AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Foxfire


Et si le plus grand roman de fantasy était l'oeuvre de Gustave Flaubert ?! J'entends déjà les objections des uns et des autres, ceux qui tiennent absolument à enfermer les grands auteurs dans le giron de la littérature blanche parce qu'un roman de genre de saurait faire preuve de génie, ceux-là argueraient que « Salammbo » n'est pas de la fantasy mais un roman historique. de l'autre côté, les intégristes des littératures de l'imaginaire refuseraient de voir en « Salammbo » une oeuvre de fantasy, au motif qu'il n'y aurait pas véritablement d'élément surnaturel dans le roman. Les seconds ont sans doute des arguments plus valables que les premiers mais leur donner raison serait, selon moi, faire preuve d'un esprit obtus. Certains romans unanimement reconnus comme étant de la fantasy comportent finalement peu de surnaturel. Et puis, ne pourrait-on pas considérer que c'est par autre chose que le roman de Flaubert relèverait de l'imaginaire ? Franchement, « Salammbo » est-il vraiment seulement un roman historique ? Certes, cet aspect semble documenté, l'auteur a fait des recherches mais la tonalité du récit l'emmène bien plus loin. Il y a dans « Salammbo » une telle exagération, une telle outrance que le récit semble se dérouler en des lieux et des temps où tout est possible. Je suis persuadée que nombre d'auteurs qui oeuvrent dans la fantasy ont été marqués au fer rouge par leur lecture du roman de Flaubert. de toute façon, au diable les étiquettes, tout cela importe peu en comparaison de l'impression laissée sur les lecteurs. Et l'impression que m'a faite « Salammbo » est énorme, je ne suis pas loin de penser qu'il s'agit là du plus grand roman français jamais écrit.

« Salammbo » est vraiment un roman de la démesure. Tout y est amplifié, décuplé, tout est grand, tout est spectaculaire, j'en ai pris plein la figure. Comment résumer « Salammbo » en quelques mots ? La guerre. L'amour. Voilà, ce qui me vient pour qualifier cette fresque extraordinaire relatant l'épisode de la Guerre des Mercenaires qui fait suite à la première guerre punique. Si les combats occupent plus de pages que les sentiments, leur importance est égale, la passion amoureuse de Matho envers Salammbo nourrissant son bellicisme. Dans le roman de Flaubert tout est d'une violence inouïe, l'amour y est aussi intense et destructeur que les combats les plus acharnés. Et acharnés, les combats le sont assurément. A-t-on jamais écrit roman plus épique que « Salammbo » ? Les batailles dépeintes par Flaubert sont dantesques ; des dizaines de milliers d'hommes assiégeant des cités merveilleusement monumentales, des éléphants caparaçonnés, des stratégies militaires, des retournements de situation, des pluies de sang… Comme je l'ai dit, l'amour a beau occuper moins de place en terme de quantité il est néanmoins central. Flaubert ne nous conte pas un amour tendre et épanouissant, la passion qui lie Matho et Salammbo est furieuse, violemment sensuelle, d'une férocité qui la fait ressembler parfois à de la haine. L'évocation de cet amour fiévreux atteint son paroxysme dans la scène de la tente que j'ai trouvé, en étant toujours dans le non-dit, d'un érotisme bouillant.

Tout dans « Salammbo » emmène ailleurs. A-t-on jamais écrit roman plus dépaysant ? Les villes, les paysages, les temples, les dieux, les vêtements, les coiffures… tout est magistralement dépeint sans que jamais ces descriptions soient ennuyeuses. Cet enchantement et cet émerveillement ne viennent pas seulement de l'ampleur des événements racontés. L'écriture de Flaubert y est pour beaucoup. A-t-on jamais écrit plus beau roman ? En tout cas, moi, je crois n'avoir jamais été autant éblouie par l'écriture d'un auteur. Dès la toute première et si célèbre phrase du roman, j'étais extatique. « C'était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d'Hamilcar ». Ça n'a l'air de rien comme ça, cette phrase si simple, qui ne cherche pas à en mettre plein la vue, et pourtant dans cette phrase très épurée il y a tout le génie de Flaubert. Lisez-la, lisez-la bien pour ressentir toute sa beauté. le mieux est sans doute de la lire à voix haute pour en respirer la poésie. Ecoutez ces sons qui se marient si bien, la rondeur des M que vient bousculer le rythme des C… L'harmonie est si parfaite, si musicale… Et tout le roman est de la même eau. C'est splendide, ce texte est d'une beauté chavirante.

Vous l'aurez compris, « Salammbo » est un énorme coup de coeur. Ce que j'ai ressenti va même au-delà du coup de coeur. J'ai été subjuguée, époustouflée, envoûtée par ce sublime roman qui entre immédiatement dans mon petit panthéon personnel.
Commenter  J’apprécie          5721



Ont apprécié cette critique (55)voir plus




{* *}