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Critique de fanfanouche24


Comme une autobiographie par les livres ....

"Peut-être craigniez-vous qu'un livre sur les livres n'apparaisse que comme une coquetterie ? Vous avez donc imaginé un double inversé : il est homme, je suis femme ; il est âgé, elle est jeune; lui parisien, elle banlieusarde; il a baigné dans la culture, elle y a accédé... (...) Aviez-vous donc si peur, une fois de plus, de vous retrouver face à vous même pour éprouver le besoin de me prendre en otage de monologues à peine travestis en dialogues ? Doutez-vous tant de vous qu'il vous faille,
chaque fois , multiplier les leurres ?
C'est pourtant un beau livre que celui que vous auriez pu écrire. Un homme se déprend de lui-même. Il cherche sa vérité, et l'attaque comme un sommet, par sa face la plus périlleuse. Sa vie se confondait avec les livres ?
Alors quelle est-elle , sans eux ? Que va-t-il découvrir derrière sa bibliothèque, quand il l'aura vidée ? Lui ? Ou rien ? Il ôte, un à un, les vêtements qui furent les siens jusqu'à faire corps avec lui. mais y-a-t-il un corps sous ces oripeaux ?
Il s'était constitué par les livres, c'est par les livres qu'il se destitue. "(p. 349)


Ce roman (ou autofiction) de Michel Field avait tout pour me plaire; je l'ai acquis en juin 2014; je l'ai débuté aussitôt, abandonné, repris, ré-abandonné: pour la einième fois, je le reprends, décidée à en venir à bout . Tous les "ingrédients" étaient présents pour m'emporter dans cet amour des livres, cette passion même ...et une très vaste culture dans les domaines les plus variés, l'esprit possessif de l'auteur pour sa vaste bibliothèque, reflet des rencontres, d'apprentissages marquants qui ont nourri , construit son être, sa personnalité, affiné ses goûts...

"Depuis des années, sa bibliothèque s'était peu à peu imposée comme l'interlocutrice privilégiée de son existence. Elle était à la fois sa compagne, sa confidente, sa meilleure amie. Sa mémoire, puisque chaque période de sa vie était déposée là, sur quelque étagère. Son présent, la chose allait de soi. Et son avenir: chaque livre en appelait un autre, toute lecture exigeait une suivante et, plus il lisait, plus l'infini de ce qu'il n'avait pas lu, qui eût pu l'accabler, l'invitait au contraire à intensifier sa quête. Elle avait fini par avantageusement remplacer son rapport aux autres." (p.15)

Parvenu à un certain stade de son existence, il eut besoin de faire le point, de se "déprendre" de cette accumulation d'ouvrages.

Pour ce, il commence à se rendre chez un soldeur, pour vendre ses livres... Dans la queue des clients-vendeurs, une jeune femme l'accostera, et lui proposera un drôle de jeu: elle lui donnera un mot ou une idée... et il devra lui proposer un choix d'un ou de livres sur le sujet , et s'en séparer...! s'ensuivent des échanges énigmatiques, séduction, mises à distance...

Alors pourquoi ai-je abandonné cet ouvrage autant de fois ? Je ne parviens pas à saisir la vraie raison de ce manque d'accroche ...Peut-être la trop forte sensation du côté factice de ce dialogue et jeu entre cette jeune femme et notre "vieux" narrateur ! et quelques longueurs dans les digressions ( lorsque, je l'avoue, les thèmes m'intéressaient de façon moindre !)

Sinon, il est vraiment plaisant de voir la multitude d'ouvrages, d'auteurs lus, aimés par Michel Field sur les sujets les plus larges... une impression de familiarité et de rappels de souvenirs de mon propre parcours de libraire, de lecteur boulimique avec des maisons d'édition appréciées [ dont NEO , Nouvelles éditions Oswald...que l'on trouvait déjà chez les soldeurs, alors qu'il y avait des auteurs étrangers importants... Je me rappelle, entre autres "Des Bûcherons" de Thomas Hardy ]
Certaines de ses préférences croisent les miennes comme Panaït Istrati, Jack London...

"Il voulait maintenant comprendre ce que signifiait une bibliothèque. Ce que voulait dire cette succession d'actes, acheter, lire, garder, classer, accumuler, se laisser envahir par les livres. Il voulait maintenant savoir ce qu'on pouvait apprendre de quelqu'un en lisant sa bibliothèque : sa vie ? Son fantasme de vie ? Les regrets d'une vie ? "(p. 249)

Michel Field parle de boulimie, de lecture de plusieurs ouvrages, en simultané, mais aussi des multiples questionnements, hésitations pour classer au mieux "nos bibliothèques" ... Lecture plaisante et enrichissante , qui rend hommage à quasiment tous les genres et toutes les disciplines ! Hommages aux Livres et aux Lecteurs boulimiques !!

"C'est peut-être ça, une bibliothèque. mais tout aussi l'inverse. Une manière de poursuivre le dialogue avec les morts, de les faire revivre, de mettre ses pas dans les leurs. de sauvegarder le lien. Ces livres délaissés, comme mis à l'index dans cette petite pièce désolée, n'attendaient qu'une chose. Qu'on les ouvre à nouveau. Qu'on les parcoure . La lecture, chaque fois, comme une résurrection. Comme un défi aux morsures du temps qui passe."
(p. 276)

Joyeuse d'avoir enfin lu cet ouvrage, qui est comme une conversation complice et stimulante sur toutes nos folies et excès face à nos attachements démesurés aux livres... C'est aussi une invitation à l'éclectisme et à la tolérance !...

D 'abondantes remarques judicieuses sur ce que peut représenter une bibliothèque, à quel(s) cheminement (s) individuel (s) renvoie(nt)-telle ?

Comme un livre de chevet, que l'on peut reprendre au hasard, relire tel ou tel passage...retrouver des mini-bibliographies, des références oubliées ou méconnues!
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