AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Bruidelo


C'est un peu inégal mais dans l'ensemble j'ai été très séduite par la belle et joyeuse énergie de ces textes inspirés par la culture populaire du Moyen Âge. C'est surprenant, dépaysant, sans peur de l'excès, du grotesque, du pas comme il faut.
C'est du théâtre très politique - un des textes, une traduction qu'il a faite d'un manuscrit médiéval d'après ce que dit Dario Fo, nous présente un pauvre hère dans une sombre misère que Jésus va transformer en jongleur-tribun du peuple, lui faisant don d'une langue bien affilée pour qu'elle aille « partout percer comme une lame les vessies à dégonfler », pour qu'il nous fasse rire en se moquant des puissants, pour qu'il nous apprenne à jouter avec eux. À rire de nous et de notre crédulité aussi - dans un autre texte, Dario Fo nous parle d'un jongleur qui joue « la fameuse cuite de David », une cuite terrible, durant 7 jours, où le roi s'en prend à tout le monde, et en particulier à ses sujets qui gobent sans broncher les fables dont on les abreuve pour leur faire accepter les inégalités:
« Peuple stupide et misérable et aussi un peu couillon, mais pourquoi tu crois à toutes ces histoires? »
C'est aussi un théâtre qui fait à la folie une belle place. Vive la folie! Sans elle, elle serait terrassée par la douleur, cette mère dont l'enfant a été tué dans le massacre des innocents... mais la voilà consolée, persuadée que le petit agneau qu'elle tient tendrement dans ses bras est son fils, heureuse qu'aux yeux des autres il soit un animal « parce que dans ce monde infâme, il sera plus facile à mon fils de vivre en agneau que de vivre en homme».
Et puis il y a le Fou, seul à voir la beauté de la Mort, à la draguer, à boire avec elle pour chasser le bourdon - elle va devoir emporter ce Christ qui a l'air si doux.
Le Christ, lui, personne ne peut le sauver, et même le Fou doit renoncer à aider ce plus fou que lui, qui veut sauver toute l'humanité. C'est que pour Dario Fo
«Si l'humanité n'avait pas en son sein un bon pourcentage de fous, elle ne serait plus là depuis longtemps. Quelqu'un comme le Christ qui bouleverse son époque en portant une parole nouvelle et se fait tuer pour sa foi était fou, sans l'ombre d'un doute. Mais le pauvre type qui toute sa vie poursuit un défi est fou aussi. Les artistes, les inventeurs, les explorateurs de terres et d'idées, ceux qui osent changer les règles, envoyer valser l'ordre constitué, le sens commun, les logiques aristotéliciennes et tout le saint-frusquin ont été, sont et seront tous fous.»

Un mariage étonnant, mystérieusement très réussi entre un théâtre engagé très fin 60's et un univers médiéval populaire surprenant, truculent, très vivant, unis dans un même goût de la «rigolade».
Commenter  J’apprécie          250



Ont apprécié cette critique (24)voir plus




{* *}