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Critique de chartel


Dans l'une de ses chroniques hebdomadaires du Monde des Livres consacrée au dernier livre de Patrick Modiano, "Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier", publié chez Gallimard, et avant qu'on ne décerne à ce dernier le prix Nobel de littérature, Éric Chevillard évoquait les écrivains dont l'unité de mesure est la phrase, ceux dont les oeuvres sont des trésors de citations, qu'elles soient poétiques, dramatiques ou humoristiques. Et ceux qui, au contraire, comme Modiano, construisent leurs récits comme des puzzles, des assemblages de phrases, de paragraphes et de chapitres. Cette chronique fit immédiatement écho au dernier roman d'Elisabeth Filhol, "Bois II". Car dans ce récit tragique d'un abandon, du passage impitoyable d'un monde industriel bien identifiable et rassurant à un autre totalement déstructuré et donc incontrôlable, tout est savamment assemblé. La phrase n'est pas une entité autonome, mais s'insère dans un ensemble. Elle est directement liée à ce qui précède ou à ce qui va suivre. Cela peut parfois dérouter, lorsque le sens n'apparaît qu'au bout de la troisième ou quatrième phrase, mais cette structure est la plupart du temps source de plaisirs car elle demande au lecteur une constante posture d'éveil et d'action. Enfin, le choix d'Elisabeth Filhol de raconter cette histoire de séquestration d'un patron par ses employés du point de vue d'une déléguée syndicale permet de montrer que la question des mutations de notre société du travail n'admet pas de réponses simples et évidentes. L'auteure réussit à rendre sensible la perte d'illusions des employés face à cette indéfinissable entité mondialisée qui dicte sa loi d'on ne sait où ? Une entité tellement insaisissable qu'elle broie aussi les propres membres de son système. Un récit glaçant, mais pourtant contrebalancé par la profonde incarnation des personnages, comme si Elisabeth Filhol avait voulu rendre justice aux victimes du système, en montrant que derrière les chiffres et les bilans comptables des gestionnaires du grand capital, il y a des femmes et des hommes, des familles et des communautés, des histoires et des traditions. Et cette séquestration, si elle ne résout presque rien, a au moins le mérite d'affirmer l'existence de ceux qu'on cherche trop souvent à oublier.
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