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Critique de Plume_Rousse


« A la classe moyenne, la sédentarité ; aux Nouveaux Bienheureux, un pouvoir qui ne se mesure pas en nombre de pièces d'or : la mobilité absolue. » Au détour de cette phrase, Timothy Ferris résume toute l'idéologie contemporaine du nomadisme qui traverse son livre à succès La Semaine de 4 heures. Aux « Remetteurs à Demain » -comprendre la masse qui s'épargne aujourd'hui pour jouir demain- notre serviteur oppose et promeut les « Nouveaux Bienheureux », dont le leitmotiv est le choix –comprendre le choix de ne s'épargner aucun loisir qui s'offre à nous. La ligne de fracture est le rapport au salariat. Dans le paysage social contemporain, les salariés les plus ambitieux rêvent de devenir à leur tour patron. Dans le schéma de notre auteur, il s'agir de « n'être ni le patron, ni le salarié, mais le propriétaire. »

Pour être propriétaire sans devenir patron Mr Ferris déroule son programme de reconquête temporel. Sans surprise, la loi de Pareto est à l'honneur, d'abord pour définir nos principales sources de bonheur, ensuite pour connaitre notre efficacité, et enfin pour gérer nos priorités. Une fois les 80/20 définis, c'est la loi de Parkinson qui est promue : plus une tache a de temps alloué, et plus elle est longue et complexe à être achevée. Dès lors, toute tâche doit avoir un temps imparti ultra-court pour être simplifiée au maximum. Enfin, d'un pragmatisme implacable c'est la politique du moindre effort -Less Is More- qui a les hommages. Lire Timothy Ferris, c'est se faire rappeler à chaque phrase qu'il ne faut pas perdre le Nord, en l'occurrence : « être efficace, c'est faire des choses qui vous rapprochent de vos objectifs. Être performant, c'est accomplir une tache donnée (qu'elle soit importante ou non) de la manière la plus économique possible. » Soyez donc efficace avant d'être performant !

Toutes ces lois ne peuvent prendre effet que sur un terrain préparé. Et c'est là que la radicalité de Timothy Ferris fait tout son effet. Puisqu'on doit se concentrer sur son objectif, à défaut sur ce qui nous enthousiasme, il faut parvenir à recréer tout un univers attentionnel –discours désormais répandu mais plutôt précurseur il y a 10 ans. « Sans attention, le temps ne vaut rien : privilégiez donc l'attention sur le temps. » Première mesure : la diète d'information ! Aucune lecture de presse, tout juste la Une des kiosques à journaux. Pas de radio non plus, mais uniquement de la musique. de la lecture, mais de préférence de la fiction. Pas de surf sur Internet, sauf à des plages horaires strictement définies. Un véritable monde d'ascète pour notre moine du nomadisme!

Dans le même ordre d'idée, Timothy Ferris préconise le répondeur automatique à toutes les messageries, qu‘elles soient vocales ou écrites ! Prévenez la terre entière que vous êtes occupé pour que seuls les messages les plus importants vous parviennent. Concrètement, il s'agit de privilégier, par ordre de préférence : courriel, téléphone, rendez-vous. Comme le fait dans la pratique contemporaine Xavier Niel. Quand bien même on vous laisse un message vocal, répondez par courriel ! Et si vous écrivez un message, alors structurer-le en une succession de « si …alors » qui limite les échanges.

Une fois l'élimination parvenue à son strict nécessaire, la semaine de 4h n'est toujours pas là. Car la clé réside dans la délégation, ou plutôt l'externalisation des taches : assistante –indienne dans son cas- pour répondre aux courriels voire pour relever et scanner le courrier, prestataire pour gérer les clients ou la logistique etc… Timothy Ferris souligne à juste titre que les entreprises de consommations de masse ne sont bien souvent que des marques qui ne produisent pas elles-mêmes, ne gèrent pas les flux elles-mêmes, et ne sont pas elles-mêmes au contact du client. Il n'en résulte qu'une seule activité possible : le drop shipping, autrement dit l'importation et l'écoulement de chinoiseries sur les places de marchés de l'Internet. Pas de quoi ériger des pyramides, mais une source certaine de cash-flow pour financer ses voyages et repousser au plus loin ses soucis de pension de retraite.

Dans cette démarche ressort une antienne du développement personnel, à savoir « le tempérament ça se travaille ». Il s'agit d'apprendre à prendre des décisions, à faire systématiquement des propositions. Au-delà de la diète et des courriels, Timothy Ferris pose un constat on ne peut plus juste : « La réussite d'une personne dans la vie se mesure en général au nombre de conversations délicates ou désagréables qu'elle est prête à avoir. » Dès lors, s'il l'auteur eut été français, sans doute aurait-il mit parmi les nombreuses citations que les auteurs de développement personnel affectionnent, celle de Danton : il faut de l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace !

Car « le monde est trop vaste pour passer sa vie enfermé dans une boite ». Car l'interjection pourtant ô combien nécessaire à l'échelle de l'humanité « fonde une famille et élève tes enfants pour répéter le cycle » n'a rien d'enthousiasmant, Timothy Ferris nous promet « le beurre et l'argent du beurre » si on répond à la pollution informationnelle par une urgence attentionnelle et sans chichi communicationnel.
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