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Critique de AmeliaChatterton


Avec ce roman, j'ai voyagé en Inde pour pourchasser une tueuse insaisissable, bravé les conventions sociales victoriennes et surtout découvert un univers magique particulier où les personnages dépendent les uns des autres par un lien mystérieux. Tenté par l'aventure ? Suivez le guide !

Une enquête haletante

Célia Flaux nous emporte avec elle dans une enquête pleine de suspense et de mystère entre la moiteur d'une Inde luxuriante au temps des colonies et la capitale anglaise glaciale et polluée. Nous ferons la connaissance de colons anglais, grand propriétaires, installés en Inde, mais aussi de personnages locaux indiens comme la famille d'Amiya, et la police indienne dépassée par les évènements. Nous aurons affaire à des aristocrates anglais à Londres via la famille de Liliana, ainsi que le club très fermé des gardes royaux et leurs entraînements particuliers.

De nombreux rebondissements sont à prévoir avec une tueuse imprévisible, insaisissable qui amène une sensation d'impuissance et le sentiment d'un danger permanent. Même la présence des gardes royaux pour assister la police dans son enquête ne la dissuadera pas d'agir et les victimes se feront de plus en plus nombreuses au fil des pages.

Il faudra toute l'intelligence et la persévérance de Amiya et Lilianna pour en venir à bout, ce qui ne sera pas sans occasionner quelques surprises inattendues comme le fait que la tueuse est mystérieusement reliée à sa victime…

Une réflexion sur le statut de victime

Un viol d'énergie. C'est de là que part toute notre enquête autour du personnage d'Amiya, la victime, et de Lady Liliana Mayfair, la garde royale chargée de l'affaire. Mais qu'est-ce qu'un viol d'énergie ? Et en quoi est-il si grave ?

Le mot viol vous aura mis la puce à l'oreille, indiquant l'absence de consentement de la victime. Il s'agit dans cet univers particulier, d'aspirer toute l'énergie d'une personne jusqu'à la faire mourir. Heureusement pour le dena Amiya, son agresseure a été surprise et n'a pas eu le temps de le tuer, mais elle l'a laissé pour mort et surtout marqué à vie, déséquilibré dans son flux et méfiant vis à vis des lynes. Et cela ne l'aidera pas à se construire sainement de ses 10 ans à l'âge adulte. Il va devenir Anergique, avec un trop plein d'énergie qu'il préfère destiner aux plantes qu'aux humains, mais lui causant de foudroyantes migraines.

On aurait pu penser que ce personnage allait rester dans son statut de victime jusqu'à la fin de sa vie, décalé par rapport à la société, et surtout peu désireux de fournir en énergie des Lynes sans avoir peur d'en mourir, au grand désespoir de sa mère guérisseuse. Mais l'auteure n'a pas souhaité en rester là.

Amiya va évoluer, combattre ses démons de manière pacifiste, reprendre confiance en lui. Il faudra que la Lyne meurtrière refasse surface et qu'il rencontre la lyne Liliana pour peu à peur sortir de sa coquille, guérir et rééquilibrer son énergie et son état mental. Ici pas de grands éclats de bravoure, seulement un homme qui sort de son état dépressif après un acte traumatisant.

En ce sens, il offre une leçon de courage à toutes les victimes de traumatismes et un beau message d'espoir, ainsi qu'aux familles de personnes ayant été violentées.

Un univers envoûtant

J'avoue avoir eu quelques réticences au début à rentrer dans l'histoire à cause de son aspect magique. J'avais l'impression de lire un roman de vampires énergétiques ! Mais il s'est avéré que l'univers créé par Célia Flaux était plus complexe que cela.

Elle nous propose un monde oscillant entre roman policier victorien et magie. En ce sens, elle se rapproche de la gaslamp fantasy et non pas du steampunk comme j'ai pu le penser au premier abord. Ici, pas de d'inventions mécaniques anachroniques, mais plutôt un monde où deux espèces agissent en complémentarité pour réguler la magie omniprésente.

Tout d'abord, les Lynes qui naissent avec moins d'énergie et doivent par la suite se nourrir des Denas pour vivre. Ils sont plutôt représentés comme des personnes au caractère fort et à la magie destructrice. Ils régentent l'univers à des postes clés et sont censés protéger les Denas.

