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Critique de Bookycooky


Quel est le processus de transformation d'un homme ordinaire comme vous et moi en bourreau, tortionnaire,assassin.....de plusieurs personnes, voir des milliers ? Porte-t-on le germe en chacun de nous, qui n'attend que le milieu propice pour s'éclore ? ( “.....il n'est pas si difficile de devenir ce que nous redoutons le plus.").
Nona Fernández, la narratrice, aborde la question partant du personnage d'Andrés Antonio Valenzuela Morales l'homme qui torturait, l'agent de renseignements des Forces armées de la dictature chilienne d'Auguste Pinochet (1973-1990), qui un beau jour du 27 août 1984, débarque aux bureaux de la rédaction du magazine Cauce pour se confesser à une journaliste, « Je veux vous parler des disparitions forcées de personnes ».

« La quatrième dimension », c'est lui et tout ses semblables, tous les actes d'injustice et de barbaries rendus légitimes ou invisibles grâce à la censure, au mensonge et à l'attitude « trois singes » d'une population qui ne voit rien,n'entend rien, ne dit rien. "La quatrième dimension " est aussi et surtout toute celle qui concerne les victimes, cette zone d'ombre qu'on ne peut qu'imaginer mais qu'on ne le veut même pas. Une fois séquestrées, qu'ont-elles vu? Qu'ont-elles entendu? Qu'ont-elles pensé? Que leur a-t-on fait ? Que sont-elles devenues ?....,Bref "La quatrième dimension " est tout ce qui est invisible, ce monde secret, un univers qui existe au-delà des apparences, derrière les limites de ce que nous sommes habitués à voir. Cette réalité si différente, à laquelle, "on peut seulement accéder grâce à la clé de l'imagination", comme disait la voix off du film homonyme de Rod Serling (Twilight zone) à laquelle l'écrivaine fait référence.
En novembre 1984, presque deux mois après la publication du témoignage de l'homme qui torturait, l'instauration de l'état de siège est publiée au Journal officiel, sous lequel la diffusion de Cauce est interdite. le gouvernement recoure à la seule arme efficace dont il dispose : la suspension temporaire des droits civils et "L'homme qui torturait" suite à sa confession, a disparu depuis belle lurette.

Bien que la dictature et ses horreurs appartiennent à l'époque de sa mère, qui a tenté sainement d'oublier, Fernandez, elle, en a hérité comme d'une obsession maladive, d'où ce livre.
Ce n'est pas un livre d'histoire. C'est un livre de mémoires d'un passé douloureux, et d'analyse et de réflexion qui peut s'appliquer à toutes situations de même nature, sans aller trop loin dans le temps, pour la Syrie par exemple.
C'est un livre d'introspection universelle, intemporelle, sur nous même, l'âme humaine terriblement complexe dont la quatrième dimension, ce côté obscure, invisible que toute une vie nous nous acharnons à découvrir, à justifier,......en vain....("Combien de visages peut contenir un être humain ?).
C'est aussi un voyage dans le passé pour tenter de corriger le futur : toutes ces horreurs que nous lisons ou voyons dans les médias, dans les livres, comme par exemple tout récemment , 305 morts dans un attentat dans le Sinaï le 23 novembre 2017, il y a juste un mois....déjà partis en fumée, disparus dans l'espace, nous sommes déjà passés à autre chose.
Je pourrais encore écrire long tellement le sujet est vaste et profond. Mélangeant des anecdotes de sa vie personnelle avec une approche journalistique des faits, le tout enrichi de nombreuses réflexions et questions, de références culturelles, l'écrivaine chilienne réussit le tour de force d'un très beau texte littéraire, fluide et poignant, bien que le sujet soit très complexe et noir. Une approche similaire à celle de Selva Almada pour «  Les jeunes mortes ». Deux jeunes écrivaines sud-américaines à suivre sans aucun doute.
C'est un coup de coeur pour moi ! La dernière de l'année je pense, pour un livre très fort avec une fin magistrale, qui réussit littérairement à exprimer les émotions de toute une nation à l'égard d'un passé noir et honteux, dont elle n'en pourra jamais faire le deuil. Vous le lirez comme un thriller, mais malheureusement ce n'est pas de la fiction.
Je remercie infiniment Les Éditions Stock et NetGalley pour l'envoie de ce superbe livre !

Bonnes fêtes de fin d'année et Bonne année à tous !


« L'empathie et la compassion sont des signes de lucidité. La possibilité de se mettre à la place de l'autre, de changer de peau et de visage, est un exercice d'intelligence pure. »
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