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Critique de LaTeteDansLaLune


Cette série, qui fête ses 10 ans, vient tout juste d'être rééditée en un seul volume réunissant les deux d'origines pour l'occasion : la couverture, toute simple, est habillée par une jaquette dépliante formant un poster recto-verso présentant l'arbre où se déroule notre aventure, et le roman recèle de nombreuses illustrations noir & blanc qui viennent servir le récit. Très délicates et poétiques, elles sont l'oeuvre de François Place.

Ce roman est un vrai petit chef-d'oeuvre, difficile à refermer une fois la lecture commencée. Si je m'attendais au départ à quelque choses se rapprochant des borrowers ou des minimoys, j'ai rapidement réalisé que ce roman était bien plus dense et complexe, véritable représentation et condensé de notre propre monde et de notre Histoire.

Le roman commence par une course poursuite, celle de Tobie, blessé, traqué comme une bête par des assaillants lancés à ses trousses pour une mystérieuse raison, qui ne sera dévoilée que bien plus tard dans le roman. Car c'est là l'une des forces et originalités de ce récit : l'intrigue ne suit pas un cheminement linéaire, d'un point A vers un point B, mais au contraire deux timelines, passé et présent, qui se succèdent et se déroulent en parallèle l'une de l'autre au moyen de flash-back. On se retrouve face à un puzzle, une histoire à trous, dont les pièces ne se dévoilent et s'assemblent que progressivement et pas nécessairement dans l'ordre dans lequel on les attendait, et il en ressort un récit terriblement haletant, où chaque action et évènement rajoute son lot d'attentes et de questionnements, sans que jamais l'intérêt ne retombe, et passe de moments durs, cruels et tristes à des passages magnifiques emprunts de douceur et de poésie. Je n'ai pas honte de vous avouer avoir versé une petite larme à plusieurs reprises (et ce n'est pas évident quand on est dans le train, croyez-moi !)

"Ce jour-là, Tobie comprit, en regardant Maïa, que quand on pleure quelqu'un, on pleure aussi ce qu'il ne nous a pas donné […] Comme si, jusqu'au bout, on garde l'espoir d'un geste ou d'un mot qui rattraperait tout. Comme si la mort tue ce geste qui n'a pas été fait ou ce mot qui n'a jamais été dit."

L'histoire se déroule en grande partie sur l'Arbre, où vit une communauté de petits hommes pas plus hauts que 2 mm (Poucette est une géante à côté), inconscients de la nature d'être vivant de leur abri. Pour eux, ce dernier fait office de monde, d'univers - complet et fini - et cela donne lieu à un microcosme permettant à l'auteur d'établir un parallèle avec notre propre monde et de le mettre en perspective. Et c'est en partie la raison pour laquelle je pense que ce livre à toute sa place parmi les classiques de la littérature et devrait être abordé à l'école : les personnages, en tentant d'élucider le mystère que représente cet environnement, provoquent un enchaînement d'évènements qui seront l'occasion d'aborder des thèmes, des questionnements et des notions, aussi bien philosophiques que sociaux, moraux, comportementaux… On y aborde le progrès technologique, ses conséquences sur la société et l'environnement, la cupidité de ceux prêts à tout pour s'enrichir en faisant fi des implications, et les réactions de ceux qui les suivent - ou non -, qu'ils soient motivés par l'amour, la haine, la peur de l'autre et de l'étranger, l'appât du gain, la naïveté, l'envie de protéger les leurs… En résumé ceux qui se posent des questions, réfléchissent et agissent, et ceux qui suivent, bêtement et acceptent de se faire manipuler.

On y voit tout le prisme de l'humanité (notre humanité) dans ce quelle recèle de meilleur et de pire, on s'attarde sur les actions (bonnes ou mauvaises) et leurs conséquences (là encore bonnes ou mauvaises…). On y aborde le développement durable, les problématiques d'écologie, du mieux vivre ensemble, la tolérance, la trahison, l'entraide, le courage ordinaire, l'esclavage, la dictature, la propagande, … Et à mon sens, ce roman, en exposant tout cela, délivre les notions fondamentales que chacun se doit de posséder pour devenir un acteur responsable et réfléchi de la société.

"Encore un que Tobie ne reverrai jamais. C'était la loi de sa vie : les gens qu'il aimait s'évaporaient, et il n'en restait plus qu'une poussière d'or qui lui piquait les yeux."

Le récit est servi par des personnages qui reprennent cette mise en perspective. S'ils sont parfois un peu caricaturaux, chacun représentant un des "caractères types" qu'il est possible de rencontrer dans la vie, ils sont tout de même bien travaillés et intéressants à suivre. Qu'on les admire ou qu'on les déteste, chacune de leur action est vraiment motivée. On retrouve le héros, qui est devenu par la force des choses et malgré lui, un rebelle et un défenseur de la justice, les lanceurs d'alerte méprisés et stigmatisés car allant à l'encontre de l'opinion publique et des pouvoirs en place, les politiques/industriels véreux, et les gens ordinaires, pris dans les grands chambardements de la vie, et qui vont devoir choisir leurs positions. Et les "autres" aussi, les "pelés" qui sont perçus comme une menace et que l'on découvrira dans la seconde partie du roman.

"Il était à la fois la catapulte et le boulet. Surtout le boulet."

Impossible de parler de ce roman sans mentionner la plume de l'auteur : Timothée de Fombelle à un style d'écriture fluide et élégant, tout en finesse et en poésie, et s'amuse avec la langue française et ses expressions. La lecture est un vrai régal et m'a volé de nombreux sourires ! Je lis bien trop souvent des romans où le texte est d'une grande banalité, comme si les auteurs se préoccupaient plus de raconter une histoire que de comment la raconter. Ici les deux sont énormément travaillés et fonctionnent en synergie. Encore un plus pour les jeunes lecteurs, qui pourront découvrir toute la beauté de notre langue :) !

"Neige lui lanca un regard de reproche. Il y avait toujours quelqu'un pour l'empêcher de s'amuser, et lui sauver la vie."

"Il enviait le grand-père qui pouvait être avec elle tous les jours, et lui apprendre l'inutile : les cabanes, les histoires sans fins, et la musique…"

CONCLUSION :
Encore une fois (mais on ne saurait le dire assez) ce roman est une vraie pépite et d'une grande maturité, et devrait être mis entre toutes les mains. Véritable fable moderne, il délivre, comme ce genre littéraire le veut, une vraie leçon de vie et de morale à destination des plus jeunes (et des autres aussi, ça ne ferait pas de mal), et mériterait amplement sa place parmi les classiques de la littérature française. Je vous conseille fortement sa lecture, si vous ne connaissez pas, et j'espère que vous prendrez autant de plaisir que moi à savourer ce grand roman !

Lien : http://latetedanslalune.net/..
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