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Critique de 4bis


4bis
05 décembre 2021
Quel livre ! J'ai été saisie par la justesse des mots, j'aurais voulu recopier certaines formules pour me pénétrer de leur acuité et les laisser poursuivre leur chemin en moi. Des réflexions sur la maternité, le ressac du chagrin, des fulgurances à propos des situations auxquelles sont exposés les personnages. Une plume fine et incisive qui sait tout des intériorités qu'elle campe. Remarquable.
Comme c'est un roman à thèse, on aurait pu craindre que les personnages ne soient que des faire-valoir d'idées et qu'ils n'aient aucune épaisseur. Mais ce n'est pas le cas. Il faut dire que dès le départ, il y a assez d'émotion, de larmes et de sang pour que n'importe quel lecture se trouve saisi et attaché. La mort en couches d'Ada, la naissance endeuillée de Sophie, le destin d'Alexandre, tout jeune veuf et tout jeune père, de Nicolas, son beau-fils de cinq ans, devenu orphelin et de Sandra, aimable voisine qui viendra étayer la famille endeuillée : les ressorts dramaturgiques sont puissamment bandés.
On rentre donc dans la psyché de ces protagonistes et on épouse leurs ressentis, on accompagne leurs évolutions qui nous apparaissent aussi cohérentes que magnifiquement éclairées. Même si j'ai trouvé Alexandre très juste, c'est le personnage de Sandra, libraire, voisine et féministe que j'ai préféré suivre, évidemment. Je jubilais à chacune de ses répliques. Ensuite, lorsque le roman a pris un tour auquel j'ai moins adhéré, j'ai regretté qu'on la perde de vue et me suis réjouie de retrouver son point de vue allègre et sain vers la fin. Sur ce registre du regret, j'aurais également aimé faire davantage connaissance avec Sophie, la toute jeune enfant dont la vie aura coûté celle de sa mère, elle n'est que joie et beauté lorsque l'on parle d'elle, ce qui ne peut être qu'ironiquement réducteur comparé au foisonnement complexe des autres personnages. J'aurais aimé suivre Nicolas aussi au-delà de ses cinq ans attristés. On aura compris qu'Alba m'aura moins charmée. Elle n'est pas faite pour être aimable mais je ne suis pas parvenue à la voir et ses motivations m'ont, pour le coup, semblé trop dériver des nécessités d'une démonstration mise en fiction. Mais ces attachements et ces regrets montrent combien la sauce a bien pris avec moi.
Car si l'intrigue romanesque fonctionne, que la chair fictionnelle est assez rondelette pour qu'on ne se heurte pas contre la dure ossature d'un propos argumentatif, c'est pourtant essentiellement de cela qu'il s'agit. Une magnifique et profonde réflexion sur la manière de faire famille, une variation sur les subtiles manières d'être soi et de se fondre dans le désir de se perpétuer. le texte se veut à thèse et le propos peut choquer, dans la prise de position contre la gestation pour autrui notamment, et c'est à cet endroit que j'ai trouvé le livre le moins bon. Même si c'est moins plausible et donc moins convaincant, associer l'asexualité avec le désir d'être mère a le mérite de mener le débat aux confins de ses enjeux. Et de montrer les aveuglements d'une société qui, pour ne plus se concevoir comme animale mais seulement mue par ses désirs savamment orchestrés, est capable de fermer les yeux sur le respect du corps de chacun. La toute fin du livre est en ce sens splendide et tragique. du grand art !
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