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Citations sur Dans la nuit et le vent : A pied de Londres à Constant.. (7)

Son nom était suivi de ces mots : "K.u.K. Kammerer u. Rittmeister i. R.", c'est-à-dire "Chambellan impérial et royal, et capitaine de la Cavalerie en retraite". Traversant toute l'Europe centrale les initiales K.u.K. (Kaiserlich und Königlich) condensaient dans leur allitération la vieille monarchie austro-hongroise...
Mais aujourd'hui l'Empire et le Royaume étaient démembrés et leurs trônes vides... Les hérauts étaient disséminés, les régiments dissous et les chevaux morts depuis longtemps. Ces mots gravés croassaient, corbeaux funèbres, les gloires passées.
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Les hivers rigoureux engendrent leur antidote : le Kümmel, la vodka, l'aquavit, la Danziger Goldwasser. Oh! j'aurais donné n’importe quoi pour un dé à coudre de froid nordique! Ces potions mêlent le feu et la glace, font pleuvoir des pièces d'or, débordent des paillettes qui se déversent dans le sang, raniment les membres épuisés et font repartir le voyageur comme une fusée à travers la neige et la glace.
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Mais, dès que pointait une ferme ou un village, j’entrais dans le monde de Pierre Brueghel. Les flocons blancs tombant le long du Waal – ou du Rhin, du Neckar ou du Danube – les pignons à redents et les toits pleins de neige, tout cela lui appartenait. Les stalactites aussi, et la neige piétinée, les bûches empilées sur les traîneaux et les paysans courbés sous la ramée. Quand les enfants, avec leurs cagoules et leurs cartables, quittaient en trombe la salle de classe dans un cliquetis de sabots miniatures, je savais par avance qu’ils ne tarderaient pas à se frapper les bras l’un contre l’autre pour se réchauffer, à souffler sur les mitaines et à dégager un espace pour fouetter leur toupie ou bien qu’ils dévaleraient un sentier pour patiner sur le ruisseau le plus proche ; et tout le monde, enfants, adultes, bétail et chiens, marchait dans le sillage de son haleine brumeuse.
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Me souvenant du conseil que le maire de Bruchsal m’avait donné, je m’étais enquis du Bürgermeister dès mon arrivée dans ce petit village. Je l’avais trouvé dans le Gemeindeamt où il m’avait rempli un petit formulaire. Je le présentai à l’auberge : il me donnait droit à un dîner, une chope de bière, un lit pour la nuit, du pain et un bol de café au matin ; tout cela aux frais de la paroisse. Cela me paraît incroyable aujourd’hui mais c’est bien ainsi que les choses se passaient, sans qu’il y eût d’ailleurs la moindre honte à profiter de ces avantages ; on avait toujours droit à un accueil amical. Je ne sais plus très bien combien de fois je me servis de cette coutume généreuse et apparemment fort ancienne. Elle avait cours dans l’Allemagne et l’Autriche tout entières, survivance, peut-être, de quelque antique aumône faite aux vagants et aux pèlerins désormais étendue à tous les voyageurs pauvres.
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Ces bâtisses paraissaient trop décrépites pour être habitables. Cependant, à la tombée du jour, une vague lueur pointait aux minuscules fenêtres envahies par le lierre. Qui vivait dans ces pièces pavées où le soleil n’entrait jamais ? Emmuré dans ces parois épaisses de six pieds, submergées au-dehors par le lierre et à l’intérieur par des arbres généalogiques piqués d’humidité ? Je me représentais aussitôt des silhouettes solitaires… une veuve, descendant d’une dame de compagnie à la cour de Charlemagne, seule avec le Sacré-Cœur et un chapelet, ou une famille de barons au teint cireux, dégénérés par d’imprudents mariages consanguins ; des célibataires à moustache de phoque, pliés en deux par les rhumatismes, grelottant d’une pièce à l’autre et qui toussaient au milieu de leurs chiens ou se hélaient d’une voix blanche dans des couloirs noirs comme des fours.
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Quand je remarquai qu’il devait parfois se trouver à l’étroit dans un décor aussi envahissant, il éclata de rire et s’assit sur son lit :
« Mensch! Tu aurais vu comment c’était l’année dernière ! Tu aurais bien ri ! C’étaient partout des drapeaux rouges, des étoiles, des faucilles et des marteaux, des photos de Lénine et de Staline ou des affiches “Travailleurs du monde, unissez-vous !”. À l’époque, je tombais à bras raccourcis sur quiconque chantait le Horst Wessel Lied ! Ce n’était que Drapeau rouge et Internationale, à ce moment-là ! Je n’étais pas seulement un Sozi mais un Kommi, ein echter Bolschewik ! (Il salua, bras tendu en fermant le poing.) Tu m’aurais vu ! Combats de rues ! Nous tabassions les nazis et ils nous en faisaient tout autant. Nous mourions de rire – Man hat sich totgelacht. Et tout à coup, quand Hitler est venu au pouvoir, j’ai compris que ce n’étaient que stupidités et mensonges. Je me suis rendu compte qu’Adolf était l’homme qu’il me fallait. D’un seul coup ! (Il claqua des doigts.) Et me voici ! »
Et quant à ses anciens copains ? m’enquis-je.
« Eux aussi ont changé ! Tous ces gars qu’on a vus au bar. Chacun d’eux ! Ils font tous partie des SA, à présent. »
Les gens avaient-ils été nombreux à les imiter ? Nombreux ? Ses yeux s’écarquillèrent.
« Des millions nous ont imités ! J’ai été sidéré de la vitesse à laquelle ils ont changé de bord ! »
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Mes camarades issus de boîtes à bachotage étaient de jeunes chiots qui n’avaient qu’un an de plus que moi, au maximum ; leur départ prématuré de l’école avait été provoqué par de mauvais résultats plutôt que par la dissipation. C’étaient des garçons aux grands yeux, aux joues roses, tout innocents et bien peignés ; des chrysalides de cornette ou d’enseigne, révisant péniblement leurs examens et désireux de posséder sur le bout des doigts les coutumes de leurs futurs régiments. Aux pantalons de flanelle, ils préféraient de vrais costumes et des cravates qui étaient de véritables autobiographies nouées dans de hauts cols durs. Lock les fournissait en chapeaux melons jusqu’aux courses de Goodwood. Brigg ou Swaine and Adeney leur conféraient des parapluies en guise d’épées que nulle averse n’ouvrirait jamais et – comme je les enviais ! – Lobb, Peel and Maxwell, sur les comptes de leurs pères, les chaussaient de chaussures luisantes et polies au tibia de cerf. Fronçant les sourcils, ils prenaient grand soin de ne porter aucun paquet à Londres, de tirer sur des cigarettes turques ou égyptiennes au lieu de puantes cibiches – quand bien même ils n’avaient aucune envie de fumer – et d’éviter l’emploi de tout mot ou expression figurant sur la liste noire traditionnelle du régiment. Il leur arrivait de parler avec sincérité, mais seulement quand il s’agissait de faiseurs de culottes de cheval, d’armuriers, de selliers, de coiffeurs et de leurs produits cosmétiques, ou des avantages respectifs, dans la soirée, des œillets et des gardénias.
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