Les Denas à l'inverse sont remplis d'énergie magique, ce qui peut leur occasionner des migraines s'ils n'évacuent pas ce trop plein en le proposant aux Lynes. Ils sont représentés comme faibles, en retrait, et occupent des positions inférieures comme si être un « garde-manger » énergétique était compliqué à vivre.

Les points de circulation d'énergie sont régis par les chakras, ce qui donne un petit côté mystique à l'histoire et l'ancre un peu plus dans la tradition indienne. Pour donner de l'énergie, un Dena dévoilera un de ces points sur son corps, en fonction de son degré d'intimité avec la personne. Il y a des points dédiés à la famille, aux amants, etc… Les Lynes aspirent avec les doigts ou la bouche, avec le consentement du Dena.

L'auteure a introduit quelques subtilités dans ce mode de vie comme rendre sacrilège le don d'énergie aux plantes par un Dena car il apparaît comme égoïste vis à vis des Lynes, ou encore faire en sorte que les chats soient des passeurs d'énergie entre lyne et Dena. La mère d'Amiya qui est une guérisseuse, nous apprendra ce genre de détails associés à cet univers fort créatif.

Une réflexion sur les classes sociales

Si les relations entre les Lynes et les Denas semblent figées et fortement hiérarchisées, cela n'a pas d'incidence sur leur classe sociale. N'importe qui peut être Dena ou Lyne. Et les Dena ne sont pas toujours des femmes, l'auteure a su sortir de cet écueil d'objet féminin à protéger.

Cependant, on sent qu'il est complexe pour Liliana et Amiya de s'intégrer avec leurs problèmes d'énergie, mais aussi pour des Dena d'accepter un autre rôle que celui d'être soumis envers des Lynes. Il sera question de la possibilité d'inverser les rôles, et de ce que cela implique. J'avoue que cela m'a fait un peu penser aux relations Sado-Masochistes sur un certain plan…

Par ailleurs, derrière le côté magique, une autre hiérarchie est présente : celle des classes sociales de la société victorienne.

Le ton est donné dès le départ avec le personnage du père de Liliana. Lord Mayfair ne supporte pas la mésalliance de sa fille avec Clément qu'elle souhaite épouser car ce Dena n'est pas membre de l'aristocratie. Par la suite, il appuie même l'idée que cette mésalliance de classe souillerait l'énergie de sa lignée, ce qui revient à une forme de racisme.

Le poids de l'héritage du nom familial et des conventions sociales pèse à Liliana qui souhaite s'en affranchir, comme de son père autoritaire et colérique. le fait de devenir Garde Royale lui apporte des privilèges qui lui permettent de sortir de son statut de Lady et de femme. Cependant, cela ne sera pas toujours suffisant.

On sent que la famille Mayfair, malgré les apparences, cache plus d'un secret et qu'elle n'est pas heureuse à l'inverse de celle d'Amiya : Entre un père intransigeant, une mère effacée et un frère homosexuel caché, Liliana a fort à faire pour préserver sa vie personnelle tout en essayant d'aider ceux qu'elle aime.

Le fait qu'elle soit devenue anergique en se privant d'énergie auprès de sa mère Dena afin de la préserver de son père a créé une blessure irréversible dans ses relations familiales.

A côté de la famille de Liliana, Célia Flaux pointe également du doigt le racisme des anglais envers les indiens à travers le personnage d'Amiya, qui va évoluer dans la société londonienne tant bien que mal, toujours avec le sourire, subissant des humiliations qu'il n'avait pas prévues.

En conclusion : Célia Flaux signe ici un roman d'enquête haletant qui nous fera voyager dans des lieux exotiques, baignés de mysticisme où chacun essaie de trouver sa place malgré les conventions. Un joli roman sur la liberté, le courage d'affronter ses peurs, et surtout de guérir de ses blessures intérieures.

Je remercie les éditions ActuSF pour l'envoi de ce service presse qui m'a bien fait plaisir. Même si au final il ne s'agit pas d'un roman steampunk, j'ai passé un bon moment de lecture. 🙂
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