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Dans un récit qui s'adresse à sa mère morte, l'auteur raconte au temps présent leur impossible et chaotique relation, au fur et à mesure que cette femme excessive et bipolaire s'enfonce de plus en plus nettement dans la folie.


L'anormalité de cette relation mère-fille est posée dès le désarçonnant incipit. « Une dame me propose un yaourt. Elle a l'air gentille. Je plonge la petite cuillère dans le pot. La dame m'arrête : on dit merci maman. » L'auteur a trois ans, ne connaît du mari de sa mère que ses torgnoles, puis sa disparition prématurée. Lui reste les extravagances et les contradictions d'une mère qui la néglige, absorbée qu'elle est par son mode de vie féministe et libertaire, marqué par l'instabilité et par l'exaltation de l'utopie. Tantôt trimballée comme un paquet au fil d'incessants va-et-vient entre Paris et Strasbourg, tantôt remisée chez des parents, l'enfant grandit en marge d'un tourbillon où elle ne trouve pas sa place, au rythme d'une relation maternelle inadaptée, cyclothymique et terriblement dénuée d'écoute, qui fait des ravages sur sa jeune personnalité.


Démarrée à hauteur d'enfant, la narration épouse l'évolution du regard de l'adolescente, puis de la femme qui, à l'âge adulte, aura encore à prendre toute la mesure des mensonges qui auront jusqu'alors présidé à son existence. Dans ses efforts désespérés pour comprendre cette mère de plus en plus insaisissable, dont, par-dessus tout, elle continue à rechercher l'amour, elle ne pourra que se heurter à son impuissance à rejoindre cette femme dont les troubles psychiques et dépressifs ne cessent de croître, l'entraînant inexorablement sur la terrible pente de la folie. Ne resteront bientôt plus à la narratrice que les mots de ce récit, adressé à une ombre définitivement hors d'atteinte, pour exprimer enfin toute sa souffrance, ses interrogations, et son amour manqué.


Le résultat est un livre d'une grande beauté, qui, sans rancune ni pathos, explore dans un élan de compassion douloureuse le gouffre qui n'a finalement avalé que l'une de ces deux femmes maladroitement accrochées l'une à l'autre. Sauvée par les livres et l'écriture, c'est par ce biais que l'auteur trouve ici le moyen d'enfin jeter un pont entre elles deux, dans une bouleversante déclaration d'amour.

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Le portrait d'une mère bipolaire par une de ses filles. le texte s'adresse à la mère comme un recueil de souvenirs. le livre aurait dû être plus épais avec le propre récit de la mère sur sa vie mais une histoire de droit a empêché cette double vision. L'enfance ballotée de Paris à Strasbourg, selon l'humeur et les mutations de la mère, professeure de collège, le père est mort soudainement mais notre petite narratrice n'a pas eu de chagrin, elle recevait des torgnoles en guise d'amour. Il sera remplacé par de nombreux hommes. Les filles sont souvent confiées aux grands-parents pendant les vacances, chacun les siens, la narratrice chez les grands-parents maternels, la petite soeur chez les paternels.

Elles grandissent en apprenant à connaître les zones dangereuses de leur mère, son côté excessif, ses colères incontrôlables. Une passion commune existe entre la mère et la narratrice : les livres. Un refuge pour la petite fille.

L'adolescence est également compliquée car entre la mère libertaire et l'époque, tout pousse à l'amour libre que raconte la narratrice avec un brin d'humour.

La relation d'adulte est plus compliquée. La maladie de la mère évolue et cette dernière ne prend pas toujours ses traitements, se retrouve hospitalisée, déménage encore plus souvent et sa fille aimerait la fuir mais essaie de la sauver, tout en construisant sa propre vie.

Les histoires d'amour se finissent toujours mal, même celles entre une fille et sa mère. Cette dernière a réussi sa mort, une première fois, puis la finale, laissant derrière elle les secrets de naissance de sa fille, les secrets de famille, ce qui déclenche une profonde dépression chez notre narratrice.

Qu'il est sobre et pudique ce récit ! Rempli d'amour aussi. Il est difficile de vivre avec une personne souffrant de bipolarité ayant sa propre réalité, surtout pour un enfant qui lui, cherche la vérité et ne comprend pas toujours les réactions de la personne susceptible de veiller sur lui. Je pense que la relation d'adulte est bien plus difficile car les places s'inversent dans la famille et c'est la fille qui est responsable de sa mère (pas la peine de compter sur la famille dans ces cas-là, d'ailleurs la soeur n'occupe aucune place). Les médecins qui se font manipuler, les menaces de suicide, les tentatives de suicide, les internements, la fuite, la paranoïa et la folie qui envahissent tout jusqu'à la mort.

