AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Arakasi


Il pleut sur Rouen, une pluie monotone, assommante, têtue mais qui ne parvient pas pour autant à étouffer les haines religieuses qui déchirent la ville. En cette belle année de 1594, alors que le roi Henri IV (copain !) vient enfin de parvenir à asseoir son derrière fatigué sur le trône de France, un petit seigneur catholique a été découvert crucifié sur l'autel d'une église, la bouche débordante d'hosties. La population férocement bigote de la ville gronde : une telle ignominie ne peut être que l'oeuvre d'un protestant ! de peur que la ville ne sombre dans le chaos, voire peut-être que ce chaos se propage au reste du royaume si difficilement pacifié, le roi envoie l'un de ses chevau-légers enquêter, le sieur Gilles Bayonne. Soldat bourru et un brin caractériel, Gilles Bayonne est surtout un investigateur extrêmement compétent, un limier obstiné qui ne lâche jamais une piste quand il l'a trouvée. Epaulé par son ami musicien Pellegry et par un gamin des rues à la langue aussi vive que l'esprit, Pique-lune, il va patiemment retourner la boue et la fange de Rouen pour dénicher l'assassin. Mais sous la boue et la fange, ce cachent de très sordides et empoisonnées secrets, car si l'on en croit les soupçons du chancelier du roi, ce meurtrier sanguinaire, ce « chien du diable » pourrait bien être le propre frère de Bayonne, Renaud.

Bien qu'étant assez peu amatrice de récits policiers, je me suis laissée appâtée par les très élogieuses critiques récoltées par le premier roman de Fabienne Ferrère. Et je ne regrette pas du tout d'avoir tenté le coup ! le contexte historique – principal attrait du roman en ce qui me concerne – est très brillamment exploité, la romancière sachant rehausser son histoire de plein de petits détails passionnants et immersifs : les puces grouillants dans les matelas des chambres d'auberges, les repas chauds et graisseux, les odeurs gentiment frelatées du port de Rouen… le style d'écriture est très élégant, sans lourdeurs, avec de beaux dialogues ciselés et spirituels qui rappellent les romans historiques du XIXe siècle. Côté personnages, Gilles Bayonne est un compagnon agréable à suivre auquel on s'attache vite malgré – ou plutôt grâce à – son caractère bien trempé : une poigne de fer dans un gant d'acier, mais le coeur un peu trop tendre pour faire un bon tortionnaire. Les protagonistes secondaires sont bien campés et intéressants, même si la geek historique que je suis confesse avoir surtout couiné aux apparitions en guest-stars d'Henri IV, Villeroy et Sully.

Dommage que l'intrigue policière reste un peu trop classique et balisée pour hisser ce livre au niveau des coups-de-coeur. Et puis, sans me vanter mais un peu quand même, j'avais deviné le coupable une centaine de pages avant la fin, si, si ! (même si la romancière m'a un peu embrouillée à un moment, la sournoise, en lançant une fausse piste particulièrement inattendue…) Mais ne crachons pas dans la soupe : « Un chien du diable » reste un roman policier ET un roman historique fort réussi, exploit qui n'est pas donné à tout le monde d'accomplir.
Commenter  J’apprécie          171



Ont apprécié cette critique (14)voir plus




{* *}