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Critique de de


Eléments de la construction historique d'une tradition
« Il est donc temps que l'archéologie moderne et les sciences bibliques critiques se parlent à nouveau, les sciences bibliques cessant de considérer l'archéologie comme une « science auxiliaire » et les archéologues renonçant à imaginer l'archéologie comme étant la « cour suprême », qui pourrait définitivement trancher des questions et datations débattues par les exégètes »

Il s'agit certes d'un livre érudit. Mais les lecteurs et les lectrices ne devraient pas hésiter à arpenter ces exposés, ces tentatives d'historiciser les textes, d'imaginer ce VIIIème ou VIIème siècle avant l'ère chrétienne et « la première mise par écrit de certaines traditions fondatrices, à cette époque », d'examiner ce qu'il est possible de savoir ou au moins de tenir en hypothèses raisonnables.

Il me semble important de comprendre comment se forment les traditions (et possiblement dans l'intérêt de qui ?), d'où viennent les mythes fondateurs. Il ne peut y avoir de lecture de textes anciens, sans confrontation aux traces archéologiques, sans analyse de l'évolution des faits linguistiques dans le temps (diachronie) ou des strates qui fournissent des détails sur la construction ou l'assemblage des textes. Nous ne sommes pas ici dans le monde enchanté de la croyance, mais bien dans la production humaine de sa mythologie.

Dois-je préciser que je n'ai que peu de connaissance en archéologie et aucune en « sciences bibliques ». Ma lecture profane n'est qu'un des parcours possibles, un choix subjectif d'éléments.

Israël Finkelsteinparle, entre autres, de « la reconstruction conservatrice de l'histoire de l'Israël ancien », de méthodologie, « où et comment établir la limite entre trouvailles archéologiques sur le terrain et interprétation de ces trouvailles », de sélection de données de manière à arriver aux conclusions désirées, de point d'ancrage – la fin de la période monarchique – « une époque pour laquelle les témoignages (historiques, économiques, sociaux, ou ayant trait à la culture matérielle) sont clairement définis et, à partir de là, reconstruire pas à pas les périodes plus anciennes, en remontant dans le temps », de longue durée, des événements et processus avérés, du temps écoulé « entre les événements rapportés et le moment de leur mise par écrit », des questions de datation et des intervalles d'incertitude, des différences existantes entre « les traditions du Nord et les traditions du Sud », de l'absence de preuve d'une « compilation de textes complexes avant le début du VIIIe siècle », de ce que signifie l'« ancien », de préservation de mémoires, de récits qui « ne possèdent pas nécessairement un fond historique », de traditions accumulées et stratifiées, « Ces strates représentent non seulement des contextes historiques différents mais également des idéologies différentes » Je souligne ce dernier point, car trop de lectures, de textes religieux ou non, font l'impasse sur leur contextualisation, comme si l'hier était le présent. Les idéologues -religieux ou non – assènent comme non discutable le « de tout temps ». C'est faire fi de l'histoire au profit d'une fantasmatique « nature humaine », qui recouvre toutes les dérives réactionnaires et le refus des choix démocratiques de nos futurs.

L'auteur poursuit avec le télescopage d'éléments des siècles passés dans l'écriture d'un scribe au moment de l'écriture, la transition entre tradition orale et tradition écrite, la migration des « traditions du Nord vers Juda » et leur incorporation dans « le canon élaboré dans le royaume du Sud », l'idéologie politique et la théologie des « auteurs de la fin de la monarchie et de la période postexilique ». Il termine sur des suppositions, la mise par écrit des plus ancienne traditions sous Jéroboam II, l'influence culturelle assyrienne, les deux messages de l'idéologie pan-israélite, l'exportation des thèses, les réalités de l'époque hasmonéenne, …

Thomas Römer discute de la datation du Pentateuque, de l'affirmation de l'« autorité mosaïque de la Loi », des différences stylistiques et théologiques ou des contradictions à l'intérieur des livres, de vision globale et de formation de la Torah, de l'incorporation de Yhwh, de la différence entre question de datation et question de foi, des variations dialectales, de long processus « de rédaction et de révision », de datation « allégorique », de la formation littéraire de la tradition sur Abraham, de la place de la période perse…

Israël Finkelstein et Thomas Römer font quelques observations sur les contextes historiques de l'histoire d'Abraham, « il est bien sûr encore plus anachronique de continuer à chercher un « Abraham historique » », la différence majeure entre les traditions sudiste et nordiste dans la Bible, la révision sudiste de parties importantes de la Bible hébraïque, la « correspondance » entre les récits d'Abraham et de Jacob, la figure autochtone d'Abraham, la filiale assez tôt d'Isaac comme fils d'Abraham, la fusion des traditions, « il est plus raisonnable d'imaginer que les premiers textes furent écrits au VIIe siècle (vers la fin de ce siècle?) lorsque l'alphabétisation se propagea en Juda », l'entreprise délibérée pour imposer une nouvelle histoire des patriarches, les additions et révisions de l'époque hellénistique…

Ils poursuivent sur les contextes de l'histoire de Jacob dans la Genèse, la compatibilité avec des concepts religieux mésopotamiens, la première propagation de l'activité scribale en Israël, la « révolution de Jéhu », l'union des récits sur Jacob et sur Abraham, « une tentative délibérée d'imposer une histoire nouvelle », la notion de « promesse », les douze tribus comme construction tardive, les sanctuaires du dieu El…

Israël Finkelstein interroge la tradition de l'exode et l'expérience du désert, les itinéraires, les sites, ce que pouvaient savoir les auteurs bibliques du désert du Sud, l'importance de Juda dans le commerce arabe dans le sud, l'origine de la tradition de l'Exode et de l'Errance au désert dans le royaume du Nord. Pour rappel, « toutes les tentatives pour identifier un « épisode en Egypte » au XIIIe siècle qui convienne au récit de l'Exode sont vouées à l'échec » d'ou la nécessité de s'engager sur « le terrain de la spéculation historique », les résonances avec les préoccupations de l'époque. « La tradition de l'Exode et de l'Errance au désert est par conséquent le résultat final de nombreux siècles d'accumulation et de développements, oraux et écrits, et d'une histoire rédactionnelle complexe éclairée par les diverses transformations des réalités géopolitiques et historiques ». Nous sommes ici bien loin des lectures naïves (mais idéologiquement signifiantes) du conte de la sortie d'Egypte

Le dernier texte, de Thomas Römer, concerne « La révélation du nom divin à Moïse et la construction d'une mémoire sur les origines de la rencontre entre Yhwh et Israël ». L'auteur souligne l'absence de Moïse dans le Décalogue et cette version de l'Exode, les transformations de l'Exode dans les récits sacerdotaux ou non, l'assemblage de documents, la dépendance littéraire de l'histoire de la naissance de Moïse avec la tradition de la naissance de Sargon (légendaire fondateur de l'empire assyrien), le Dieu connu en tant que « elohim », la nomination plus tardive de « Yhwh », la mémoire historique « selon laquelle Yhwh n'a pas toujours été le dieu « d'Israël » », l'origine non autochtone de Yhwh…

Des constructions de textes et de mémoires, les inventions de « cohérence », une longue histoire des transformations au gré des changements de contexte, une production humaine de « sa » mythologie…
Lien : https://entreleslignesentrel..
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