Vous n'aurez que la version de la fille et elle est bien suffisante. L'amour et l'impuissance, le drame d'un enfant.


Lien : http://pyrouette.canalblog.c..
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Pour me comprendre
Il faudrait savoir le décor
De mon enfance
Pour me comprendre
Il faudrait la connaître mieux
Que je ne pourrais
Il faudrait l'aimer plus que moi


"Je veux tout à la fois, te sauver et te fuir.
Je t'en veux d'être celle que tu es et m'en veux d'être celle que je suis."


Ce roman autobiographique, je l'ai ressenti comme un grand cri d'amour,
celui d'une fille à sa mère. Il m'a touchée. Donc je pourrais difficilement en 'bien parler', je n'aurais pas la distance nécessaire, celle qu'a trouvée Isabelle Flaten pour nous raconter le rendez-vous raté avec sa mère, avec cette femme cultivée, charmeuse et charmante, extravagante, libérée, extravertie, tendant la main à d'autres, liant son corps à des amants.


Le procédé narratif, choisi à dessein est particulier,
il fait de ce roman un dialogue continuel, comme un match de tennis, avec une mère qui n'est pas là, qui n'a jamais vraiment été là et qui maintenant n'est plus:
Je - Tu - Elle,
3 pronoms révélateurs, à l'endroit, à l'envers:
Elle - Tu - Je ,
- tout comme le mot mis sur l'indicible, sur ce qui ne peut se raconter que pudiquement, que de loin, en l'objectivant: la folie.


Un grand cri d'amour, un long chemin vers la reconstruction, qui passe par l'acceptation et le pardon, de l'autre et de soi.


"Souvent je rêve de te ressusciter, que nous puissions vivre ensemble
tout ce que nous n'avons pas vécu. Alors nous partagerions une cigarette.
Tu me raconterais ce que c'est d'être toi et tu sourirais à celle que je suis devenue."


C'est cette dernière citation que je retiendrai comme un poids dont elle s'est libérée, comme un horizon qu'elle s'est ouvert, comme un pardon qu'elle a donné et qu'elle a reçu.


"L'essentiel c'est la suite, les beaux jours devant.
Je bute, boite ou hoquette mais j'y vais, les yeux braqués sur ma ligne d'horizon, celle d'une existence encore à faire"


Un livre du hasard
[All Stars 2021; Promos numériques,
encore valables ce WE du 3 & 4 juillet ]


Un superbe graphisme sur la couverture
qui m'a rappelé celui de l'Etreinte (BD),
comme un clin d'oeil, cette gestuelle.


# Blessures de l'enfance # Témoignage romancé
# Secrets de famille # Non-dits # Absence du Père
# Folie # Psychiatrie # Reconstruction
# Années 60 aux années 80 # Emancipation # Simone de Beauvoir


PS: La Maison de Sologne, nouvelle écrite par la mère de l'auteure
et non éditée, aurait pu être le pendant de ce point de vue, focus Fille
en donnant voix à la Mère, mais non-libre de droits, elle, n'a pas été rajoutée.


Découverte de l'artiste qui a réalisé la couverture,
Peinture 'Emmêlée' par Juliette Lemontey

https://www.youtube.com/watch?v=5UJWnVhOEzA

https://www.facebook.com/Juliette-Lemontey-268584773489072

https://www.lindependant.fr/2020/11/17/exposition-a-perpignan-traces-de-vies-9205343.php


* j'aime ces fenêtres qui s'ouvrent d'un art à l'autre, sur d'autres horizons *


Merci @ EvlyneLeraut dont je viens de lire la chronique et qui cite l'artiste.




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Je ne lis pas (ou alors en travers) les 4ème de couv des livres que je choisis. « La folie de ma mère » était simplement pour moi le dernier roman d'Isabelle Flaten, une autrice que je suis depuis la lecture de son bel « Adelphe », je n'avais pas besoin d'en connaitre le sujet. Mais bien sûr avec ce titre j'avais déjà imaginé différents scénarios possibles. Je me suis bien évidemment trompée…. Car s'il y est bien question de folie, ce roman est avant tout le récit d'un impossible dialogue entre une fille et sa mère.

