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Critique de MPM


Ce roman d'inspiration autobiographique raconte d'abord une enfance pour le moins traumatisante marquée par des figures paternelle et maternelle négatives et nuisibles mais il dresse aussi un portrait riche et fouillé d'une mère atteinte par une maladie mentale qui n'est jamais nommée mais que l'on identifie assez tôt dans le récit.

Tout commence par la petite enfance.
Le père, chercheur au CEA est un homme irascible et violent, craint par la petite fille-narratrice, il meurt rapidement d'un cancer de l'oesophage. La mère, professeur de français, est excessive, peu présente et peu sécurisante pour ses deux petites filles dont elle se débarrasse souvent en les confiant, pour des périodes plus ou moins longues, à divers membres de sa famille. Cette mère déstabilisante est aussi une femme engagée politiquement à gauche, vraie soixante-huitarde, ultra féministe, qui accueille chez elle des femmes en détresse alors qu'elle délaisse ses propres filles. Les hommes aussi défilent mais la mère ne s'attache à aucun.

Le portrait de cette femme, mère aux mille facettes, est vraiment très réussi. La souffrance de la petite fille puis adolescente livrée à une telle mère, aussi « folle » qu'indigne, ne peut laisser le lecteur indifférent. de nombreux souvenirs racontés avec retenue permettent de comprendre ce que la narratrice a enduré et la façon dont elle a tenté de surmonter les terribles failles maternelles. Dans ce livre émouvant et sincère, la narratrice s'adresse justement à cette mère hors normes dont on suit l'évolution comportementale jusqu'à sa mort.

A la fin du livre, la narratrice s'efface totalement au profit du personnage certes écrasant de la mère vieillissante et de plus en plus « folle ».

Cette mère reste un mystère car la maladie n'explique pas tout : pourquoi une femme si féministe s'est-elle mariée à un macho qui frappait ses filles ? Comment a-t-elle pu enseigner longtemps alors qu'elle était atteinte d'une maladie psychiatrique ? Beaucoup d'autres questions restent aussi en suspens : comment la fille si mauvaise élève réussit le concours d'instit ? Pourquoi la fille parle de sa complicité avec la mère à la fin du livre alors que tout le récit montre leur incommunicabilité et l'indifférence souvent coupable de la mère à son égard ? Pourquoi n'est-il jamais question de la soeur ? En effet, on ne sait pas le rôle que cette jeune soeur a tenu dans ce trio féminin dominée par une mère « folle » (comme dans le livre de Delphine de Vigan « rien ne s'oppose à la nuit » dont l'inspiration est très proche). Dans un livre autobiographique, j'imagine qu'un auteur ne peut tout dire ni tout expliquer au lecteur sans compter que dans toute vie il existe des zones d'ombre, plus encore quand il est question de maladie psychique.

Ce roman explore donc une relation mère-fille intense et difficile mais aussi les ravages de la maladie mentale sur un individu et ses proches. Sur ces sujets, de nombreux passages poignants marquent le lecteur.

Ce roman aborde aussi la question du père, du vrai père mais je ne peux en dire plus sans déflorer l'intrigue.

Au travers des familles paternelle et maternelle, le lecteur accède à toute une galerie de portraits intéressants (les deux grand-mères, les tantes et oncles) et d'autres thèmes sont esquissés comme le poids de la religion, la vie de couple…

Enfin, ce roman a aussi un coté nostalgique pour tous ceux et celles qui ont grandi à la fin des années 60 et au début des années 70 car de nombreuses références sont faites à cette période (les émissions de variétés des Carpentier, le film Cria Cuervos, la BD Lili...)

Pour conclure, je conseille la lecture de ce livre autobiographique sombre mais non dépourvu d'humour. C'est un récit riche, sincère et poignant écrit dans un beau style sobre.
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