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Critique de EvlyneLeraut


Une page d'Histoire implacable et nécessaire.
Isabela Figueiredo c'est elle, l'enfant de ce récit biographique. Contant l'idiosyncrasie du Mozambique sous l'ère du colonialisme portugais. Claquant, ne craignant ni le feu des rappels, les jugements de notre contemporanéité vierge de domination. Ce récit est un kaléidoscope, celui d'une mise en abîme dès 1963 des diktats coloniaux virulents mais normalisés dans le contexte de l'époque. Ce carnet est une valeur sûre : la voix d'une enfant grandissante au fil des pages. On l'aime d'emblée cette petite fille vive, observatrice, futée et douce. Intuitive, elle comprend ce qui se passe. L'étendue vaste comme une tarentule d'une prise de pouvoir sur un peuple. Seulement voilà, Isabela est du bon côté de la barrière, elle est portugaise. « Carnet de mémoires coloniales » expose le drame méconnu de certains enfants de colons européens. Ceux qui à l'instar de la petite Isabela n'eurent pas la possibilité de nouer des liens solides avec sa terre originelle : le Portugal. le fil rouge est géopolitique, sociologique, émouvant. L'enfant collecte les manichéennes réflexions. Mature, posée, le front haut, elle perçoit les soumissions, l'emprise violente qui est un tsunami. Son regard perçant devine la pauvreté, l'esclavage moderne. Elle est blonde, l'autre noir, ce n'est pas ici que les doutes pleuvent. Plus loin encore lorsqu'elle comprend que son père est la caricature du colon vil, abusif, ingrat et injuste. Néanmoins les dires de l'enfant sont intuitifs. Elle sait qu'un jour la rébellion volera comme les ailes d'une colombe. La violence sera vengeance. Il n'y aura aucune compromission.
«Que ce paradis aux interminables couchers de soleil couleur saumon, aux odeurs de curry, à la terre rouge était un énorme camp de concentration pour les noirs sans identité, dépossédés de leur corps et donc sans existence.»
Isabela est active, agissante, coquillage en main elle rassemble l'équité.
«Vendre des mangues devant le portail, en cachette de ma mère, était un acte de désobéissance dont je ne comprenais pas la raison et que je ne pouvais m'empêcher d'accomplir.C'était être ce que j'étais née.»
isabela s'éveille, s'émancipe. Adolescente elle pressent ses métamorphoses dans le même tempo que les révoltes qui grondent.
« Ou l'on était colon ou l'on était colonisé, on ne pouvait pas être entre les deux sans payer le prix fort, la folie pour horizon.»
En 19675 elle part au Portugal. Elle est elle-même en partance vers ce qu'elle ignore. Missionnaire, des bijoux de famille cachés dans ses plis, une bague trop grande pour son doigt trop fin de candeur, elle doit conter aux siens, ceux qui ne savent rien des horreurs, les têtes coupées des portugais, jetées en pâture sur un terrain de foot. Dire l'autre versant aussi ?
« Chaque camp possède une vérité irréfutable. »
Mémoriel, grave, doté d'une traduction perfectionniste du portugais par Myriam Benarroch & Nathalie Meyroune. Une préface érudite et éclairante de Lléonora Miano. « Carnet de mémoires coloniales » est une buiographie pour comprendre ce qui fut et qui est vrai. Un outil certifié pour les étudiants, un devoir de mémoire crucial. Publié par les majeures Éditions Chandeigne dans une collection : Bibliothèque Lusitane.


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