Ecrit à la première personne et grandement autobiographique, Isabelle Flaten délivre sans doute ici son roman le plus intime dans lequel par un jeu de miroir elle se raconte et raconte cette mère atypique.
Une mère absente jusqu'au 3 ans de la narratrice.
Une mère libertaire, pur produit de mai 68, à l'adolescence de sa fille.
Une mère schizophrène quand viendra l'âge adulte de l'autrice.
On traverse les années de cette relation bancale, de cet amour inconfortable marqué par l'absence d'un homme pour l'une et d'un père pour l'autre.
Si l'une n'aura de cesse de chercher des hommes pour être aimé, l'autre cherchera à savoir qui était son père et se confrontera au mutisme, aux mensonges puis aux délires de sa mère enfermée dans sa prison mentale.

Dans un style très différent de ce que j'ai déjà lu d'elle, mais toujours aussi vif, Isabelle Flaten nous offre un très pudique et très beau récit, une histoire de femmes avant tout, une histoire de secret - avec ce qu'il engendre de nocif sur la construction d'un enfant - , une histoire d'impuissance face à la folie, face à une personne hors d'atteinte.
Je reconnais que ce type de livre n'est en général pas ma tasse de thé – plus c'est personnel, plus je reste à distance - mais Isabelle Flaten à un don pour me parler. Sans doute parce que son écriture est toujours mâtinée d'humour et de tendresse, parce qu'elle ne cherche jamais l'esbroufe et le remplissage de pages. Chez elle pas de digressions, elle y va direct, plein phares et moi lectrice je suis toujours un peu ébloui.
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Mon deuxième livre d'Isabelle Flaten. Après Adelphe, que j'vais beaucoup aimé et qui m'avait emportée, dans le flots des mots et de la narration.
Ici dans ce court roman, la folie de ma mère, changement de style, mais le flot reste et est toujours hypnotique. Nous sommes donc dans un récit autobiographique d'une mère racontée par sa fille, de 3 ans jusqu'à la fin [de sa mère] (et non, il n'est décemment pas possible d'écrire depuis la tendre enfance jusqu'à la vie de femme, tellement l'enfance relatée ici n' rien de tendre).
Une mère insaisissable, instable, inconnue même tellement ses propos et son comportement peuvent être imprévisibles, un père mort jeune, mais qui ne servair qu'à taper. Une enfance ballottée selon les comportements de sa mère, ses envies, ses phases, les hommes qu'elle rencontre. Une enfance et une adolescence parfois protégées par une grand-mère, puis de nouveau déstabilisée par le retour de cette mère et de ces excès.
Comment peut-on se construire au contact d'une telle mère ? Comment peut-on devenir femme, puis mère ? Isabelle Flaten traite parfaitement ce thème, de l'impact d'une mère bipolaire qui s'enfonce petit à petit, de l'ambivalence de l'amour d'une fille pour sa mère, de l'incompréhension mais de la recherche sans cesse d'une acceptation, de la difficulté (toxicité ?) d'une telle relation. Ca se lit d'une traite, permet de rentrer en empathie, sans jugement, sans apitoiement. L'ecriture toujours aussi belle.
Mais ce livre résonne en moi de façon différente. Parce qu'Isabelle, je l'ai connue. Toute petite, c'était ma voisine, la maman de mes amies. Et de lire ce livre, de naviguer si profondément dans cette intimité, devoilée par le récit, j'ai souvent eu l'impression de ne pas avoir le droit d'être ici, de rentrer par effraction. Je devais me forcer à me sortir de la tête le visage d'Isabelle, de ses filles, de leur intérieur. Ayant peur de ne pas être à ma place.
Mais par contre, je peux assurément penser et dire que j'aime son écriture, sa façon de raconter, et que je lirais ses autres livres.
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En un peu plus de 120 pages, Isabelle Flaten réussit un tour de force : nous raconter, de manière épurée et bouleversante, l'histoire d'une relation mère-fille placée sous le signe du déni, du mensonge ,de la folie, mais aussi de l'amour.
Quand "Rien ni personne n'est fiable.", comment parvenir à se construire ? La narratrice y parviendra quand même et ,adulte, découvrira un secret de famille qu'elle était la seule à ignorer.
On est happé par ce texte pudique, qui ne tourne jamais au règlement de compte, utilise avec brio les ellipses, sans jamais perdre de vue son lecteur, et ne tombe pas dans le pathos. J'ai été tenue en haleine, remuée au plus profond de moi et suis sortie la gorge nouée de cette lecture.

