AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de holyvierrr


La littérature a ceci de particulier qu'elle nous permet de vivre plusieurs vies en peu de temps, d'éprouver des expériences qui nous rendent plus humains en déplaçant ou enlevant nos oeillères, celles-là mêmes qui ont été façonnées par notre capital culturel, le savoir emmagasiné, nos rencontres, les épreuves surmontées, etc.
C'est un passage radio de l'autrice qui m'a convaincu de me plonger dans le monde des maraudes à la rencontre des sans-domicile-fixe, ceux que l'on croise et que l'on fait mine le plus souvent de ne pas voir, par gêne ou par égoïsme. (https://auvio.rtbf.be/media/les-sequences-du-mug-le-mug-d-ouverture-3185328)
J'ai lu "Dans la ville" d'Elodie Fabiane juste après "Que notre joie demeure" de Kévin Lambert. Autant dire que ce fut un grand écart (et pas seulement sur le plan de la forme, ce livre-ci étant, lui, dépouillé, sans fioritures, en adéquation avec le sujet abordé). Avec Kévin Lambert, on suivait la déchéance d'une "starchitecte", puis sa rédemption (quoique ambivalente). Céline Wachowksi était rendue responsable de la gentrification de Montréalsuite à un ultime projet futuriste et pharaonique. L'accroissement des inégalités et les effets funestes pour les plus vulnérables qui n'arrivent plus à assumer les coûts inhérents à leur logement donneront lieu à des mouvements de protestation qui, avec la désertion de son conseil d'administration, précipiteront sa chute.
Avec Élodie Fabiane, on part à la rencontre des sans-domicile-fixe et des sans-abri. Ceux-ci ne sont pas des personnages fictifs puisque l'autrice rend compte des maraudes auxquelles elle a régulièrement pris part dans le 13e arrondissement pendant plusieurs mois.
Ces laissés-pour-compte sont surtout des hommes, ce qui interroge Elodie Fabiane puisque les femmes seraient 40% à dormir dehors. C'est parce que “Souvent, les femmes à la rue s'invisibilisent. (...) La nuit, elles cherchent des cachettes pour échapper aux agressions, souvent dans des parkings ou sous des escaliers. Et le jour, elles vont aux bains-douches, elles se pomponnent. Occulter sa condition sociale est un processus physique : c'est cacher son corps à la ville, le laver, le maquiller, le parfumer, le déguiser.” (pp.36-37)
La narratrice a quelques bons mots pour dire que ces situations extrêmement précaires et potentiellement mortelles ne sont pas naturelles mais sont le produit de nos sociétés. On peut toujours rétorquer qu'il y a “toujours” eu des sans-abri mais “Au Moyen ge (du Ve au XVe siècle), les vagabonds mendiants [étaient] intégrés dans la société pour des raisons théologiques et plus précisément grâce à la religion. Les pauvres dispos[aient] d'un véritable statut social : tandis qu'ils ach[etaient] leur salut par leur grande pauvreté, les riches l'obt[enaient] grâce à eux par la charité”. (https://lessdfblog.wordpress.com/les-sdf-du-moyen-age-a-aujourdhui/) Les choses ont bien changé dans un monde qui en est venu à consacrer le capitalisme et la propriété privée. “Si t'as pas 1.000 balles de caution et 500 de loyer chaque mois, tu dors dehors. (...) La maladie soignée par Médecins du Monde est celle de la propriété. Ils dorment dehors et chopent des ulcères, des gangrènes, des parasites, des maladies exotiques comme l'éléphantiasis, et des maladies locales comme le cancer.” (p.26) “Son urgence n'est devenue médicale que par ignorance de l'urgence sociale.” (p.65)
Si vous avez lu “Que notre joie demeure”, vous y ne pourrez pas ne pas y penser en lisant le passage sur le parking du futur (p.38) ou celui sur les tours DUO, propriété d'Ivanhoé Cambridge qui - comme son nom ne l'indique pas - est liée à un fonds de pension québécois (coucou Kévin encore). (“Thomas était là avant les travaux. (...) Les grues sont venues avec des camions malaxeurs de béton, il a été encerclé sans être chassé et c'est pire. lls ont fait comme si j'étais pas là.” p.143)
Un conseil, ou une “reco” comme ils disent entre eux : lancez la b.o. des Gardiens de la Galaxie 3 avant de tourner la première page…
Commenter  J’apprécie          10



Ont apprécié cette critique (1)voir plus




{* *}