, écrivain, dont il vaut mieux oublier la contribution généralement cantonnée à des lieux communs ou des banalités consternantes.
Une partie "Etudes" comprenant :
- une étude "Vallotton : un japonisme incontestable ?" signée Naoko Sugiyama (pp. 240-249)
- une étude "La quintessence du noir et blanc : les xylographies" signée Fleur Roos Rosa de Carvalho (pp. 250-257)
- une étude "Un amour, Un meurtre, La vie meurtrière : un roman de Vallotton" signée Laurence Madelin (pp. 258-260)
Une partie "Annexes" (pp. 263-287) comprenant une chronologie biographique du peintre, des notes, une bibliographie, la liste des oeuvres exposées, un index des noms de personnes et les crédits photographiques.

Un catalogue d'une grande qualité iconographique et scientifique, pour un peintre marquant de la fin du 19ème et du début du 20ème siècle.
Dans cette oeuvre variée, je me limite à dégager (arbitrairement) quatre aspects.

Le premier concerne la partie de l'oeuvre de Vallotton prenant la forme de gravures sur bois. Selon les spécialistes s'exprimant dans ce catalogue, c'est lui qui invente ce type de gravures de presse en à-plats de noir et blanc tranchés, aux figures nettement dessinées, se détachant en blanc sur un fond presqu'uniformément noir (voir la contribution de Nienke Bakker "La violence tragique d'une tache noire" suivie de ces dessins (pp. 142-171).

Le deuxième concerne la Grande Tuerie de 1914-1918 ("C'est la guerre" pp. 221-237), avec tout particulièrement ces tableaux intitulés l'un "Verdun" (1917), l'autre "L'homme poignardé" (1916 – inspiré du retable comprenant "Der tote Christus im Grabe", de Hans Holbein der Jüngere - 1521), qui pourrait constituer une autre prédelle pour le triptyque de Dresde d'Otto Dix (intitulé "La Guerre") –

Le troisième concerne évidemment la part importante qu'occupe le nu féminin dans l'oeuvre de ce peintre, un nu féminin sans concession, souvent glacé, avec une prédilection marquée pour la face callipyge de ces dames (dont la célèbre"étude de fesses" qui pourrait être vue comme le complément d'une certaine "Origine du monde" de Courbet ?), parfois mélancolique comme dans "Le chapeau violet" (1907).

Le quatrième enfin concerne l'humour féroce, la satyre incisive, qu'il s'agisse des moeurs ("La chaste Suzanne", la série "Intimité" etc) ou de la réinterprétation parodique de "Persée tuant le dragon" (on ne sait qui prend la pose la plus ridicule, du pôvre Persée ou de la vilaine Andromède).
Chez Vallotton, les héroïnes ne font pas dans la pruderie excessive, comme Europe sautant sur le taureau qui n'en peut mais (alors qu'il est sensé l'enlever), ou la "femme nue lutinant un silène" : s'il semble avoir oublié la traditionnelle Salomé faisant décapiter Jean-Baptiste ou sa variante Judith et Holopherne, il incarne encore plus cruellement l'un des rôles féminins avec son "Orphée dépecé" par des Ménades assoiffées de sang...

Reste à mes yeux que les deux tableaux les plus importants de Vallotton seraient d'une part son "autoportrait à la robe de chambre" de 1914 (quelle dureté de visage !), d'autre part "La blanche et la noire", tableau dans lequel je ne vois pour ma part nulle allusion érotique (contrairement aux commentaires bêtifiants largement répandus) mais au contraire un affrontement violent entre une civilisation européenne ne se souciant plus que de son plaisir lascif, et un Tiers-monde contemplant ce spectacle avec une indifférence glacée et glaciale.

Pour notre génération, gavée d'art abstrait et de Picasso-mania, Vallotton représente l'autre voie possible d'une peinture compréhensible.
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