Et zou, sur l'étagère des indispensables !
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Ce roman d'inspiration autobiographique raconte d'abord une enfance pour le moins traumatisante marquée par des figures paternelle et maternelle négatives et nuisibles mais il dresse aussi un portrait riche et fouillé d'une mère atteinte par une maladie mentale qui n'est jamais nommée mais que l'on identifie assez tôt dans le récit.

Tout commence par la petite enfance.
Le père, chercheur au CEA est un homme irascible et violent, craint par la petite fille-narratrice, il meurt rapidement d'un cancer de l'oesophage. La mère, professeur de français, est excessive, peu présente et peu sécurisante pour ses deux petites filles dont elle se débarrasse souvent en les confiant, pour des périodes plus ou moins longues, à divers membres de sa famille. Cette mère déstabilisante est aussi une femme engagée politiquement à gauche, vraie soixante-huitarde, ultra féministe, qui accueille chez elle des femmes en détresse alors qu'elle délaisse ses propres filles. Les hommes aussi défilent mais la mère ne s'attache à aucun.

Le portrait de cette femme, mère aux mille facettes, est vraiment très réussi. La souffrance de la petite fille puis adolescente livrée à une telle mère, aussi « folle » qu'indigne, ne peut laisser le lecteur indifférent. de nombreux souvenirs racontés avec retenue permettent de comprendre ce que la narratrice a enduré et la façon dont elle a tenté de surmonter les terribles failles maternelles. Dans ce livre émouvant et sincère, la narratrice s'adresse justement à cette mère hors normes dont on suit l'évolution comportementale jusqu'à sa mort.

A la fin du livre, la narratrice s'efface totalement au profit du personnage certes écrasant de la mère vieillissante et de plus en plus « folle ».

Cette mère reste un mystère car la maladie n'explique pas tout : pourquoi une femme si féministe s'est-elle mariée à un macho qui frappait ses filles ? Comment a-t-elle pu enseigner longtemps alors qu'elle était atteinte d'une maladie psychiatrique ? Beaucoup d'autres questions restent aussi en suspens : comment la fille si mauvaise élève réussit le concours d'instit ? Pourquoi la fille parle de sa complicité avec la mère à la fin du livre alors que tout le récit montre leur incommunicabilité et l'indifférence souvent coupable de la mère à son égard ? Pourquoi n'est-il jamais question de la soeur ? En effet, on ne sait pas le rôle que cette jeune soeur a tenu dans ce trio féminin dominée par une mère « folle » (comme dans le livre de Delphine de Vigan « rien ne s'oppose à la nuit » dont l'inspiration est très proche). Dans un livre autobiographique, j'imagine qu'un auteur ne peut tout dire ni tout expliquer au lecteur sans compter que dans toute vie il existe des zones d'ombre, plus encore quand il est question de maladie psychique.

Ce roman explore donc une relation mère-fille intense et difficile mais aussi les ravages de la maladie mentale sur un individu et ses proches. Sur ces sujets, de nombreux passages poignants marquent le lecteur.

Ce roman aborde aussi la question du père, du vrai père mais je ne peux en dire plus sans déflorer l'intrigue.

Au travers des familles paternelle et maternelle, le lecteur accède à toute une galerie de portraits intéressants (les deux grand-mères, les tantes et oncles) et d'autres thèmes sont esquissés comme le poids de la religion, la vie de couple…

Enfin, ce roman a aussi un coté nostalgique pour tous ceux et celles qui ont grandi à la fin des années 60 et au début des années 70 car de nombreuses références sont faites à cette période (les émissions de variétés des Carpentier, le film Cria Cuervos, la BD Lili...)

Pour conclure, je conseille la lecture de ce livre autobiographique sombre mais non dépourvu d'humour. C'est un récit riche, sincère et poignant écrit dans un beau style sobre.
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La narratrice s'adresse à sa mère morte. Elle raconte sa relation impossible avec une mère bipolaire " il y a longtemps désormais qu'alternent les saisons dans ta tête", une mère qu'elle "veut tout à la fois, sauver et fuir."

Elle raconte d'abord son enfance chaotique ballotée de Paris à Strasbourg au gré des fluctuations de sa mère après le décès de son père, un homme autoritaire et violent. Sa mère, professeure de collège, est une femme aux humeurs imprévisibles, aux comportements excessifs avec qui elle partage cependant l'amour des livres. "J'ai un refuge depuis toute petite, une forteresse, j'habite dans les livres." Les livres, leur seul langage commun... "Les portes des librairies se confondent avec celles du paradis."

L'auteure raconte, dans une deuxième partie de son texte, sa relation d'adulte avec sa mère en introduisant cette partie par la mort annoncée de cette femme "Tu as mis longtemps à réussir ta mort mais un jour tu y es parvenue.... tu flirtais avec le crépuscule depuis des années." Au fil des années l'état psychique de sa mère s'était en effet fortement dégradé... La narratrice nous raconte leur relation polluée non seulement par l'état mental de sa mère mais également par un mensonge dans laquelle sa mère s'est enfermée... Il s'agit d'un secret de famille connu de tout leur entourage mais ignoré de la narratrice qui avait toujours préférer rester "sourde au bruissement du secret".

Je découvre Isabelle Flaten avec ce roman autobiographique qui relève de l'intime. Un texte qui résonne comme une déclaration d'amour d'une fille à sa mère. L'auteure n'a jamais pu établir une relation normale avec sa mère enfermée dans sa folie. Elle décortique ses sentiments de fille qui aurait tout donné pour "déloger le diable" qui empêchait sa mère d'être elle-même et de révéler sa vraie nature.

Ce texte centré sur sa mère et elle, Isabelle Flaten a choisi de l'écrire à la première personne en s'adressant à sa mère à travers ses souvenirs d'enfant, puis d'adolescente et d'adulte. En à peine plus que 120 pages, elle nous offre un texte très émouvant, écrit juste à la bonne distance, sobre et pudique sans aucun pathos, aucun misérabilisme mais parsemé de jolies touches d'humour. Nous sommes bien loin d'un simple témoignage ici mais dans de la vraie belle littérature. Isabelle Flaten nous livre un récit qui ne vire jamais au règlement de comptes et qui, bien que sombre, laisse transparaitre de l'espoir, "le petit miracle de renaissance" qui lui a permis de se relever d'années très difficiles.

A noter qu'il vaut mieux, comme souvent, éviter de lire la quatrième de couverture qui dévoile un élément que j'ai préféré avoir la surprise de découvrir dans la dernière partie du roman...
Lien : https://leslivresdejoelle.bl..
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Depuis Adelphe, roman découvert l'été dernier, c'est avec plaisir que je me replonge dans l'écriture d'Isabelle Flaten. Auteure prolifique, elle revient cette année avec son roman le plus personnel. Un récit qui s'est imposé à elle, elle qui s'est toujours refusée à écrire de l'autofiction, comme elle nous l'avouera en @vleel_. La folie de ma mère porte bien son nom, puisque nous découvrons à travers les yeux de la narratrice (alter égo de l'auteure) la montée en puissance de la bipolarité maternelle. Mais ce ne n'est pas tant la maladie que je retiendrai de ce récit mais bel et bien la relation mère-fille que nous suivons au fil des années.

Un récit court, divisé en trois parties, à l'écriture épurée, qui va droit au but. Un choix narratif différent des deux autres romans que j'ai pu lire, surtout par rapport à Adelphe, mais j'y ai toute de même retrouver toute la force des mots de l'auteure. Les années défilent rapidement mais malgré cette temporalité nous avons pleine conscience de cet impossible dialogue entre une mère et sa fille et des souffrances de chacune. Une mère issue d'un milieu aisé, libertaire, bipolaire, professeur de français qui délaisse sa fille, et qui se préoccupe plus des personnes qu'elle recueille et de ses amants. Un père qui, quant à lui, est absent et violent « Il ne m'adressait pas la parole mais des torgnoles » dont le décès perturbera d'autant plus le quotidien de l'enfant. Une famille entière qui se met des oeillères sur l'état de santé de leur fille ou soeur. Comment grandir et se construire au sein d'un tel foyer ?  C'est ce que nous nous sommes demandées à la fin de notre lecture avec la #teamflaten.

Malgré le sujet et les événements énoncés, le ton n'est pas aux reproches et vous y retrouverez même quelques pointes d'humour. La folie de ma mère, c'est finalement l'histoire d'un rendez-vous manqué entre une mère et sa fille. Un récit d'autant plus touchant, puisque cette fille, s'est occupée et a soutenu sa mère envers et contre tous, et ce jusqu'à la fin. « Je veux tout à la fois, te sauver et te fuir. Je t'en veux d'être celle que tu es et m'en veux d'être celle que je suis ».  La dernière partie prend la forme d'une enquête, que je vous laisserai découvrir, et est distillée des extraits de lettres de la mère.

Pour info, à la suite de son propre récit, Isabelle Flaten voulait y faire figurer le roman de sa mère mais malheureusement pour des questions de droits, cet ajout n'a pas été possible.
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Poignant, « La Folie de ma mère » est à l'instar de la lave d'un volcan qui jamais ne s'arrête. Un livre qui témoigne, ose, et bouscule tout entendement ; un livre confident, mots sur les maux. L'histoire d'une vie, de sentiments dans cette orée où les secrets lourds sont de la bouée collée sous les chaussures d'une petite fille qu'on aime de toutes nos forces. Sans pathos, jamais, des perce-neiges qui naissent sous le regain, l'écriture est myriade, profonde, dans ce noble où l'on écoute cette voix qui contre les années. L'hymne à la mère envers et contre tout. Et c'est ici que la dignité de la narratrice, sa force altière, son endurance aux plis sur ses robes métaphoriques dévorent les lignes. Cette contemporanéité d'un ton qui affirme (de nouveau) le culte d'écriture d'Isabelle Flaten. Rien, absolument rien n'est laissé sous le tapis. Isabelle Flaten scelle sa vie aux entrelacs des années qui ont forcé celle devenue : tenace, sincère et loyale malgré le poids des silences. Il y a dans ce livre la force des vents contraires qui font claquer les persiennes alourdies des souvenirs, évanescence, des étreintes floutées, cet abîme qui subrepticement l'attire dans ce gouffre abyssal. On ressent un relationnel mère-fille atypique. Une mère dont la personnalité, le libre-arbitre, le déraisonnable, ce manque crucial et cruel d'amour pour cette enfant (grandissante au fil des pages) éveilleront les sens, la quête existentielle de la narratrice (Isabelle Flaten). C'est ici le socle de l'histoire, sa quintessence, sa raison d ‘être. Cette phrase durassienne « Tu me tues, tu me fais du bien. ». Une mère avant-gardiste, féministe, instable, tourmentée, avare de tendresse. « Tu es le professeur de la classe, et tu m'avertis instantanément : aucun privilège, prière de me vouvoyer et de t'appeler Madame en cours pour ne pas faire de différence avec les autres. Cela me semble impossible. À la maison étrangement, j'ai droit à une faveur. Aussitôt ma copie corrigée, ou mon bulletin rempli, tu me fais signe d'approcher d'un air complice et désignes ta remarque au bout de la feuille : devoir bien construit, écriture soignée, orthographe maîtrisée. Je rayonne. » Isabelle devine, intuitive, perspicace. « Avec grand-maman ne pas faire d'histoires pour rien, avec mamie être une enfant sage, avec toi ça dépend de l'endroit et de l'humeur. » le plein de midi dans « La Folie de ma mère » est le jeu narratif. Cette délivrance juste perlée à l'instar d'une goutte de rosée sur une brindille d'herbe, résistante, mature, digne. Dire sans juger. Les bras ouverts malgré les contraintes de savoir l'orage s'engouffrer. Cette mère si étrange, si risquée, fissurée dont la fille est projection. Comment se construire dans les non-dits ? « Il y a des vantardises autour de la soeur et moi : « j'ai apporté la même chose pour chacune pour ne pas faire d'histoire. » ou « aucun privilège, ce sont les mêmes modèles, un en bleu, l'autre en rouge. » Un mot d'ordre connu de tous mais pas toujours facile à respecter. » « Petites, nous étions souvent distribuées chez nos grands-mères respectives pour les avances, elle chez grand-maman et moi chez mamie, comme si c'était naturel de renvoyer chacune aux siens le temps d'une parenthèse. » Ce livre est un tourbillon. Un cri dans la nuit. Il tisse le générationnel. La quête du père, de soi, l'hommage à la mère. On ressent les douleurs enfantines, tsunami dévastateur, cette petite fille aux abois, femme devenue voulant sauver sa mère d'elle-même, du piège de la folie. Ce livre des courages, de ce gris où la pluie perle est celui de l'initiation à la vie. Rassembler l'épars silencieux, le fantôme d'un père et se sentir enfin en cheminement. Magistral. A noter une première de couverture magnifique de Juliette Lemontey. Publié par les majeures Éditions Le Nouvel Attila.
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